En attendant Bojangles

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 02 septembre 2022

SUCCINCTEMENT.
Camille et Georges dansent tout le temps sur leur chanson préférée, Mr Bojangles. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Bien sûr, leur fils Gary. Et un oiseau exotique. Jusqu’au jour où…

CRITIQUE.

★★★

texte
Élie Castiel

Il fallait que la mise en scène soit aussi fracturée, mieux dit « fragmentée », que les personnages, particulièrement ceux de Camille et Georges, les deux Iautres, le jeune Gary, leur fils, et Charles, leur armi de longue date, sorte de grand frère spirituel, affectif et confondant parfois sa maturité avec les enfantillages des deux autres, qui n’ont pas encore grandi. Comme si leur oisiveté légendaire leur empêchait de joindre le monde des « normaux ». Écorchée, elle l’est aussi la réalisation.

Réalisation rigide, certes, qui explique que les choses prennent du temps à évoluer et que ce n’est que vers la fin que le drame éclate, que la comédie noire, fantaisiste même, se transforme en coups d’éclats, en une grave prise de conscience que la réalité exerce sur Camille et Georges, et sur les deux complices qui n’ont guère le choix que de lâcher prise.

Et

la

tendresse?

Bordel!

Il faut se détourner d’une certaine critique américaine qui tend à trop dévoiler. Laissons le soin aux spectateurs de découvrir des indices, des endroits secrets entourant chacune des personnages de cette adaptation (comme dans plusieurs adaptations cinématographiques, « libre »), permettant au cinéaste de pointer ses propres conclusions par rapport à ce qu’il aurait retenu de sa lecture du roman.

L’ouvrage éponyme d’Olivier Bourdeaut, publié il y a plus de cinq ans, a été adapté en bande dessinée et au théâtre. Le cinéma, cette fois-ci, permet mille et une autre sensations, possibilités de lieux, de confrontations entre réalisme et univers inventés, de trouvailles de mise en scène, mais plus que tout d’établir des codes en ce qui a trait à la direction d’acteurs : leur maniérismes, leur tendance à stagner ou, au contraire, à évoluer; et plus que tout, résister à cette tendance, sournoise, que quelque chose de leur personnage leur échappe. Régis Roinsard, qui nous avait ravis en 2012 avec le très agile Populaire et plus récemment avec le plutôt costaud et énigmatique Les traducteurs, signe une sorte de film gigogne, chaque comportement se calquant sur le prochain et formant un ensemble à la fois cohérent et disparate.

Le mari, la femme et les « enfants »
(Gary et la grue, Mlle Superfétatoire).

Ce qui peut nous paraître comme de la surenchère (insistance à écouter la célèbre chanson Mr Bojangles de Nina Simone) n’est en fait que le résultat d’un état d’esprit, d’une facture mentale chez la principale intéressée, Camille. Celle par qui le drame arrive et ne peut s’accomplir que par…

Mais la direction d’acteurs signifie, dans ce cas, une pièce charnière dans la réussite du film. Un élément clé dans la réalisation que les critiques « sérieux » oublient parfois, trop concentrés sur les technicalités d’usage et les prises de position formelles.

Virginie Efira, comme toujours, s’inscrit dans cette catégorie de personnages qu’il faut inventer de toutes pièces – mouvements, gestuelle, style particulier, distinguer les moments de folie assumée et de dite « normalité ». Et Romain Duris (Georges), trimbalant son bon caractère, essayant d’éviter les contrecoups, les éclaboussures des divers incidents avec un charme, si loin d’être discret, du moins séduisant. Il y a aussi, surtout, Gary, excellent Solàn Machado-Graner, qui donne à cet En attendant Bojangles, une sorte d’oxygène, s’ajustant aux plaisirs enfantins de ses parents et aux exigences naturelles qu’impose le passage du jeune âge à la maturité.

Un film qui ne va nulle part et partout à la fois. Une mise en scène qui échappe à nos habitudes de ce à quoi on s’attend des images en mouvement. En fait, comme dans la BD, où tout semble permis.

La présence de Grégory Gadebois illumine l’écran. Il fait partie de ces géants du cinéma hexagonal qui peuvent s’identifier à divers personnages, jouer les rôles les plus inattendus, pourfendre les préjugés qu’on peut se faire sur le métier de comédien, dialoguer avec soi-même et les personnages autour de soi. Vivre un rôle fictionnel sans se poser des questions existentielles. Même si on découvre que celui de Michel…

Un film qui ne va nulle part et partout à la fois. Une mise en scène qui échappe à nos habitudes de ce à quoi on s’attend des images en mouvement. En fait, comme dans la BD, où tout semble permis. « Et la tendresse ? Bordel ! », c’est sans doute ce qui nous manquait pour comprendre les personnages.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Régis Roinsard

Scénario
Romain Compingt, Régis Roinsard
D’après le roman d’Olivier Bourdeaut

Direction photo
Guillaume Schiffman

Montage
Loïc Lallemand

Musique
Clare Manchon
Olivier Manchon

Régis Roinsard, réalisateur.
Dans le vif du sujet.

Genre(s)
Comédie dramatique

Origine(s)
France

Belgique

Année : 2021 – Durée : 2 h 04 min

Langue(s)
V.o. : français

En attendant Bojangles

Dist. [ Contact ] @
TVA Films

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]