Les étés souterrains
@ La Licorne
| SCÈNE |
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★ ½
La
vulnérabilité
et
la
force intérieure
des sentiments
Il y a d’abord un texte, celui de Steve Gagnon, à la plume puissante, virevoltant de gauche à droite, de droite à gauche, libre, survoltée, faisant du coq-à-l’âne un emblème poétique et d’une émotion charnelle. Mais ce n’est qu’en bénéficiant d’une interprète totale, souveraine, totalement habitée par son personnage que cela est possible de mettre en scène.
Un décor de tous les possibles de Patrice Charbonneau-Brunelle. Un lieu unique où différentes étapes de la vie, comme les joies, les peines, la maladie et autres velléités qu’on attribue à la raison ou son contraire contribuent à faire de ce portrait de femme intime une revendication de soi-même, de son féminisme apprivoisé, non pas militant, mais issu d’un historique social qui se construit au jour le jour.
Guylaine Tremblay, c’est l’illustre performante d’une femme qui se révèle à nous, dans tous ces états d’âme qui se construisent à mesure des évènements, des épreuves, des envies, des rapports familiaux et de l’insoutenable fragilité de sa propre physicalité. Rien ne l’assaille, elle passe d’une psychologie à l’autre, d’un état d’esprit dramatique à une réconciliation totale avec la vie.
Sur fond de scène, une vidéo montrant cet unique personnage en gros plan où elle livre ses peines, ses angoisses, ses tourments, mais aussi ces moments d’amour charnel avec l’homme de sa vie. Elle dit tout sans vraiment le dire. La confidentialité s’acharne, malgré les apparences, à conserver tout de même une certaine pudeur que l’expression de Tremblay arrive intelligemment à reproduire, à conserver, à la rendre aussi indicible que triomphante.
Et puis, comme par miracle, durant ses conversations avec des intimes, des rencontres entre amis, la comédienne donne l’impression qu’elle communique avec les spectateurs. Cette étroit rapport brise la distanciation entre l’esprit de la scène et la passivité souvent incontournable de la salle, pris dans un étrange rapport de force. Une sorte de complicité tacite, mais essentielle à la compréhension du récit.
Entre la comédienne et Édith Patenaude, celle par qui se construit cette mise en scène complice, un œil en perspective d’un état des lieux, la possibilité de réfléchir sur ce qu’est « être femme », de réussir à établir des correspondances constructives envisageables avec les hommes.
Un récit, encore une fois, fait de fausses notes, de rapports infidèles avec la pensée, avec la morale même, mais d’une humanité exorbitante. Guylaine Tremblay possède l’espace, même lorsqu’il lui donne du fil à retordre. Persévérance, conviction, amour de la scène. Un état de grâce à la fois pudique et rebelle, contradictoire et jubilatoire.
Entre la comédienne et Édith Patenaude, celle par qui se construit cette mise en scène complice, un œil en perspective d’un état des lieux, la possibilité de réfléchir sur ce qu’est « être femme », de réussir à établir des correspondances constructives envisageables avec les hommes.
Et comment ne pas céder aux accents dramatiquement déchirants de la musique de Mykalle Bielinski qui établissent les diverses déconstructions d’un récit aussi linéaire que fragmenté.
Les étés souterrains, au titre magnifiquement révélateur, inaugure de façon magistrale la nouvelle saison à La (grande) Licorne.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Steve Gagnon
Mise en scène
Édith Patenaude
Interprète
Guylaine Tremblay
Assistance à la mise en scène
Adèle St-Amand
Décor
Patrice Charbonneau-Brunelle
Costumes
Estelle Charron
Éclairages
Erwann Barnard
Vidéo
Eliot Laprise
Musique
Mykalle Bielinski
Durée
1 h 40 min
[ Sans entracte ]
Auditoire (recommandé)
Tout public
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]
Diffusion & Billets @
La Licorne (Grande salle)
Jusqu’au 23 septembre 2023
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]