For the Daemon

SUCCINCTEMENT
Journaliste, playboy (existent-ils encore?), amoureux de son travail, Cordt devient bientôt la cible d’une horde de femmes qui veulent changer le (dés)ordre du monde.

Brieuc Le Meur

CRITIQUE.
[ INÉDIT ]

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Déjà, dans ses nombreux courts clips disponibles sur Vimeo, Brieuc Le Meur se montre d’une audace subliminale. Il n’hésite pas à accorder au texte autant d’importance qu’à l’image. La femme devient, si l’on observe attentivement, un des sujet principaux de ses propositions. Un cinéaste qu’on découvre par le bout indiscret de la lorgnette. Dans l’un d’eux, In the Club, il se met manifestement en scène. Bouleversant.

C’est un essai filmique inusité, intemporel, conceptuel dans sa forme, secouant de tous côtés les règles du cinéma pour, finalement, se donner le courage d’être tourné librement, sans contraintes, amalgamant passion du cinéma, fantasmes (masculins), abordant le thème, aujourd’hui si abusif, du rapport hommes/femmes à une époque post-#MeeToo. Mais dans le cas de For the Daemon, c’est tout autre chose.

L’homme

qui fuyait les femmes

Elles, ces femmes, n’ont rien perdu de leur attrait féminin, n’essaient pas d’imiter les hommes, mais  au contraire conservent leur traits du visage à la fois ange et démon, leurs maquillages, tous ces constituants qui font que la femme est ce qu’elle est, la beauté de leurs corps, l’allure altière dans leurs démarches et leurs comportements. Et pourtant, elles agissent en guerrières, en amazones, en sorcières. D’où ce titre suggestif, en anglais et pas en français, pour des raisons qui nous échappent.

Ou plutôt, après mûre réflexion, appellation au diapason avec cette notion culturelle de l’europanéité. Rester dans l’UE en préservant sa propre condition nationale, et tout en s’adaptant aux autres. C’est de cela que For the Daemon parle aussi, illustré parfaitement dans ce mélange attrayant de langues et de cultures, dans un film où mythologie et philosophie s’accordent en des mouvements qui ont affaire avec autant le théâtre que la danse. C’est un film où les idées s’assument images en mouvement, où la pensée devient plan, où le cadre sert finalement à quelque chose, le plus souvent dans des formes conceptuelles.

Un film radical (comme le dit l’auteur lui-même), mais également pris au piège de l’enthousiasme, de cet envie de tourner sans s’arrêter, sans prendre de répit.

On pourra reprocher à Brieuc Le Meur (nom d’une originalité exemplaire, parfaite carte de visite) d’être trop pris par son sujet, une proposition qui semble l’obséder tout le long du film. D’où ce rythme effréné de la caméra qu’il porte, assisté d’Adam Richards, aussi survolté, je suppose. Le Meur s’est également occupé du montage, d’où on sent des influences évidentes : vidéoclips, pubs-télé, rapidité dans le mouvement de notre époque actuelle.

Et du cinéma, il y a du David Lynch, du Dario Argento, du Mario Bava (si l’on observe attentivement). Le cinéaste, par échanges de courriel, se targue d’avoir fait un film classique. J’oserais avancer que c’est surtout en ce qui a trait à l’image parfaitement léchée, exécutée avec soin, d’une lueur éclatante, même dans les atmosphères sombres, comme dans les parties des hommes emprisonnés qui, eux, auraient eu besoin d’une direction d’acteurs plus surveillée.

En dehors de Cordt Schwäkendiek, à l’aise dans le rôle de journaliste, le jeu, dans l’ensemble, demeure le plus souvent affecté. Les personnages, trop conscients des espaces filmés, se perdent dans des comportements qui frisent l’improvisation. Du moins, c’est ma perception.

C’est un film, encore une fois, qui parle de mythologie, de sorcellerie, de notre rapport au sacré et au profane. Un film radical (comme le dit l’auteur lui-même), mais également pris au piège de l’enthousiasme, de cet envie de tourner sans s’arrêter, sans prendre de répit.

Mais du coup, on s’aperçoit que For the Daemon (en français, Au nom du démon ?) est aussi une proposition nécessaire par les temps qui courent, car elle vibre d’un nouveau son de voix. Un film prometteur qui, on l’espère, conduira Brieuc Le Meur vers des horizons encore plus audacieux.

PHOTOS : @ editionsf4.com

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Brieuc Le Meur

Genre : Suspense
Scénario : Brieuc Le Meur
Image : Brieuc Le Meur
Montage : Brieuc Le Meur
Musique : Brieuc Le Meur
Son : Brieuc Le Meur
Costumes : Tata Christianne

Interprètes
Cordt Schwäkendiek, Celine Yildirim
Sigune Roloff, Kyra Bassi
Sarah Grether, Patrick Oliver Schulz
Rabea Lue, Marc Philipps
Thomas Linz, Marie Zechiel
& autres

Origine(s)
France
Allemagne
Année : 2020 – Durée : 1 h 16 min
Langue(s)
V.o. : multilingue ; s.-t.f.
Meine Name ist Cordt Hammer

Contact @
http://www.editionsf4.com/

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]