Bertrand Tavernier [ 01 ]
HOMMAGE
[ Salut l’artiste ]
texte
Élie Castiel
L’œil du lynx
Nous les croyons immortels parce qu’ils illuminent l’écran et que leurs œuvres, les moins, les plus importantes, celles qu’ils ont laissées sur leur passage demeurent à jamais dans l’Histoire du cinéma et traversent notre esprit lorsque leurs noms reviennent.
Tavernier, est-ce nécessaire d’ajouter son prénom (?) c’est le Cinéma avec un grand C, un souffle qui l’anime depuis ses douze ans alors qu’il forme un ciné-club avec des copains, pour découvrir des classiques et où le cinéma américain prend une grande place. Tavernier, c’est aussi Lyon, cette ville de l’Hexagone où la langue française, a-t-on déjà dit, se parle le mieux.
C’est aussi savoir partir ailleurs, dans d’autres villes, dans d’autres contrées, pour tourner, pour rencontrer les autres cinéastes, des actrices, des acteurs, car pour l’auteur d’un premier long métrage magnifique, L’horloger de Saint-Paul (1974), c’est entrer dans le milieu par la grande porte, sans se laisser inviter, montrant jusqu’à quel point l’audace et la détermination peuvent mener loin, très loin. Même si pour les intimes, il aura signé deux courts sujets, Le baiser de Judas, sketch dans le film Les baisers (1964) et Une chance explosive, un des segments dans La chance et l’amour, la même année.
Tavernier, c’est aussi rappeler aux autres, spectateurs, cinéphiles, critiques, que filmer est surtout une somme de ce qu’on a vu, lu, observé de tous côtés, une somme de l’expérience humaine. Et comme il est dit si peu un rapport à l’autre, aux autres.
On ne reviendra pas sur son parcours professionnel (scénarios, mises en scène, écriture, livres portant sur le cinéma, passages dans les revues… ). Pour le cinéaste, l’approche demeure toujours intellectuelle, sans pour autant se perdre dans des sophistications inutilement abstraites.
Et surtout un respect de son prochain, même si les doutes persistent, même si on ne partage pas les mêmes visions du cinéma et de la vie. Et un homme qui parle, qui a un besoin viscéral de s’exprimer, qui fait jaillir sa pensée, au diapason de sa nécessité de filmer. Festivals, manifestations cinématographiques, nombreuses autres occasions, le cinéma hante sa vie et il n’en est que plus reconnaissant.
On citera quand même qu’en 2016, il signe Voyage à travers le cinéma français, donnant naissance à une série éponyme d’environ 12 heures en 2017. Chant du cygne? Hommage à un cinéma qu’il a aimé et en a fait partie? Il se savait atteint d’une pancréatite depuis de nombreuses années, mais continuait sans doute d’espérer car d’aucuns, naïvement, pensent sans doute que le cinéma pourrait être un remède contre tous les maux. Bertrand Tavernier, un œil de lynx à qui rien n’échappe.
Notre collègue Luc Chaput se penche sur un autre aspect de Bertrand Tavernier, ses films, ses thèmes… et tout ce qui lui passera par la tête.