Les sorcières de Salem
CRITIQUE.
[ SCÈNE ]
★★★
texte
Élie Castiel
Une pièce incontournable de la dramaturgie américaine, puissante dénonciation du maccarthysme, en guerre, à l’époque, contre l’infiltration des idées de gauche du régime communiste soviétique. Pour Arthur Miller, non seulement un parti pris idéologique mais avant tout une position sur l’obscurantisme des superstitions, sur la condition de la femme aussi qui revendique sa liberté, son influence, sa sexualité refoulée, sa lutte contre son statut de seconde classe dans un monde dominé et régi(menté) par les hommes.
D’où cette tirade finale d’Anna Beaupré Moulounda qui, pour d’aucuns, les puristes surtout, déconstruit amicalement l’esprit de Miller en insérant un discours #MeToo adapté à l’air du temps. Une façon de s’adresser aux spectateurs(trices) d’aujourd’hui selon les valeurs actuelles, toujours en vogue.
On ne jure que par le présent, c’est tout à fait normal. Mais on assiste parfois à ce phénomène qui consiste à ne pas saisir les valeurs et les codes sociaux d’autres époques lorsque des pièces de théâtre (ou des films) les revendiquent, à raison, pour mieux les documenter.
Délires et délations
Dans la mise en scène d’Édith Patenaude, un air de tragédie grecque où le décor demeure d’une simplicité étonnante; ces grands blocs qui séparent l’espace dramaturgique, restreint, et l’extérieur, une sorte d’au-delà où tout peut se passer, autant les intrigues que les affaires privées. Le territoire où s’exprime les protagonistes donnent ainsi plus de place à l’émotion. Justement, c’est ce qui manque dans cette version des Sorcières de Salem, une des pièces du répertoire classique du XXe siècle des plus difficiles à monter. L’émotion est parfois absente, les comédiennes et les comédiens se sentant chavirer par l’immensité d’un tel texte, comme s’ils/elles étaient dépassé(es) par ces paroles, certes simples, mais chargées d’un immense poids.
On sort de ces deux heures que dure la pièce avec cette sensation d’avoir assisté à un classique, pour certains épuré, dépoussiéré de ses presque sept décennies de création; pour d’autres, avec cette impression d’avoir été trahis. Trop adaptée? Trop remise aux goûts du jour? Féministe? Radicale?
Il s’agit presque d’un récit mené à huis clos, un texte exigeant nécessitant une certaine droiture, un effort incommensurable qui, selon les circonstances, peut devenir infranchissable.
«1692, Dans le village puritain de Salem, au Massachusetts. Abigail Williams, une jeune servante, entretient une liaison interdite avec son maître, le fermier John Proctor. Lorsque la femme de Proctor découvre leur relation et la chasse, Abigail cherche à se venger.» Récit d’une simplicité confondante aux accents mélodramatiques; sous la plume d’Arthur Miller, un texte conduisant inlassablement à travers des zones d’ombre de l’humanité. L’adaptation de Sarah Berthiaume est libre, justement trop libre, fautive sans doute de s’être trop aventurer.
La sorcellerie se mêle à la vie quotidienne, elle, bien simple et sans histoires du moment où les commandements (bibliques, il va sans dire) sont suivis à la lettre. Soudainement, un soupçon de sorcellerie. Bien entendu, ce sont des jeunes femmes qui seront accusées. Elles nient tout et puis, la délation, les accusations. On n’en sort plus. Comme ce fut le cas à l’époque de Maccarthysme où des personnalités d’Hollywood dénonçaient des collègues de travail aux idées de gauche.
On sort de ces deux heures que dure la pièce avec cette sensation d’avoir assisté à un classique, pour certains épuré, dépoussiéré de ses presque sept décennies de création; pour d’autres, avec cette impression d’avoir été trahis. Trop adaptée? Trop remise aux goûts du jour? Féministe? Radicale?
Peut-être bien qu’il nous faudra demeurer neutre. Soyons objectifs!
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Arthur Miller
Traduction / Adaptation
Sarah Berthiaume
D’après The Crucible
Mise en scène
Édith Patenaude
Assistance à la mise en scène
Alexandra Sutto
Interprètes
Anna Beaupré Moulounda, Adrien Bletton
Luc Bourgeois, Maude Boutin St-Pierre
Éveline Gélinas, Mathieu Gosselin
Catherine Larochelle, Emmanuelle Lussier-Martinez
Étienne Pilon, Sébastien Rajotte
Anna Sanchez, Elisabeth Smith
Scénographie
Odile Gamache
Éclairages
Martin Sirois
Costumes
Cynthia St-Gelais
Musique / Son
Alexander MacSween
Production
Théâtre Denise-Pelletier
Durée
1 h 55 min
[ Sans entracte ]
Diffusion @
TDP
[ Grande salle ]
Billets @
TDP
Jusqu’au 27 novembre 2021
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]