Image+Nation34.
Première partie
BANDE-ANNONCE
Stolen Kisses / Bacci rubati
Version originale italienne
ÉVÈNEMENT
[ Sphère LGBT ]
texte
Élie Castiel
Les gais sont des gens
comme les autres…
rien ne prouve le contraire
Encore une fois, nous ne cesserons jamais de nous poser la question. Tant et aussi longtemps que le nombre de films LGBT ne sera pas aussi proche (ou presque) que les hétéros, un événement comme Image+Nation sera essentiel. Les femmes, elles, ont attendu patiemment avant qu’elles puissent tourner paritairement, faire du métier de la réalisation un projet vivable. Patience donc.
Douze films côté-masculin nous ont interpellé, produisant en nous des sensations diverses. Il ne s’agit pas ici de produire des analyses critiques, mais de situer ces productions dans un contexte où l’homosexualité a plein droit de cité malgré les obstacles. Si ces films, et nous le souhaitons, sont un jour distribués, nous en reparlerons selon les critères habituels. Notre première partie vise sur six de ces productions.
Une révélation, un film hors du commun, un acte de courage et de détermination. Avec Wet Sand (en géorgien, fort probablement Sveli Kvisha), Elena Naveriani situe l’orientation sexuelle dans un contexte d’homophobie délirante, castratrice, insupportable, jusqu’à poser des gestes inconcevables; un petit village au bord, vraiment proche, de la mer noire, en Géorgie. Le contexte est donc austère, rigide, propice à des actes violents. Se cacher, se taire. Naveriani filme les silences, les non-dits, les illusions perdues, les gestes retenus. Et puis, l’arrivée d’une citadine à l’allure plutôt libérée. Les rumeurs circulent, les langues deviennent bien pendues. Le contexte change de visage. La lutte commence. Et comme par enchantement, la cinéaste, dont c’est ici le premier long métrage, après trois courts et un moyen sujet, propose une finale en accord avec ses propres convictions. Mais il ne faut pas oublier que dans ce même village… Réaliste ou pas… peu importe.
Le film d’ouverture, Wildhood, donne un nouveau souffle au cinéma canadien de langue anglaise. L’autochtone Bretten Hannam situe la dynamique homosexuelle dans un contexte où l’attrait n’est pas immédiat, mais se solidifie à travers les expériences vécues par les deux principaux partenaires. Il mise sur la spiritualité qui existe entre l’âme humaine et les nourritures terrestres, en particulier la forêt. D’où ces nombreuses séquences extérieures frôlant le mystique, voire, donnant une aura surréaliste à l’ensemble du film. Après quelques courts et l’inédit North Mountain (2015), Wildhood constitue un deuxième long métrage d’une grande force d’évocation. Les agissements qui poussent les protagonistes à agir de telle ou telle façon semblent se confondre avec l’air qu’ils respirent. Cette constatation est doublement exprimé lors de la rencontre de l’un des personnages avec sa mère. Et où est l’homosexualité dans tout cela ? Simplement dans un état physique et concret de correspondances communes. Innovateur.
Si la Géorgie se libère, notamment dans la grande ville de Tbilissi, c’est également le cas de la Roumanie, et plus particulièrement à Bucarest. On a dit tout le bien que nous pensions de Poppy Field (voir critique ici). On ajoutera que Eugen Jebeleanu filme avec une extraordinaire énergie politique, sans nécessairement reposer sur l’idéologique. Son film n’est pas une confrontation, plutôt une sorte de rappel à l’ordre concernant la notion de liberté, et qui n’a rien à voir avec ce sentiment de culpabilité si fréquent dans certains films.
Nous avons également vu le documentaire All Together (Tuttinsieme), de Marco Simon Puccioni, où deux parents gais élèvent des enfants et donnent le ton à la problématique de ce genre de rapports sociaux en Occident. Puccioni ne juge pas. Il ne remet point en cause cet état des choses. Il filme simplement. Il écoute. Aux spectateurs de se faire une opinion.
Le premier long métrage du Philippin Jose Enrique Tiglao est un émouvant et au même temps séduisant hommage à la transsexualité, thème on ne peut plus actuel. À l’idéologie politique régnante , il opte pour un humanisme bon-enfant, mais privilégié par la présence d’un Gold Azeron plus vrai que nature. Non seulement il revendique son hermaphrodisme en évolution vers une certaine identité, mais plus que tout se situe farouchement au diapason du réalisateur. Qui, lui, le filme avec une sensualité déconcertante. Metamorphosis, le titre du film, est tout indiqué pour savourer ce film sur les identités plurielles de notre société contemporaine. Un retour en arrière est totalement impossible.
Et finalement, pour cette première partie, The Man with The Answers (O anthropos me tis apantiseis), du grec Stelios Kamitsis. Ici, l’homosexualité se faufile dans le terrain glissant et parfois pervers, mais sans trop l’être, de la séduction (filmer les corps magnifiques, les visages enivrants, les gestes évidents, les paroles qui méritent d’être entendues). Bref, un peu ancienne-méthode, mais qui ne rate pas sa cible. Et faut-il ajouter que la Grèce, là où, apparemment, tout a commencé, n’est pas très friande de films LGBT. Une curiosité, certes, mais magnifiquement filmée, et où l’orientation sexuelle n’est pas un phénomène, mais une évidence tout à fait normale.
Suite et fin, bientôt.
Image+Nation34
En salle & En ligne
Jusqu’au 28 novembre 2021