My Thesis: a thesis film by Erik Anderson

Semaine 50 : du Ven 13 au Jeu 19 déc 2020 

EN QUELQUES MOTS
Face aux difficultés que présente l’industrie du cinéma, un dîplomé, aspirant réalisateur, prend soudain conscience que sa « thèse cinématographique » repose essentiellement sur lui-même et sur le film qu’il aurait voulu réaliser.

Primeur
  Critique

★★★★★

FILMER COMME UN ACTE DE REVENDICATION

Élie Castiel

Au tout dernier Festival des films du monde, en 2018, le film-fleuve d’Erik Anderson a reçu le Prix Norman McLaren du meilleur film étudiant canadien.

On m’avait donné comme mission la tâche de visionner de nouveau avec le public la version originale de trois heures et cinquante-trois minutes de My Thesis Film… pour, d’une part, m’assurer du bien fondé de mon choix, et ensuite mener un Q&R avec presque une moitié de salle remplie. Bizarrement, aucune longueur dans ce film, mais une production qui méritait haut la main de se situer parmi les quelques films canadiens programmés dans la section « Cinéma canadien » (c’est ma faute, car j’ai choisi moi-même le film et j’aurais dû faire quelque chose sur ce point, quitte à tordre quelques bras).

Toujours est-il que My Thesis Film: a thesis film by Erik Anderson, titre on ne peut plus joyeusement auto-promotionnel s’avère un des plus beaux fleurons du cinéma national (côté canadien, n’en déplaise à certains) des quelques dernières années. Après tout, j’ai réussi à convaincre les hautes instances du FFM (vous comprenez ce que je veux dire) de programmer le film. Elles n’étaient pas tout à fait résolues à le faire en raison de sa durée et de son minimalisme. Mais…

Erik Anderson est tout à fait conscient de son titre ; il l’assume avec une grâce aussi naïve qu’incomparable, parfois même empreinte d’une condescendance jouissive qu’auraient nécessité plusieurs cinéastes pour parfaire leur(s) projet(s) et parcours; autrement dit, leur voie. C’est la loi du milieu, car tourner, c’est investir son corps, son temps, parfois même son argent, son âme et plus que tout tenter par tous les moyens de contourner adroitement les risques.

Crédit photo : 1st of july films

Étudiant à la York University de Toronto, Anderson ne jure que par les images en mouvements et cela se voit dans ses gestes, sa démarche, sa façon d’aborder ses interlocuteurs. Et le film est la somme de sa connaissance du cinéma et de la vie tout simplement.

Est-ce un film-maudit ? Il faut comprendre que le jeune Anderson n’a pas eu de pot avec quelques autres festivals, dont le Saint-TIFF et un autre événement en Australie où les responsables ne se sont pas donné la peine de le visionner. De quoi s’agit-il alors ?

À l’heure des mouvements #MoiAussi (#MeToo) de toutes tendances, Anderson questionne, conscient des réactions que le film pourrait susciter. Ne sommes-nous pas les témoins de tous ces Gender studies qui s’exposent avec fierté dans les universités depuis quelques années. Oui, des « études sur les genres » qui, souvent, divisent plus qu’ils n’unissent. Nous sommes parvenus, semble dire Anderson, à être témoins d’une époque totalement polarisée qui confronte les uns contre les autres, les unes contre les uns, les uns contre les uns, un terrain d’affrontements sociaux minés par l’égocentrisme et les malentendus.

Tous sont à blâmer, autant les hommes que les femmes. Et l’espace universitaire est un terreau sensible de tous ces possibles, mais aussi un endroit des impossibles protégé par les lois de la connaissance supérieure.

Anderson est clair à ce sujet. Son film est également un essai sur l’amitié, la famille, les débats, les intelligents et les stériles, les pertes de temps, le peu de temps accordé aux silences.

Tout au cours de presque quatre courtes heures, nous sommes les témoins d’une jeunesse (quoi quelques personnages plus âgés, comme cet ancien professeur barbu) déambulant dans leurs pensées parfois claires, parfois contradictoires, toujours à la défensive. Le verbe n’a jamais été aussi désorientant et plus que tout, impulsif.

À l’heure des Cinémas du Musée, du Parc et Moderne, un film comme My Thesis Film: a film by Erik Anderson est parvenu à se trouver une niche au Dollar. Merci, Bernie.

Erik Anderson est présent. Et lorsque son champ/contrechamp entre lui et une jeune collègue étudiante devient le débat sur la politique nébuleuse des sexes, cela crée des étincelles, et bien plus que ça, opère sur plusieurs angles : comment filmer cette séquence inoubliable, comment encenser ou encore refuser le plan-séquence, dispositif sur la notion de continuité.

Quoi qu’il en soit, My Thesis Film: a thesis film by Erik Anderson prose de véritables enjeux sur l’acte de la création cinématographique, secoue les cinéastes même chevronnés et mine de rien, pousse le spectateur à devenir complice autant de ce qui se passe à l’écran que du cinéaste lui-même.

Plans fixes, à peine quelques mouvements d’appareil, hommage au cinéma des premiers temps, celui du 16 et du 35, l’opus d’Anderson est aussi un cri de coeur du cinéaste. Un film qui remplace de façon brillante son projet initial cinématographique sur le Premier volet, À propos de l’État de La République de Platon. Confirmant que les essais, dialogues philosophiques et idées politiques de la Grèce antique ont été foudroyés et galvaudés par le temps. Ne nous leurrons pas; Erik Anderson est un grand humaniste.

À l’heure des Cinémas du Musée, du Parc et Moderne, un film comme My Thesis Film: a film by Erik Anderson est parvenu à se trouver une niche au Dollar. Merci, Bernie.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Sortie

Ven 13 déc 2019

Réal.
Erik Anderson

Genre(s)
Fiction expérimentale
Origine(s)
Canada
Année
 : 2018 – Durée : 3 h 53
Langue(s)
V.o. : anglais
My Thesis Film : A Thesis Film by Erik Anderson

Dist. @
1st of july films
Classement
[ Exempté ]
En salle(s)
 @
Dollar Cinema

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]