Annecy 2021
Première partie

ÉVÈNEMENT.
[ Présentiel & En ligne ]
Longs métrages

texte
Luc Chaput

            Le 60e Festival international du film d’animation d’Annecy (FIFAA) s’est déroulé cette année milieu juin avec une présence en salle de spectateurs et de professionnels venus également pour le Marché du film. Une grande partie de la programmation était aussi offerte en ligne moyennant un coût peu élevé.

Portraits de cinéastes

Bien qu’accrédité en tant que journaliste, comme l’an dernier, certaines sections de la programmation m’étaient néanmoins peu accessibles, particulièrement les longs métrages dans les diverses compétitions. J’ai donc pu explorer davantage celle des programmes spéciaux dont l’Hommage à l’animation africaine qui avait été reporté de l’an dernier à cette édition afin de lui donner encore plus de visibilité.

Un programme intitulé « À l’ombre des pyramides » présentait des courts métrages des trois frères David, Salomon et Harry Frenkel mettant en vedette Mish Mish Effendi. Un documentaire, Bukhra Fil Mish Mish (Quand les poules auront des dents), produit entre autres par Yaël Abecassis et réalisé par Tal Michael, narrait leur parcours de la Palestine ottomane vers l’Égypte où l’assise financière de la famille leur permettait de se lancer dans le court métrage d’animation qui connut un succès public certain. La création de l’État d’Israël change leurs conditions de vie au Caire et ils s’exilent en France. Plusieurs tentatives de renouer avec le succès y sont infructueuses et le titre de pionnier de l’animation dans le monde arabe est oublié par presque tous. Le festival présentait la version pour la télé, donc moyen métrage de ce portrait qui inclut plusieurs extraits parlants de leurs productions, dont Al difau `al watani (National Defence) pour le gouvernement égyptien en temps de guerre. Tal Michael place au centre de l’histoire le duo de Didier, fils de Salomon et Marcelle sa veuve qui ont deux opinions assez différentes sur le récit comme moteur de cette redécouverte d’artistes.

Mustapha Alassane, cinéaste du possible.

Cet hommage présentait également le long métrage Moustapha Alassane, cinéaste du possible sur le premier cinéaste d’animation d’Afrique noire. Les deux réalisateurs Maria Silvia Bazzoli et Christian Lelong sont allés rencontrer le cinéaste chez lui à Tahoua au Niger; la soixantaine passée, il demeure toujours prêt à préparer un autre film malgré les difficultés financières. De nombreux extraits de ses courts et quelques longs parsèment cette biographie empathique soutenue par de nombreux témoignages de collègues et d’amis. L’amitié entre Jean Rouch, Claude Jutra et Norman McLaren facilite son séjour à Montréal à l’ONF dans les années 60 où il réalise La mort de Gandji. Nous reviendrons sur les autres programmes de courts africains dans le cadre de notre deuxième article.

Claydream.

Un cinéaste du Nord-Ouest des États-Unis connaît jeune le succès, gagnant avec un confrère un Oscar pour Closed Mondays. Cela lui permet de populariser le terme et la pratique de la claymation ou animation de pâte à modeler. Will Vinton réussit un plus grand coup financier encore avec des campagnes publicitaires où des raisins secs chantent à la manière de groupes rock. Dans Claydream, le réalisateur américain Marq Evans présente un compte-rendu complexe de la vie et la carrière de ce réalisateur-producteur. Il utilise des sections des captations vidéo des témoignages du procès entre Vinton et Phil Knight, légendaire fondateur de Nike pour structurer l’histoire de l’ascension et de la chute de cet artiste qui échoua dans son rêve de devenir un autre Walt Disney.

Un concours de circonstances m’a permis de visionner en compétition Lamya’s Poem, film canado-américain d’Alex Kronemer. Lamya est une adolescente d’Alep en Syrie qui, pendant la récente guerre civile, reçoit de son professeur un très bel exemplaire des œuvres du poète persan Roumi (1207-1273) qui trouvent en elle un écho très favorable. L’animation qui a des échos de roman graphique dans les séquences contemporaines acquiert une valeur plus picturale dans les représentations de la vie du jeune poète qui dut lui aussi s’exiler. Les similitudes entre leurs deux existences amène Lamya à rêver par moments à une rencontre avec cet écrivain qui l’émeut. Les passages entre ces deux niveaux temporels sont quelquefois incertains mais la musique de Christopher Willis aplanit les soubresauts. Ce périple cinématographique amènera sûrement plusieurs à découvrir ce chantre de l’amour spirituel qui inspira les Derviches tourneurs.

Lamya’s Poem.

Nous reviendrons lors de leurs sorties à l’automne ou cet hiver sur le grand gagnant de cette année Flee du Danois   Jonas Poher Rasmussen qui avait auparavant remporté le Prix du documentaire à Sundance ainsi que sur Archipel du québécois Félix Dufour-Laperrière qui s’est mérité une mention du jury dans la section Contre-Champ. On peut espérer que d’autres longs métrages de cette cuvée nous parviendront également sur les écrans.