49e Festival du nouveau cinéma [04]
MANIFESTATION
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Courts métrages
un texte de
Luc Chaput
Dans les premiers contreforts de l’Himalaya en Inde, sur une large rue d’Haridwar, des bûcherons s‘astreignent avec des haches, des cordes et d’autres instruments pour la plupart non mécaniques, à tailler, couper et scier branches et plus tard troncs de ce figuier des pagodes, arbre pourtant vénéré par les religions hindoue et bouddhique. La réalisatrice allemande Sonja Feldmeier filme les opérations pendant quelques jours donnant à plusieurs des anonymes travailleurs leurs individualités. La conjonction de l’image, du son et du montage nous amène ailleurs et les explications différentes ne nous sont données qu’en fin de parcours dans The Peepul Tree.
Images de synthèse et réalités
Au FNC, il existe deux compétitions internationales de courts métrages, la proprement dite et les Nouveaux Alchimistes offrant des propositions officiellement plus étonnantes. Des films des deux sections se répondent et nous les aborderons donc ensemble dans ce texte. En France, Sarah Arnold emploie un simple dispositif de studio pour détailler le quotidien d’employées d’un supermarché. Les hiérarchies sont placées, le décor est simplifié et les gestes aux caisses sont mimés dans L’effort commercial dans une implacable montée à la conclusion dérangeante. Au Brésil, au bord d’un grand cours d’eau, une sirène différente est capturée. Deux jeunes filles s’occupent d’elle maintenant emprisonnée et découvrent des nouveaux moyens de défense. Le titre original Menarca offre des pistes d’explication à ce film d’horreur très contemporain de Lillah Halla conjuguant des mythes anciens. Dans les landes britanniques, deux sœurs déjà préoccupées par la santé de leurs parents et accompagnées de leur chien, prennent un raccourci et s’y perdent. Une atmosphère inquiétante est progressivement installée par la réalisatrice Sophie Littman et le souvenir de Sudden Light persiste bien après sa fin ambiguë.
Une adolescente commence à travailler dans un club de golf où des membres de la haute société ancienne ou nouvelle se croisent, pratiquent et jouent. Les différences se structurent par petites touches dans ce décor luxuriant filmé en plans larges en extérieur. Le quotidien programmé d’Isabel, une immigrée de l’intérieur s’édifie ainsi sous le regard distancié et du réalisateur Rafael Manuel. Filipiñana a gagné à juste titre le grand prix de la Compétition internationale.
Une jeune femme est victime d’un attentant dans le métro de Bruxelles. Elle n’a aucun souvenir ou image de cet épisode qui lui a causé trois mois de comas. Son histoire sert de fil conducteur à Maalbeek où Ismael Joffroy Chandoutis, réalisateur français résidant à Bruxelles, emploie les images diffusées en continu par les réseaux d’information, captées par les téléphones mobiles ou les caméras de surveillance pour fournir à Sabine des images partielles de ces temps perdus. La pléthore d’images répond ainsi par le biais de ce cas d’espèce par un montage dynamique à la volonté d’autres de garder enfouies les visions dévastatrices qu’ils ont dû affronter dans leur travail de secouristes.
Des spectateurs assistent groupés dans un espace restreint en gradins à un match de foot de leur équipe favorite. Les mouvements de foule s’amplifient et ont des conséquences désastreuses, la panique entraînant morts et blessés. Le réalisateur français Nicolas Gourault dans This Means More tisse deux formes narratives, la réalité virtuelle et sa construction par des logiciels d’avatars anonymes se mouvant dans ces lieux mythiques et les souvenirs de ces fans majeurs du club de Liverpool qui ont éprouvé dans leurs chairs certaines de ces catastrophes. La constitution de places assises à des prix beaucoup plus élevés est une des suites voulues par certains pouvoirs aux conclusions de l’enquête sur ce drame sportif. Les deux narrations divergent donc en conclusion, l’appétit du gain ayant rendu trop onéreuse pour une multitude cette participation hebdomadaire à cette célébration civile.
Un artiste multidisciplinaire autrichien Lukas Marxt, portant bottes de cowboy et chapeau idoine, explore la région du lac de Salton (Salton Sea) en Californie désertique. La caméra de Marxt filme des lieux peu habités, des canaux pris de drones, des énormes rebuts de constructions mécaniques de tous types pendant que la narration nous livre une histoire de ce lieu d’expériences militaires durant la 2e Guerre mondiale et dont l’étendue d’eau rétrécit avec de graves conséquences sur l’environnement. Imperial Irrigation revisite ainsi d’une manière documentaire différente une de ces régions de l’arrière-pays de Los Angeles dans lesquelles des produits chimiques sont ainsi dispersés à tous vents dans ces périodes de changements climatiques.
La perspective d’un soldat pris dans un combat ardu anime ces séquences de jeu vidéo, Battlefield, dans lequel des participants au nombre de trente-deux s’investissent en tant que combattants de la Seconde Guerre mondiale pendant un certain moment. La narration remarque rapidement que l’état de déserteur n’existe pas dans cette représentation voulue assez réaliste de l’époque. Le discours sur l’histoire des armées, des déserteurs se déploie en conjugaison avec des images de ce jeu et le travail de sape idéologique s’installe dans une grande maîtrise de l’image et du son. Le Total Refusal – Digital Disarmament Movement composé de Robin Klengel, Leonhard Müllner et Michael Stumpf a remporté le Prix de la compétition des Nouveaux alchimistes pour How to Disappear, qui critique directement cette industrie du jeu vidéo violent comme d’ailleurs des juristes commencent à le faire différemment en répertoriant les crimes de guerre qui peuvent se produire dans ces activités dites ludiques.
Voilà quelques-uns des films intrigants qui constituaient ces deux programmes fournis de courts. Nous reviendrons dans l’année qui vient sur d’autres à l’occasion de leurs sorties possibles sur les divers canaux de diffusion de cet art en constante évolution d’images en mouvement.