King Dave
CRITIQUE.
[ SCÈNE ]
texte
Élie Castiel
Cet ailleurs, c’est le personnage créé par Alexandre Goyette il y a longtemps. Un blanc, époque oblige. Le film de Podz, contrairement à la pièce originale, multipliait les lieux de tournage et les rôles avec, dans celui de Dave, le dramaturge en question. Bref, une « vraie » fiction.
Inventer un personnage
venu d’ailleurs
Comme atout principal, un personnage hors-norme, hors-social, nourri d’incertitudes, de manque de confiance, accumulant les mauvaises fréquentations. De quoi alimenter la curiosité des spectateurs, la plupart du temps, tant au cinéma qu’au théâtre, attirés par les marginaux. Ils sont plus intéressants et ont beaucoup d’histoires à raconter. Comme quoi, la normalité peut être, comme nous disons ici, plate. Goyette était magnifique dans un rôle incontournable de la dramaturgie québécoise.
Mouvements contestataires et discours sans précédent sur la diversité plus tard, il n’est guère surprenant que la pièce subisse un lifting. Pour le dramaturge, céder un rôle capital, mais en même temps participer à la mouvance culturelle actuelle.
Anglesh Major, en toute bonne foi, s’empare de son personnage sans le voler à Goyette. Il en crée plutôt un, s’en tenant aux codes de l’éthique. Car entre le metteur en scène, Christian Fortin, et le comédien, quelque chose de magique entre la complicité habituelle et le partage des connaissances. C’est déjà quelque chose énorme d’accompli.
Même les organismes subventionnaires émettent des subventions pour la diversité. Ils font fausse route car en reconnaissant cette dite « diversité », c’est la situer dans un territoire autre, restreint, appartenant à la différence, faisant « le nous et les autres » encore plus évident, communautariste. Le modus operandi ne devrait-il pas être l’inclusion complète et le mot-clé, l’intégration, également l’assimilation, sans perdre néanmoins les valeurs originelles.
Ce retournement s’appelle Anglesh Major, comédien haïtien, de la cohorte-théâtre de l’UQÀM et présent dans quelques productions théâtrales à Montréal, dont, de mémoire, Les amoureux, au Théâtre Denise-Pelletier. Éric Oziel (qu’on ne voit plus souvent), Ariel Ifergan (très actif), tous deux blancs, de confession juive, francophones, sont aussi des exemples captivants d’une certaine adaptation positive.
Goyette ose, donne en offrande son propre rôle au nom de la cohérence. Il faut l’admettre. Mais toujours est-il que, très sincèrement, le jeune homme illumine la scène du Duceppe, en mode C-19 quant au nombre de spectateurs. Accueil magnifique ce soir de première médiatique. On affiche déjà quelques « complet ».
L’homme en question déploie les possibilités d’un corps en ébullition, parfois calme et triste lorsqu’il est question de parler de ses amours ; fugace, macho, se prenant pour quelqu’un lorsqu’il faut régler des comptes. Il joue sensuellement du piano, utilise les accessoires de scène sciemment, relève le défi d’occuper tout l’espace scénique en solo et, mine de rien, se révèle aux spectateurs dans toute sa complexité.
Anglesh Major a une présence énergisante, contagieuse, on pourrait même dire démoniaque car elle ose provoquer le regard des spectateurs. Voit-on un bon comédien sur scène ou plutôt un comédien « noir » ? La réponse se trouve en chacun de nous.
Il parle créole, français, mime ses copines sur ses rapports amoureux et pourquoi pas de « baise d’un soir ». Il a un âge où les hormones libidineuses, il faut l’avouer, sont hors de contrôle.
Anglesh Major, en toute bonne foi, s’empare de son personnage sans le voler à Goyette. Il en crée plutôt un, s’en tenant aux codes de l’éthique. Car entre le metteur en scène, Christian Fortin, et le comédien, quelque chose de magique entre la complicité habituelle et le partage des connaissances. C’est déjà quelque chose énorme d’accompli.
FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Alexandre Goyette
[ revu avec la collaboration d’Anglesh Major ]
Mise en scène
Christian Fortin
Assistance à la Mise en scène
Frédéric Boudreault
Décor / Costumes
Xavier Mary (HUB Studio)
Éclairages
Renaud Pettigrew
Musique / Conception sonore
Jenny Salgado
Accessoires
Normand Blais
Avec
Anglesh Major
Production
DUCEPPE
Durée
1 h 45 min
[ Sans entracte ]
Avertissement
Langage cru
Salle @
Duceppe
Jusqu’au 23 mai 2021
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]