27e Rencontres internationales
du documentaire de Montréal
ÉVÈNEMENT
[ Cinéma ]
Luc Chaput
Si proche,
si loin
Dans une forêt européenne, un être aperçoit des humains arboricoles, vivant dans des huttes accrochées à ces branches et se déplaçant au moyen de câbles. C’est un androïde venu du futur (plus pacifique que Terminator) venu retrouver la trace d’un roi-machine nommé dans des chroniques et qui aurait vécu à notre époque. C’est entre autres par ce nouvel exemple de fictionnalisations du documentaire que les récents RIDM jetaient un regard proche ou lointain.
Tobias Nölle dans Preparations for a Miracle (Das letzte Königreich – Reisebericht einer Maschine), tourné en partie pendant la pandémie, documente, par cet emploi du visiteur du futur, un mouvement écologique voulant protéger une région dans l’ouest de l’Allemagne de l’exploitation effrénée d’une mine de lignite à ciel ouvert. Le réalisateur s’intéresse plus particulièrement ensuite à un fermier, dernier irréductible de ce village de Lützerath depuis vidé de ses habitants. L’utilisation de ce détour fictionnel a permis au réalisateur un accès plus complet aux groupes contestataires mais cet enrobage éloigne le spectateur des enjeux centraux de ce film qui eut l’honneur de l’ouverture.
Dans un centre hospitalier suisse, une équipe détermine des scénarios de rencontres entre patients et personnel médical pour permettre à des internes et à des infirmières d’affiner leur écoute et leur dialogue avec ces malades désemparés. Cette séquence de mise en contexte dans Sauve qui peut a lieu après deux saynètes désarçonnantes dans lesquelles des acteurs ont interprété des malades leur demandant de l’aide sous le regard de mentors qui commentent subséquemment le déroulement de l’entrevue. La cinéaste helvète Alexe Poukine multiplie ces échanges dans les couloirs et les salles d’hôpitaux avant d’accompagner dans une deuxième partie pendant une fin de semaine des sessions de rencontres entre des personnes de plusieurs horizons dans le système de santé. Échanges de groupe et jeux de rôles sont filmés par deux caméras et apportent une plus grande résonance aux cris du cœur de ces thérapeutes. Ils sont là-bas comme ici au bout du rouleau et exigent une plus grande reconnaissance.
Un sage aîné cri du Manitoba est invité à un colloque à l’université Harvard. Il décrit comment les nations autochtones se sont réapproprié les savoirs astronomiques ancestraux qui leur permettaient de se guider lors de leurs pérégrinations. Ces connaissances avaient été dénigrées dans les pensionnats et autres lieux d’éducation visant à changer de fond en comble la culture de l’Amérindien. La réalisatrice Lisa Jackson, par ce portrait un peu trop louangeur de Wilfred Buck, donne à voir le parcours tortueux de ce savant maintenant reconnu en l’accompagnant dans divers lieux de sa longue vie racontée également dans I Have Lived Four Lives. Elle souligne la résilience de cet homme surnommé Pawamanikititicikiw (trad. ‘Il a rêvé un rêve qu’il garde’) et sa facilité à transmettre aux autres cette passion pour les astres et les autres piliers de sa culture.
La réalisatrice belge d’origine marocaine Samira El Mouzghibati, dans Les miennes, convoque ses quatre sœurs pour une rencontre sur ce film à entreprendre sur sa famille. Cette cadette, élevée en partie par ses aînées, emploie les photos et films de famille et captations sur téléphone mobile pour déterminer les tensions entre cette mère et sa progéniture. Arrivée en Belgique, cette femme venue du Rif avec son mari, a décidé de continuer d’y porter ses vêtements et de pratiquer quotidiennement sa religion pour montrer sa différence avec son nouveau milieu. Ses filles ont pris des parcours bien différents suite entre autres à un mariage forcé. La cinéaste accompagne ensuite sa mère dans cette région natale et ce ressourcement est source de joies et d’échanges fructueux. La réalisatrice a ainsi réussi un magnifique portrait familial sur deux générations d’immigrants qui lui avait mérité le prix de la FIPRESCI au dernier festival de Nyon.
Nous reviendrons lors de leurs sorties sur d’autres films comme Okurimono de Laurence Lévesque ou No Other Land de quatre auteurs, deux palestiniens et deux israéliens qui a remporté le Prix du public. La récente chute de la très longue dictature en Syrie rend encore plus pertinent My Memory is Full of Ghosts d’Anas Zawahri sur la ville de Homs.