Fantasia 2023
< VI >
| Festival |
Pascal Grenier
De la suite
dans les idées
Dans le dernier droit de cette 27e édition de Fantasia qui a pris fin hier, il restait encore de nombreuses surprises (bonnes ou moins bonnes). La Corée du Sud était à l’honneur cette année avec quelques oeuvres majeures du passé (tels que mentionnées dans mon premier article) mais aussi des primeurs pas piquées des vers non plus.
Se situant pendant la colonisation de la Corée par le Japon au début des années 1930, le drame d’espionnage historique Phantom du cinéaste Lee Hae-young étonne par sa façon de marier brillamment les genres. Ce huis clos anxiogène (l’action se déroule en grande partie dans un énorme hôtel luxueux qui fait figure de forteresse sur une île) est construit comme une intrigue à la Agatha Christie avec cinq suspects soupçonnés d’être le Fantôme, un espion de la résistance contre le gouvernement impérial. L’enquête est captivante avant de basculer en film d’action savamment orchestré avec deux personnages féminins mémorables (les excellentes Lee Hanee et Park So-dam) qui vont s’allier pour la cause. Bref, une très belle réussite à ranger aux côtés des films comme The Age of Shadows de Kim Jee-woon et Assassination de Choi Dong-hoon.
Sorti à la fin du mois de juin au Canada (mais étrangement boudé par nos exploitants en salles du Québec qui visiblement passe souvent à côté d’excellents films «ethniques»), The Childe du solide Park Hoon-jung (New World, Night in Paradise) est une comédie d’action jouissive à souhait qui livre la marchandise. Dans son premier rôle pour le grand écran, le populaire acteur de série télévisée à succès Kim Seon-Ho crève l’écran dans le rôle d’un tueur à gages qui, dans l’ombre, va orchestrer un plan impliquant un boxeur koppino (né d’un père coréen et d’une mère philippine) qui cherche à retrouver son père et impliquant des gangsters coréens. Une fois les éléments mis en place, on embarque à fond dans cette intrigue sinueuse et ce cocktail d’humour et d’action ultra violente comme seul le cinéma coréen en possède le secret.
Dans un tout autre registre, le faux documentaire Journey to the West est un petit bijou de drôlerie. Ce premier long métrage du chinois Dashan Kong s’inspire librement du célèbre roman La pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng En. Paru à la fin du XVIe siècle, son influence est immortelle et continue d’inspirer de nombreux artisans à travers les arts pluriels. Ainsi dans cette nouvelle adaptation, le moine bouddhiste est remplacé par un rédacteur en chef d’un magazine de science-fiction qui est convaincu depuis toujours de la présence d’extra-terrestres dans notre civilisation moderne. Avec son humour pince-sans-rire, son esprit moqueur, mais aussi empreint d’une étonnante délicatesse, cet OFNI est la preuve qu’il est possible d’apporter du sang neuf dans la faune récente du cinéma chinois parmi tous les films de propagandes des dernières années.
De Taïwan, la comédie Miss Shampoo est l’exemple typique d’une comédie populaire exaltée et énergique qui n’a pas peur de marier les genres de façon exubérante. Souvent drôle et parfois violente, cette romance improbable entre une shampouineuse d’un salon de coiffure amoureuse d’une vedette de baseball et d’un gangster qui lui doit la vie se vautre énergiquement dans tous les excès dans un bonheur certes inégal, mais qui frappe souvent dans le mille. Mention spéciale à Hong Yu Hong dans le rôle du gangster dont le coeur se laisse attendrir par l’irrésistible Vivian Sung.
En terminant, de par les nombreux films vus au cours de ces trois épuisantes semaines, j’en viens à la conclusion que cette dernière édition du festival Fantasia a été une très bonne cuvée. Bien entendu, il y en a pour tous les goûts et on est obligé de faire des choix et d’être sélectif. Parfois on se maudit d’être passé à côté de certains films dont les échos élogieux parviennent à nos oreilles le lendemain de sa présentation (dans mon cas je pense au film coréen Killing Romance dont on m’a dit le plus grand bien). En revanche, certaines valeurs sûres dans la programmation peuvent aussi s’avérer d’énormes déceptions (comme Mad Fate de Soi Cheang, de loin le film le plus décevant cette année). Mais toujours est-il que malgré les quelques reproches qu’on peut adresser aux organisateurs, le festival Fantasia demeure un incontournable et est toujours une bouffée d’air frais dans le paysage des festivals de films montréalais.