Alice and the World We Live In
Critique
SCÈNE
Élie Castiel
★★★
ELLE A PEUR DES HAUTEURS
Le texte parfois prenant d’Alexandria Haber succombe à la parole, ne laissant quasi aucun moment de silence, facteur nécessaire pour ce regard sur la peur, le monde actuel et plus indiscutablement sur l’identité. Et sur le deuil surtout, lorsqu’on a perdu non seulement un être cher, mais également un soutien moral, amoureux, social et humain. Car, en général, même en vivant seul, nous ne sommes pas seuls.
Beau texte de Haber, intelligent, mais qui se perd parfois dans des banalités du quotidien. C’est là une des faiblesses qu’on retrouve parfois dans le théâtre québécois ou canadien anglophone. Une des raisons pourrait être que les auteur(es) essaient de trop s’approcher du public afin qu’ils puissent s’identifier à l’un ou l’autre des personnages.
Et pourtant le décor dans la scène de la petite salle du Centaur présentait un canevas relevant presque du surréalisme, une montagne qu’on gravite, là où Alice se retrouve dans un contraire d’ « au pays des merveilles », ne pouvant supporter l’idée de tomber métaphoriquement des hauteurs où elle se trouve.
Et elle se met à penser à sa vie, à son mari défunt qu’elle a perdu dans des conditions tragiques. Il apparaît sur scène. Son prénom : Ever. Effectivement, jamais ou toujours en français. Comme si le souvenir appartenait à un présent éternel qui ne s’enfuit jamais. Jane Wheeler correspond physionomiquement au rôle. Elle s’enlise dans le terrain glissant des mots avec autant d’assurance que d’incertitude, manipulant son corps avec une impartialité souveraine. Et puis Daniel Brochu, comédien puissant, prouvant que le terme chemistry, plus fort en anglais (chimie ou interaction en français) entre les protagonistes signifie vraiment quelque chose et que sans cet élément de l’art ambigu du jeu, tout n’aboutit à rien.
… une mise en scène d’Eda Holmes, sentie, orchestrée selon les règles de l’art et proche d’un auditoire théâtral, dans l’ensemble, captif. Une approche tout à fait fondamentale.
Les notes musicales d’Anna Atkinson et d’Alexander MacSween soutiennent magnifiquement bien l’ensemble d’un récit qui ressemble à un « pas de deux amoureux ». Graves, sans pousser à l’extrême, séduisantes et minimalistes, s’accordant du mieux à la symbolique de l’écriture, qui aurait gagné à être un peu moins terre-à-terre par moments.
Et la dernière partie, lorsque le deuxième Ever (car il ne peut changer de nom) se présente, s’avère la plus importante, la plus bouleversante, là où les mots de l’auteure et la dramaturgie de Micheline Chevrier se joignent dans un magnifique défi à la mesure de leur imagination.
Et bien entendu, une mise en scène d’Eda Holmes, sentie, orchestrée selon les règles de l’art et proche d’un auditoire théâtral, dans l’ensemble, captif. Une approche tout à fait fondamentale.
Et en ce qui a trait à Alice, elle a peut-être combattu son acrophobie et n’a donc plus peur des hauteurs.
ÉQUIPE DE CRÉATION
Texte
Alexandria Haber
Mise en scène
Eda Holmes
Assistance à la mise en scène
Gregory-Yves Fénélon
Dramaturgie
Micheline Chevrier
Décor & Costumes
Amy Keith
Éclairages
Julie Basse
Musique
Anna Atkinson
Alexander MacSween
Durée
1 h 15
(Sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 3 novembre 2019
Centaur
[ Salle 1 ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]