Vues d’Afrique 2023.
II

ÉVÉNEMENT.
[ Festival ]

texte
Élie Castiel

 

Sur quelques

courts métrages

maghrébins

 

Depuis quelques années, du moins dans les festivals, les courts et moyens métrages sont devenus des incontournables, se groupant eux-mêmes dans des manifestations cinématographiques un peu partout à travers le monde. Autrefois les laissés-pour-compte, les exilés, aujourd’hui ceux par qui le cinéma s’inventera.

Et souvent avec, comme résultat de vraies « petites » merveilles tant dans le contenu narratif que dans l’ensemble formel. Aussi bien dans l’image réelle que dans l’animée (autre forme de spécialisation).

Du Maroc/Pays-Bas, Burka, là où le bureau d’un dentiste, salle de chirurgie et surtout celle d’attente sont les lieux d’un regard sur la xénophobie. Pas de rage de la part de Wahid Sanouji, mais une lucidité intérieure. Des gestes, quelques mots à peine, tous les personnages s’exprimant à peine. Sauf la dernière patiente à arriver. Et une morale inattendue à cette histoire qui ne plaira pas aux intolérants de tout acabit.

Dania Achour, dans Poupiya, signe la réalisation et se met elle-même en scène pour explorer le « féminin ». À en croire le titre, qui veut sans doute dire, « femme fleur ou poupée », la protagoniste se marie donnant droit à un début de rituel au « henné » d’une beauté musicale exemplaire. Puis un recours à l’ellipse pour illustrer les temps de son quotidien. Elle danse malgré les interdits. Et à la fin, une réconciliation avec l’ordre patriarcal qui, soudain, cède aux avances de ce qui signifie « liberté de mouvement ». Et dans la musicalité, ce mélange si typiquement marocain d’influences andalouses issues d’une tradition judéo-chrétienne si présente, bien que beaucoup plus dans le passé, dans le plus tolérant des pays du Maghreb.

Le Tunisien Aziz Chennaoui, qui vit maintenant au Canada, propose un essai sur la mise en scène. Refus de linéarité traditionnelle, désir d’aller plus loin dans la description du corps (attention, rien de grave ni d’interdit aux moins de 18 ans), suscite l’intérêt des cinéphiles et, dans ce court épisode dans le monde de la drogue que constitue Korrinty, une sorte de proposition personnelle et porte d’issue à des projets encore plus ambitieux dans le proche futur. Intéressant.

D’Aziz Zoromba, Simo (Canada/Égypte) ou une étrange version de Cain et Abel, sans la tragédie, mais non pour le moins une vision moderne sur la filiation, sur la famille, les traditions et le rituel social qu’impose la famille nucléaire, le enfants qu’on aime plus que les autres, la jalousie mal exprimée, les parents inaudibles dans la sphère de la psychologie. Et pour Zoromba, une direction d’acteurs irréprochables.

Deux autres courts qui nous interpellent. De Rachid Allaoua, Yanni (Canada/Algérie), sur l’endoctrinement au racisme afin de continuer à appartenir au groupe. Un regard mesuré malgré les gestes d’oppression et surtout une vision du cinéma axé sur ce que signifie raconter une histoire sans véritables ondes de choc. Ce qui suscite vraiment l’attention, c’est la puissance du projet en question, digne de foi.

Puis, finalement, Sur la tombe de mon père, de Jawahine Zentar (France/Maroc). Et si contrairement à la tradition musulmane, une jeune fille assistait à l’enterrement de son père, où seuls les hommes peuvent assister? Par courage, par conviction, pour que les choses changent. Que se passera-t’il?  Zentar dialogue avec la forme, là où la mise en scène s’harmonise avec les rituels du deuil, s’entoure de comédiennes et de figurants investis dans le récit et, tournant le dos aux conventions, signe un film courageux qui aurait pu facilement se transformer en long métrage.

Vues d’Afrique
Du 20 au 30 avril 2023