50e Festival du nouveau cinéma de Montréal
ÉVÈNEMENT.
[Présentiel & En ligne]
texte
Luc Chaput
Passages
En octobre s’est déroulé le 50e Festival du nouveau cinéma de Montréal (FNC) qui a connu de nombreux changements depuis le départ de son cofondateur Claude Chamberlan. L’autre cofondateur, Dimitri Epides, programmateur reconnu au TIFF entre autres, est décédé en janvier dernier.
Un homme d’une cinquantaine d’années revisite avec une femme divers lieux de son enfance et adolescence au Liban. Michel Jleilaty est devenu Miguel depuis qu’il vit en Espagne surtout à Barcelone où il a rencontré, en tant qu’interprète et traducteur, une compatriote réalisatrice qui a été fascinée par son histoire. Éliane Raheb l’accompagne donc dans plusieurs endroits du Liban reliés à la guerre civile, en Espagne mais aussi dans un théâtre dans lequel les deux auditionnent des acteurs pour rejouer certains épisodes de cette vie complexe dans un pays en crise. Miguel est un protagoniste flamboyant, verbomoteur aux souvenirs contradictoires. La réalisatrice, après des recherches, peut ainsi remettre son sujet devenu ami vers de nouvelles pistes de réflexion. Le portrait se lance dans plusieurs sens mais le montage de Miguel’s war réussit à garder l’intérêt, fruit d’une rencontre peu probable.
Une jeune fille dessine son village, les prairies qui l’entourent, les personnes qui l’habitent pour s’améliorer et pour garder des souvenirs de ce lieu. Un conflit éclate et oblige sa famille à fuir devant ce nettoyage ethnique ou religieux. À partir d’expériences inscrites dans le passé de sa famille et en lien avec des événements plus ou moins récents relatées dans d’autres films, la réalisatrice Florence Miailhe propose, avec la complicité de sa coscénariste Marie Desplechin, un conte en images animées narrant les tribulations de ces deux adolescents Kyona, la dessinatrice, et Adriel séparées de leurs parents par les vicissitudes de cette fuite perpétuelle. L’amour, l’amitié, la trahison, la haine s’incarnent dans des forêts, des masures, des manoirs et des prisons dans une mise en images fluide qui donne vie par des remarquables dessins sur plaques de verre dont certains plans nous ramènent Au premier dimanche d’août qui lança à la face du monde ce talent si personnel. Pour cet alliage étonnant entre beauté de la forme et violence du sujet, La traversée mérite tous les prix qu’il a gagné depuis sa sortie dont l’Audencia à ce festival.
Servir de passeur est également le travail et la vocation d’un éducateur. La cinéaste allemande Maria Speth nous en présente un original en fin de carrière dans la petite ville de Stadtallendorf du land de Hesse. Dieter Bachman enseigne à des préadolescents d’origines très diverses l’allemand et d’autres matières. Il emploie ses talents de jongleur, de musicien, de négociateur pour enseigner cette langue à ces non-germanophones parlant l’arabe et le bulgare entre autres. Une certaine tension percole dans le groupe car des conflits de personnalités se rajoutent à ces incompréhensions culturelles. Le vieil en forme et futé Instituteur, dont l’histoire personnelle recèle des liens avec ces flux migratoires, réussit à aplanir les difficultés et à montrer un possible chemin vers la réussite. Mr Bachmann and His Class (Herr Bachmann und seine Klasse). Ce très long métrage de 217 minutes, par la variété des paysages intérieurs et extérieurs qu’il nous fait entrevoir, rencontrer et apprécier, constitue un voyage apaisant dans un petit coin de ce monde en perpétuel changement. Nous aurons l’occasion de revenir dans les prochains mois sur d’autres films sortis tels Damascus Dreams d’Émilie Serri dans ce festival toujours à l’affût d’œuvres différentes