BDQ : Histoire de la bande dessinée au Québec.
Tome 2

RECENSION.
[ Essai / Bande dessinée ]

★★★★

texte
Pierre Pageau

L’auteur, Michel Viau, grand spécialiste de la bande dessinée québécoise, nous présente ici une réédition, ou « Édition revue et augmentée », d’un ouvrage paru en 2014.  Un Tome 1 existait; et on annonce un Tome 3 pour 2023. Le Tome 1 (voir texte de Luc Chaput) a fait un travail d’archéologie en s’intéressant aux « pionniers » de la bulle, des origines jusqu’en 1968.  Et, alors, ce Tome 2, prend la relève, à compter de 1968, jusqu’en 1979. Le Tome 3 va couvrir la période de 1979 à 2000. La perspective globale sera donc chronologique.  Michel Viau a sa propre réflexion historique et elle va lui permettre de présenter tous les auteurs importants de la période 1968-1979. Viau va aider plusieurs lecteurs à se rafraîchir la mémoire.

Une histoire

d’engagement

social

et

politique

Comme l’indique bien, le sous-titre de l’ouvrage il s’agit alors, dans le Québec de 1968 à 1979, d’un « printemps » de la bande dessinée.  Si l’auteur utilise l’expression « printemps » dans le sous-titre de son ouvrage c’est qu’il vise ce moment où la société québécoise est en pleine mutation. Cette société vient d’abandonner l’expression « canadien-français » pour celui de Québécois; elle vient de laisser tomber la religion catholique comme ciment social pour la remplacer par une lutte pour la langue et la culture du peuple du Québec.  Dans le domaine artistique, il y a l’émergence d’un cinéma québécois (Pierre Perrault, Michel Brault, Gilles Groulx, Claude Jutra) et d’une chanson d’ici (Gilles Vigneault, Claude Léveillée, Pauline Julien).  Les années 60 c’est le « Maîtres chez-nous » de Jean Lesage, puis le grand courant nationaliste qui va mener à la création du Parti Québécois, et s’articule sur la défense de l’unicité d’un Québec français. Dans le domaine des arts visuels, de la BD en particulier, c’est une époque d’Utopie et de contre-culture. Le moment où de jeunes créateurs vont se faire connaître, s’affirmer; comme le Capitaine Kébec (Pierre Fournier), le Sombre Vilain, Gilles Tibo, Réal Godbout. On parle alors aussi d’un « underground » québécois avec, par exemple, une revue comme Mainmise (qui va consacrer beaucoup d’espaces pour les créateurs contemporains).

Cet underground est, bien sûr, influencé par ce qui se passe dans ce domaine aux États-Unis dans le domaine de la BD : on peut penser aussi bien à l’iconoclaste Robert Crump qu’au gentil Peanuts. Puis, Michel Viau identifie bien l’importance et la nature des groupes (1971-1975) pour expliquer la naissance de la BD québécoise. Ce travail collectif se prolonge avec des expositions et des festivals (au Centre Universitaire de l’Université de Montréal en particulier, pour un « Festival international de la bande dessinée de Montréal, mais aussi au Musée d’art contemporain (en 1976 pour présenter la BD de 1902 à 1976).

… le lecteur, qui serait profane en la matière, en sort pleinement informé et heureux. Il y a aussi de nombreux extraits d’entrevue qui font en sorte que les créateurs de cette BD 1968-1979 prennent chair. Je ne peux que regretter que la fin (dernière page) ne soit pas une véritable conclusion.

Un chapitre, À l’assaut de la grande presse, décrit la situation de la fin des années 70 (avec l’arrivée de notre BD québécoise aussi bien à La Presse qu’au Devoir). Et ceci fait suite à un grand mouvement d’apparition de nombreux fanzines, comme L’Hydrocéphale Illustré, L’Écran, Made in Kébec, et plusieurs autres. Il y a même une percée à la télévision avec la série; d’une part, Téléchrome (1973) et, surtout, Les Oraliens (à Radio-Québec, en collaboration avec le Ministère de l’Éducation), une émission éducative pour les jeunes écoliers (1969-1982).  Ceci précède, il faut le dire, l’avouer, comme le fait Michel Viau, une période « morose » (fin de la décennie), au moment où justement les très nombreuses revues de BD cessent de publier. Dès 1975, Pierre Huet était très critique concernant la grande faiblesse des scénarios (on peut dire qu’on a entendu la même chose concernant le cinéma québécois).

En conclusion, il faut redire la très grande qualité de la recherche de ce livre. Et, toute cette connaissance nous est communiquée avec une flamme, une passion, qui aide le lecteur. L’autre très grande qualité de cet ouvrage ce sont les très nombreuses illustrations.  Cela peut sembler évident, mais l’éditeur a bien accepté qu’il y ait cette grande quantité d’images (dessins et photos). De telle sorte que le lecteur, qui serait profane en la matière, en sort pleinement informé et heureux. Il y a aussi de nombreux extraits d’entrevue qui font en sorte que les créateurs de cette BD 1968-1979 prennent chair. Je ne peux que regretter que la fin (dernière page) ne soit pas une véritable conclusion.

Michel Viau
BDQ. Tome 2
Le printemps de la bande dessinée
québécoise : de 1968 à 1979
Montréal  : Station T, 2022

464 pages
[ Illustré ]
ISBN : 978-2-9250-0117-1
Prix suggéré : 39,95 $

ÉTOILES FILANTES
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