The End of Wonderland

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 09 septembre 2022

SUCCINCTEMENT.
À partir de son studio, Tara Emory, artiste multidisciplinaire, travaille de façon indépendante dans le milieu du divertissement érotique. Maintenant que les propriétaires veulent vendre la bâtisse, elle ignore comment elle pourra s’adapter à ce changement important.

CRITIQUE.

★★★

texte
Élie Castiel

Tara

au

pays

des

merveilles

La trans Tara Emory est issue d’une famille de hoarders
(son père était obsédé par les vieilles bagnoles usées et

remplissait son jardin d’une quantité faramineuse…
comme tout accapareur ou accumulateur d’objets compulsif.
Pour la petite histoire, sa mère était peintre d’art naïf.

Même état d’esprit pour Tara, qui auréole son espace vital d’objets de toutes sortes, dont des marques d’autos en jouet pour collectionneurs. Mais aussi d’autres bidules, engins, trucs tout droit sortis des univers camp, ayant rapport à une certaine idée de la pensée LGBT. Ici, le mode queer se manifeste d’une et plusieurs façons – mode kitsch, surexposition de la féminité, entre l’univers des Drag Queens et du spectacle à gros déploiement d’une autre époque.

Mais The End of Wonderland n’est pas le documentaire auquel on s’attend. C’est surtout, si l’on en croit la démarche de Laurence Turcotte-Fraser, l’odyssée d’une personnalité hors du commun, la prise de conscience d’un homme rescapé de son identité de mâle vers une possibilité d’être autre, la « nouvelle » femme, celle inventée de toutes pièces, ou « presque », puisque le passage de l’un à l’autre n’est pas totalement parfait.

Tara parle le plus souvent de ses origines, de son enfance, de ses rapports avec la famille. Elle parle aussi de sa transition, de l’acceptation de soi, des remontrances face à elle-même, son combat, ses luttes pas trop dures quand même et d’une solitude qu’elle habite en lui attribuant des exutoires en forme d’objets.

Lorsque les diversités les plus extrêmes arrivent à s’entendre.

Le film, entre documentaire et fiction, est un portrait à la fois tendre et émouvant d’un personnage hors du commun, la saga ludique du passage d’un état à l’autre, d’un mode de pensée au suivant, proposé comme modèle social, comme on l’entend de plus en plus dans la pensée occidentale libre.

Un nouveau corps, un nouveau visage que Tara tente par tous les moyens de redessiner quotidiennement ou quand l’envie la presse – lèvres qu’elle gonfle pour parfaire sa nouvelle identité, accoutrements excessifs, tournage d’un film de science-fiction porno qui semble ne jamais se terminer – quelques extraits déjà tournés nous font part du sérieux de son propos, mais non pas de la qualité de l’entreprise. Découvrez de quoi il s’agit.

Une chose est certaine : filmer un tel personnage il y a deux ou trois décennies aurait été impensable. Comme quoi…

La mise en scène de la montréalaise Laurence Turcotte-Fraser, à qui l’on doit trois courts sujets, L’âme coincée entre deux morceaux de tôle (2013), Marée (2017) et Domino (2018) signe ici un premier long métrage sur la trajectoire psychologique d’une trans que nous pourrions qualifier de « psychotronique » puisque son terrain de vie est un d’inventions cybernétiques, de réparations automobiles, de masculin mais plus de féminin, d’un rapport genré au monde dépourvu de traditionalisme. Mais avant tout, d’un réaménagement de l’espace social, de ce qu’il pourrait être.

Quel est cette fin de Wonderland? Ce pays des merveilles étant le grand studio, quelque part dans un Massachussetts rural dépourvu d’ambitions; un terrain vague qu’elle s’est créé en le vêtant d’une multitude d’appareillages, de trucs, de bibelots de toutes sortes et dont elle doit se débarrasser, faute de fonds. Filmée par une réalisatrice trop prise par son sujet.

Prochaine étape : la possibilité d’un monde, un espace social où les revendications et styles de vie alternatifs ne sont plus l’apanage des marginaux.

Une chose est certaine : filmer un tel personnage il y a deux ou trois décennies aurait été impensable. Comme quoi…

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Laurence Turcotte-Fraser

Scénario
Laurence Turcotte-Fraser

Direction photo
Andréanne Chartrand-Beaudry

Laurence Turcotte-Fraser

Montage
Jonah Malak
Milène Ortenberg

Musique
Christian Zuliani

Genre(s)
Documentaire

Origine(s)
Canada [Qc]

Année : 2021 – Durée : 1 h 25 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.

La fin de Wonderland

Dist. [ Contact ] @
Les Films de 3 mars

Classement
Interdit aux moins de 16 ans

Diffusion @
Cinéma du Parc
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]