Massimadi 2021 – [ Première partie ]

ÉVÈNEMENT
[ Festival des films… LGBT afro ]

texte
Élie Castiel

Première incursion dans cet évènement qui signe cette année sa 13e édition. Où étions-nous depuis ce temps? Pourquoi ce silence que nous regrettons sincèrement. Ce qui explique aussi que cette année, nous préférons couvrir le festival plus discrètement, pour nous habituer. Massimadi, proposition d’autant plus courageuse qu’elle a lieu durant le Mois de la Communauté afro-canadienne alors que les films programmés reflètent et mettent en exergue les autres identités sexuelles de cette partie de la population.

Africanité LGBT

États des lieux

Pour la plupart des communautés culturelles, pour ne pas dire « toutes » et installées ici depuis peu ou longtemps, l’homosexualité est un sujet toujours tabou; la plus grande ouverture d’esprit qu’on puisse obtenir de ces cultures autres est de ne pas en parler, selon le fameux dicton Don’t ask, don’t tell.

Depuis bientôt 15 ans, l’Africanité ose, assume ses conditions plurielles et, mine de rien, prend tous les risques et obstacles grâce à une bande de progressistes, des hommes, des femmes et sans doute des trans pour parvenir à une sorte, non pas de compromis, mais d’échanges d’idées d’égal à égal ou pour mieux dire, la démocratie dans sa logique la plus assermentée.

Pour ne pas m’embourber sur le sens de Massimadi, je préfère citer les organisateurs de cet évènement, dont nous ne couvrons que la section Cinéma… « Massimadi est un amalgame de deux termes tirés du créole haïtien utilisés pour offenser des personnes LGBT. Ces termes ont été réappropriés et amalgamés pour créer le mot Massimadi, qui vise à insuffler la fierté aux membres de la communauté.

Selon mes recherches, les médias traditionnels ne couvrent pas ce genre d’évènements; dans un sens, ne tenant pas compte, la grande partie du temps, de la communauté LGBT qui, par ailleurs, participe activement à la vie sociale, politique et bien entendu culturelle et, n’oublions pas, amplement économique de notre belle Province. Un territoire national qui se targue d’être très ouvert d’esprit. Bon, arrêtons de nous plaindre.

Disons que pour les besoins de leur durée, les longs métrages seront indiqués en italique/gras et les courts/moyens simplement en italique.

Keyboard Fantasies – The Beverly Glenn Copeland Story

Keyboard Fantasies – The Beverly Glenn Copeland Story

Tout d’abord, Keyboard Fantasies – The Beverly Glenn-Copeland (Grande-Bretagne, 2019) de Posy Dixon. L’artiste dont il est question : un homme transgenre, un professionnel de la musique accompli au cheminent inusité, une aventure avec la vie, le courage d’assumer sa condition sexuelle et spirituelle et plus que tout, déconstruire sa spécificité au sein de la communauté noire. Un programme audacieux et complexe mené magistralement, si l’on en juge par les propos du principal intéressé, les images Lee Burnett, Kevin A. Fraser et Morgan Spencer, ainsi que par les sonorités magnifiques de John Cohen et Rob Szeliga. Beverly Glenn, devenu Glenn, suivi de Copeland. Une façon comme une autre d’exister comme on l’a toujours voulu.

Limelight

Lors d’une élection en République du Congo, Bria, une jeune femme de 18 ans, hésite entre la vision politique de son père et ses propres convictions. Mais ses rapports avec Didienne, une activiste, deux ans plus âgée qu’elle, se transforme en quelque chose de plus affectif. Avec Limelight (États-Unis, 2020), Claire Gostin, par le biais du court métrage, revitalise l’économie de la mise en scène et de la durée au moyen de litotes narratives. Inutile de se perdre dans des longueurs inutiles, mais montrer l’essentiel, comme ces quelques visage en quasi gros plans qui veulent tout dire. Ou des face-à-face prenants. La femme, dans sa condition sexuelle, qu’elle soit hétéro, lesbienne ou ouverte à toutes les possibilités, incarne sensuellement et avec une bravoure exemplaire sa condition. Encore une fois, le XXIe siècle sera celui de la femme. Celle surtout de toutes les transformations.

Beat is Protest

En parlant de transformations, Beat is Protest – Funk by Female Optics / Beat É Protesto! O Funk pela Ótica Feminina (Brésil, 2018), de Mayara Efe est un cri, une revendication, un exercice de style surréaliste qu’un certain P. Almodóvar aurait sans doute affectionné. Le corps parfait, l’imparfait, le sensuel, le corporel, l’attirant, le plus attirant justement par ses rondeurs excessives filmées avec autant de charisme que de plaisir. Le domaine de tous les possibles. Toutes s’expriment dans une cavalcade de musiques et danses funk autrefois réservées au travestis. Mais qu’importent, à moins que je ne me trompe, ils apparaissent aussi. La femme, la lesbienne, la trans et ses acolytes.. Et il est question de politique, d’un certain Bolsonaro qui est contre toutes ces nouvelles manifestions.

The Right Girls

Elles sont trois femmes trans de différents pays de l’Amérique latine. Elles se jointes à la première vague de migrant rêvant d’entrer en Amérique, prenant des risques avec les passeurs, sujettes aux boutades et réflexions homophobes de leurs concitoyens, eux et elles aussi des migrant(es). Elles rencontrent quelques-unes partageant les mêmes caractéristiques. Mais plus que tout, The Right Girls, le brillant documentaire de Timothy Wolfer (États-Unis, 2020) doit en grande partie son originalité à la présentation de ces oubliés des expéditions migratoires des quelques dernières années. Les médias, les journaux télévisées ont-ils évoqué la condition LGBT à l’intérieur de ce drame humain.

Making Sweet Tea

Et puis, Making Sweet Tea (États-Unis, 2020), de Nora Gross et John L. Jackson Jr. Le protagoniste principal s’appelle E. Patrick Johnson et se rend en Géorgie, à la Nouvelle-Orléans et à Washington pour renouer avec six homosexuel noirs, sujets de son livre Sweet Tea : Black Gay Men of the South – An Oral History. Brillant documentaire dont la mise en scène de Gross et Jackson s’adapte à l’écriture du récit littéraire. Du moins, en quasi 90 minutes, les deux cinéastes jettent un regard lucide, accompli, flirtant avec la notion de culture, d’éducation, de réussite malgré tout dans un monde hostile à certaines communautés. Et les gays afro-américains sont montrés sans étiquettes, sans appartenances discriminatoires (certains maintiennent harmonieusement des liaisons affectives interraciales). Le film exprime l’humanité qui se dégage de ces individus, le plus souvent ayant traversé d’autres époques. La nostalgie laisse la place à l’optimisme, la mélancolie offre des perspectives d’avenir, grâce surtout à la mise en images de Steve Milligan, donnant à ces êtres forts et sensibles une grâce tangiblement incomparable.

Massimadi
[ Évènement gratuit ]
En ligne
Jusqu’au 12 mars 2021