Irène Papas.
1926.29-2022

In
MEMORIAM.

texte
Élie Castiel

La

tragédie

grecque

comme

soutien

moral

La date de sa naissance est matière à controverse.1926? 1929? Elle aurait donc eu 93 ou 96 ans. Peu importe puisque Irène Papas, à l’instar de sa compatriote Melina Mercouri, traverse une carrière internationale, certes avec moins d’envergure, mais récoltant les honneurs partout.Comme la compagne de Jules Dassin, grecque, pas moins que cela. Fière, altière par orgueil légitime. Sa culture avant tout, son patrimoine issu d’une antiquité fondatrice.

Plus que tout, « tragédienne » dans l’âme, une façon de composer avec sa personnalité et dans le même temps renouer avec une idée du véritable sens de l’hellénisme conquérant, celui de la Grèce Antique comme berceau de la civilisation occidentale.

Nous avons le souvenir mémorable de l’avoir rencontrée il y a plusieurs années au TIFF (Toronto) où notre entrevue s’est passée en espagnol, la comédienne s’exprimant parfaitement dans la langue de Cervantès. Des réponses simples, objectives, logiques, comme la pensée grecque. Et une dignité, un fierté que la grande dame projette dans la vie et face à la caméra ou à l’interviewer.

En 1962, Michael Cacoyannis dévoile la magie de son interprétation dans Électre (Iléktra) qui sera suivie par d’autres tragédies, dont l’une des plus impressionnantes demeure Iphigénie (Ifigéneia), en 1977. Elle mène une carrière également internationale, The Guns of Navarone (Les canons de Navarone), 1963, de J. Lee Thompson, marquant son charisme international; ou sans doute Erendira, de Ruy Guerra, en 1983.

Si le récent décès de l’iconoclaste Jean-Luc Godard est passé presque inaperçu dû à celui de la Reine d’Angleterre, la disparition de Papas n’aura droit qu’à quelques simples lignes, sauf, sans doute dans la communauté hellénique. Question générationnelle relative à la cinéphilie. Quoi qu’il en soit, Irène Papas traverse les époques, les régimes politiques où elle semble s’intéresser activement, et encore une fois, à une vitesse de croisière moins agitée que la Mercouri.

Sa portée sur le plan de la musique est couronné par la publication du 33 tours Odes, en collaboration étroite avec le regretté Vangelis (Papathanassiou). Dans ce brillant album, elle rejoint les grandes de la culture grecque, comme Katina Paxinou, autre icône culturel. Poésie, voix protéiforme et sens de la répartie se conjuguent selon une tradition nouvelle de la narration musicale. Elle n’aura duré que peu de temps.

La scène, le cinéma surtout, la télévision. Genres populaires mais réfléchis, films d’auteurs, toujours affranchie de ce 7e art qui la propulse dans l’arène internationale grâce à son immense talent. On se souviendra, entre autres, de Z (Costa-Gavras), bien sûr, mais aussi de Anne of the Thousand Days / Anne des mille jours (1969), où elle partage l’écran avec notre Geneviève Bujold, signé Charles Jarrott ou encore The Trojan Women / Les troyennes / Troádes (1971), de Cacoyannis, et comment éviter Zorba the Greek / Zorba le Grec / Aléxis Zórbas (1964), toujours de Cacoyannis.

Mais le plus éclatant demeure sans aucun doute la personnalité unique qu’elle dégage, même lorsqu’elle tourne pour Manoel de Oliveira dans l’incontournable Un film parlé / Um Filme Falado, en 1985.

Mais indiscutablement, la tragédie antique est ce qui retient le plus son identité créatrice. Instinctivement. Rationnellement.