Past Lives

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 16 juin 2023

SUCCINCTEMENT.
Nora et Hae Sung, deux amis d’enfance sont séparés après que la famille de Nora a émigré de Corée du Sud. Deux décennies plus tard, ils se retrouvent à New York.

CRITIQUE

★★★ ½

texte
Élie Castiel

 

Avant tout, le premier long métrage de Celine Song est fait de raffinements, séquences mémorables, d’odes aux amours de jeunesse même si elles ne se distinguent que par des jeux d’enfant innocents.

Le

temps

retrouvé

Et les années passent, d’où cette approche narrative chez Song, vouant au temps sa démarche constante, ses timides épanchements inavoués, ces choses qu’on n’ose pas dire et qui, du jour au lendemain, se transmettent par voix discordantes ou, au contraire, médusées par la recherche de la vérité.

Déjà, dans le titre du film, au générique du début, les vocables Past et Lives apparaissent sur une simple ligne, mais largement séparés, comme si d’une certaine façon, la cinéaste annonçait d’ores et déjà le dénouement de cette histoire d’amour.

Film autobiographique qui fredonne les origines sud-coréennes de la réalisatrice, et surtout son immigration, bien sûr avec ses parents, aux États-Unis. Mais déjà, à Séoul, cette famille d’artistes n’est-elle pas au courant de la civilisation occidentale qu’elle semble affectionner. Non seulement comme contrepoint à la rigidité d’une certaine culture asiatique, mais pour cette liberté acquise selon les fondements de la démocratie.

Celine Song, avant tout, sublime le plan, embellit les cadres d’accents de volupté et de sensualité qu’elle compare parfois aux clichés photographiques. Le visage de Nayoung, devenue avant même son arrivée à New York, Nora, est de la plupart des plans. Adulte, elle conserve sa coupe de cheveux qui évoque ces stars de la Nouvelle Vague française des années 60, quelque chose qui confirme le mythe, le superpose au réalisme et mine de rien, lui donne un caractère des plus séduisants.

L’implacable mutation du temps

Nora va épouser un jeune romancier new-yorkais de confession juive, et comme la plupart des hommes de sa condition, ne suivent leur religion que de façon uniquement identitaire – Le premier roman d’Arthur, c’est son prénom, s’intitule Boner (qui veut dire, dans un langage châtié, érection). Et qui semble avoir un certain succès. Hasard ou coïncidence?

Le premier amour de Nayoung (la très astucieuse jeune actrice Moon Seung-ah) est celui qu’elle éprouve pour Hae Sung (très belles partitions autant du jeune Leem Seung-min que de l’adulte Teo You), presque du même âge et qui partage les mêmes sentiments, même si exprimés différemment.

Tout semble croire qu’ils partageront, plus tard, leur amour. Départ de Nora. Par un concours de circonstances bien orchestrées, un lien par voie-courriel et zoom; la possibilité d’une rencontre.

Rencontres, en effet, à travers des laps de temps considérables qui font que les gens changent, les habitudes aussi, l’intégration totale à l’Amérique se manifeste à travers ses multiples variations.

Une chose est certaine. L’Amérique de Celine Song est celle d’une multitude d’individus, hommes et femmes, en provenance de presque toutes les parties du monde. L’Amérique blanche, elle, ne disparaîtra pas, certes, mais ne sera plus la même. Le monde change et avec lui, le rêve américain n’est plus ce qu’il était, mais il a muté, s’est transformé en quelque chose de plus rationnel, de plus proche de la réalité.

Past Lives est fait de ces rapports narratifs où le formel s’accomplit pour saisir de fond en comble la thèse de départ. Et lorsque les interprètes, sans exception, sont tous remarquables, le résultat n’est finalement que plus probant.

Entre les promesses non tenues, le déchirement du départ, l’assimilation aux préceptes de l’Occident, les penchants amoureux entre Teo You et Nayoung/Nora ont changé de cap.

La séquence du début – à gauche, Hae Sung/You, au milieu, Nora/Greta Lee et à droite Arthur/John Magaro, constitue le cadre d’un triangle amoureux en train de se reconstituer et dont on ne connaîtra le dénouement qu’à la fin, une finale qui évite le pathos pour se constituer fidèle à un cinéma qui réfléchit.

Entre le cinéma sud-coréen romantique, qui semble affecter la cinéaste et le film indie américain, une sorte d’amalgame bienheureux de la part de Song. Un mélange envoûtant qui remet en question les préceptes du film romantique. Et sans crier gare, se permet de repenser le plan, de restructurer le cadre pour lui avancer des propositions symboliques.

Past Lives est fait de ces rapports narratifs où le formel s’accomplit pour saisir de fond en comble la thèse de départ. Et lorsque les interprètes, sans exception, sont tous remarquables, le résultat n’est finalement que plus probant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Celine Song

Scénario
Celine Song
Direction photo
Shabier Kirchner

Montage
Keith Fraase
Musique
Christophe Bear
Daniel Rossen

Celine Song.
Comme le souvenir d’une autre vie.

Genre
Drame

Origine
États-Unis
Corée du Sud
Année : 2022 – Durée : 1 h 46 min
Langue(s)
V.o. : anglais, coréen; s.-t.a.

Jeonseung

Dist. [ Contact ] @
Cineplex Pictures
[ A24 ]

Diffusion @
Cinéma du Parc 

Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]