Toucher au cinéma
RECENSION.
[Essai-Cinéma]
★★★ ½
texte
Luc Chaput
La main qui grave
et qui écrit
Les aléas de la vie quotidienne ont retardé la lecture de ce livre à la fois dense et florissant d’un cinéaste d’animation qui a gagné le prix AQCC du meilleur long métrage québécois pour La plante humaine en 1996.
Toucher au cinéma apparaît comme un long métrage littéraire, constitué de blocs d’essais courts ou de plus grandes longueurs dont les regroupements sont espacés entre eux par des groupes d’illustrations de diverses natures et qui font écho aux textes près desquels ils ont été judicieusement insérés. Pierre Hébert, naguère critique à Objectif, a depuis lors écrit sur le cinéma et d’autres arts. Et ce dernier volume constitue le dernier chapitre d’une œuvre écrite et dactylographiée importante qui répond et ausculte ses travaux graphiques d’animation sous plusieurs formes et ses influences. Dans Méditation accélérée (p. 84), un pépin pendant la représentation l’amène à réfléchir en un court texte sur le sens de son travail. Dans les textes récapitulatifs sur sa carrière d’improvisateur et par le fait même de chercheur, l’auteur nous fournit de nombreuses informations sur ces multiples étapes par le biais d’une écriture précise et enlevée.
La décision de placer dans les marges les notes habituellement infrapaginales ou de fin de documents permet un rapport plus immédiat avec celles-ci. En ce qui a trait à la série Lieux et monuments, le processus de mise en marche dans le lieu est détaillé. Le rapport à la caméra pour les passants est expliqué et en note 46, p. 127, l’auteur remarque avec justesse que le droit à l’image qu’il accepte de suivre est pourtant mis en pièces par les nombreuses caméras de surveillance qui nous entourent.
Le cinéaste rend tangibles à plusieurs reprises les modifications qu’il a apportées seul ou avec l’aide de collaborateurs et amis comme Bob Ostertag à ces diverses machines qui sont les compagnons de son existence d’artisan et d’artiste.
Les divers spectacles de gravure sur pellicule en direct que Pierre Hébert a donnés depuis environ 30 ans avec surtout un seul musicien en dialogue continue d’improvisation ne seraient-ils donc plutôt des quatuors. En ce soir précis de performance, chaque artiste joue son instrument et le rapport qu’il a avec celui-ci peut changer et donc modifier ces échanges entre l’animateur et le musicien. Le cinéaste rend tangibles à plusieurs reprises les modifications qu’il a apportées seul ou avec l’aide de collaborateurs et amis comme Bob Ostertag à ces diverses machines qui sont les compagnons de son existence d’artisan et d’artiste.
Un hommage au cinéaste documentaire néerlandais majeur Johan Van der Keuken existe dans ces pages pas très loin de celles consacrées à l’artiste multidisciplinaire sud-africain William Kentridge. C’est pourtant dans sa volonté de redonner au critique français André Martin la place qui lui revient aux côtés d’André Bazin que le cinéaste rédige ses plus belles pages, retrouvant dans la lecture de leurs œuvres complètes, des échos, des questionnements et des réponses à sa propre démarche.
Toucher au cinéma peut maintenant s’inscrire dans ce corpus para-universitaire comme livre de réflexions sur les tenants et les aboutissements de la pratique des images en mouvement. Et Hébert continue d’ailleurs à réaliser des œuvres importantes. Ainsi La Statue de Robert E. Lee à Charlottesville constitue le segment le plus ouvertement politique de la série « Lieux et monuments ».
Note
Les illustrations sont une gracieuseté des Éditions Somme toute.
Pierre Hébert
Toucher au cinéma
(Coll. « Nitrate »)
Montréal : Les Éditions Somme toute, 2021
224 pages
[ Illustré ]
ISBN : 13-978-2-8979-4196-3
Prix suggéré : 27.95 $
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]