Les oiseaux ivres
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 15 octobre 2021
SUCCINCTEMENT.
Willy, un jeune Mexicain, tente de retrouver son amour perdu, Marlena. Sa quête le mènera jusqu’au Québec, où il se fera engager comme travailleur saisonnier dans la ferme d’un couple d’agriculteurs.
CRITIQUE.
★★★★
texte
Élie Castiel
Québécois, le second long métrage d’Ivan Grbovic, comme son merveilleux et savoureusement mélancolique Roméo Onze (2011) ? Si la tendance se maintient, comme constaté depuis ces dernières années, non, pas vraiment un film québécois, mais qui s’intéresse en partie au Québec comme c’est le cas de tous ces nombreux territoires d’ailleurs qui accueillent des saisonniers de contrées économiquement faibles pour faire le boulot que des insulaires rejettent la plupart du temps. C’est le lot de l’économie mondiale.
Mais le plus important, à mon point de vue : Grbovic s’intéresse à ceux qui n’ont pas de vitrine dans le cinéma de fiction d’ici. Les Autochtones, eux, ont réussi à imposer des images autrefois insoupçonnées. Bel acte de courage et de résistance. L’autre, l’invisible surtout, il est plus présent au petit écran qu’au cinéma. Cependant, par le truchement du genre documentaire, les cinéastes québécois s’organisent pour que les oubliés du monde soient écoutés. En fait, Les oiseaux ivres aurait pu très bien être un documentaire.
Pari risqué de la part de Grbovic (et Sara Mishara). En fictionnalisant le scénario, ils imposent un parti pris, obligent le spectateur (québécois) à ajuster son regard vers des horizons qui pourraient, à la rigueur, le désorienter ou le pousser à la réflexion, à voir autre chose qui peut-être le dépasse. Ici, c’est la politique de l’économie qui entre en jeu. Combien ces travailleurs saisonniers sont-ils payés ? Comment vivent-ils leur exil temporaire loin de leurs familles respectives ? Ont-ils, partagent-ils une vie sociale ?
Territoires bruts
Et à l’intérieur de ce récit à saveur documentaire, une histoire d’amour qui conduit le personnage principal dans une quête amoureuse, la femme laissée au pays ; partie typiquement fictionnelle qui rassemble mélodrame latino-américain et drame sentimental. Comme c’était le cas de Roméo Onze, Grbovic et Sara Mishara signent la coscénarisation. Que s’est-il passé dans la tête de ces deux brillants penseurs du cinéma pour que la diversité s’illumine avec autant de bruit et de fureur, tout en conservant une sérénité contagieuse qui s’attache aux lieux, des champs prêts à être cultivés, des hommes qui s’attellent au travail ; et un couple de propriétaire dont la femme ne sent plus aucune attache envers le mari. Deux comédiens québécois exceptionnels, Claude Legault et Hélène Florent, dont la devise commune et de multiplier les divers registres sans qu’on ne se rende pas compte. Des interprètes d’instinct.
Si Les oiseaux ivres représente le Canada dans la course aux Oscars, c’est sans aucun doute pour son ouverture au monde, son discours social, sa luminosité envers des personnages dont on ne parle pas, ou pas assez. Car il y a, dans ce film, quelque chose d’épique qui se transforme soudainement en universel. Par les temps qui courent, une idée avantageuse.
Film d’auteur ? Vu les standards d’aujourd’hui, bien sûr. Car de nos jours, penser un film, réfléchir sur les images en mouvement, consacrer du temps à l’écriture, obliger les spectateurs à ajuster leur regard, savoir imposer un univers particulier, parler de ceux et celles qu’on oublie souvent, sont devenus des denrées rares, des bouées de sauvetages qui courent mille et un dangers.
Mais qui, malgré les obstacles, ne cessent d’importuner les institutions pour que de tels films puissent exister. Avec Les oiseaux ivres, titre aussi poétique que significatif, Ivan Grbovic signe une mise en scène limpide, enivrante, lumineuse, courageuse, aux accents d’un certain cinéma de l’, celui qui ose s’aventurer dans les méandres de la trajectoire humaine.
Film d’auteur ? Vu les standards d’aujourd’hui, bien sûr. Car de nos jours, penser un film, réfléchir sur les images en mouvement, consacrer du temps à l’écriture, obliger les spectateurs à ajuster leur regard, savoir imposer un univers particulier, parler de ceux et celles qu’on oublie souvent, sont devenus des denrées rares, des bouées de sauvetages qui courent mille et un dangers.
Et Sara Mishara, dont la caméra ne cesse de renouveler le plan, réajuster ou déconstruire le cadre, s’accommodant le temps qu’il faut de codes précis, impossibles à éviter. Et du coup, se permettant des libertés qui s’ouvrent à un certain lyrisme ou tout simplement à quelque chose qui a à voir avec la connivence, l’association des idées.
Un comédien principal, Jorge Antonio Guerrero (Willy), exceptionnel, présent même dans la discrétion. Et lorsque la justice ne correspond pas à la vérité, son désespoir est un acte christique, mais terrestre, et qu’il défend avec une foi inébranlable.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Ivan Grbovic
Scénario
Ivan Grbovic
Sara Mishara
Direction photo
Sara Mishara
Montage
Arthur Tarnowski
Musique
Philippe Brault
Genre(s)
Drame
Origine(s)
Canada [Québec]
Année : 2021 – Durée : 2 h 38 min
Langue(s)
V.o. : français, espagnol; s.-t.f. ou s.-t.a.
Drunken Birds
Pâjaros borrachos
Dist. [ Contact ]
Les Films Opale
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cineplex
[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]