Épidermes

RECENSION.
[ Recueil ]

texte
Élie Castiel

★★★ ½

Dans leur peau

Des écrits intelligemment inusités, une déconstruction de la narration classique, un rendez-vous avec le corps et plus intimement, avec les viscères, les fluides, l’intime, sans retenue, parfois des poèmes éclatés écrits par des auteur(es) qui risquent le tout pour le tout pour proposer une nouvelle approche littéraire, de nouveaux signes grammaticaux. Des plumes libres, affranchies, dignement incertaines, en quête parfois d’une identité qui se manifeste essentiellement par un rapport avec le physique.

En tout, 14 propositions qui remettent en question le récit classique pour donner libre cours à l’imaginaire, et bien plus que ça, à une prise en charge des règles de l’écriture, à leurs formes conventionnelles, inventant des contours engagés, rebelles, prenant des risques qui osent s’aventurer jusque dans un territoire surréaliste. Graphique aussi dans la présentation de ces mouvements que nous n’essayons jamais d’analyser. Le résultat peut s’avérer aussi inquiétant qu’excitant.

Avouons que La bien-aimé et le mal lavé, de Miruna Tarcau, demeure, à mon sens, le plus complexe des récits. L’hétéronormativité qui se revendique dans toutes les autres parties, se transforme ici en une sorte d’escapade des corps, entre le marteau et l’enclume, entre l’arbre et l’écorce, entre la notion du elle et du lui. Un refus volontaire de transition, de continuité classique, mais une verve poétique rigide, parfois tendrement acharnée, paradoxe de l’entité corporelle qu’on manipule selon les sensations qu’on éprouve d’un moment à l’autre.

Un recueil d’œuvres inusitées, iconoclastes, que la cinéaste française controversée Marina de Van et les légendaires André Breton et Salvador Dalí auraient accueilli avec fort enthousiasme. Passionnément cruel et sournoisement charnel.

Tarcau n’est pas la seule. Les autres, on vous laisse le soin de les découvrir, des femmes et des hommes qui se donnent entièrement à leurs propositions. Le lecteur ne sait plus à quel saint se vouer et c’est voulu ainsi.

Des passages intimes sont parfois si prononcés que les rapports charnels deviennent des expressions cliniques, froides. Poils, seins, fesses, sexes, odeurs partagées, souillures. Où est le plaisir innocent lorsque l’extase se mêle à sa propre gestation, à son aboutissement.

Le corps désiré, le corps désirable et les entrailles, ces intérieurs qu’on devine, mais qu’on ne voit pas. Ici, ils prennent forme grâce à des mots qui les définissent : les fluidités qui s’y dégagent comme des caresses intimes, des cheminements personnels qu’on se donne la peine de partager. Après cela, nos rapports physiques ne seront plus les mêmes. De grâce, Adieu Covid.

Un recueil d’œuvres inusitées, iconoclastes, que la cinéaste française controversée Marina de Van et les légendaires André Breton et Salvador Dalí auraient accueilli avec fort enthousiasme. Passionnément cruel et sournoisement charnel.

Épidermes 
Sous la direction de Sophie-Anne Landry

et Mattia Scarpulla
Montréal : Tête première, 2021
280 pages
[ Sans ill. ]
ISBN : 978-2-9250-3542-8
26.95 $

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]