Salle de nouvelles
@ Duceppe
[ THÉÂTRE ]
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★
La
règle
du
jeu
Quarante-sept ans après la sortie de Network (Main basse sur la TV), un des films les plus achevés du cinéaste américain le plus socialement engagé de l’époque, Sidney Lumet, David Laurin propose une traduction théâtrale tirée du texte de Lee Hall.
Mêmes enjeux? Mêmes situations? Mêmes rapports hommes-femmes? Mêmes motivations? Même politique? Mais surtout un tas de questions à se poser sur le personnage principal, Howard Beale, au cinéma campé par l’irréprochable Peter Finch.
L’adaptation française de Laurin, acérée et sans compromis, propose une langue d’ici, campant les personnages entre une Amérique voisine qu’on devine et une nouvelle réalité locale réincarnée.
Denis Bernard occupe l’espace totale de la scène du Duceppe, totalement investie pour la circonstance. Nous sommes après tout dans un plateau de télévision où tout doit se poursuivre comme sur des roulettes, à la minute près.
Denis Bernard, encore une fois, c’est l’appropriation du jeu d’interprétation à- l’Actors-Studio, à sa période âge-d’or; à proprement parler, cette propension à s’emparer d’un personnage non pas pour l’imiter, mais pour le « devenir », ne serait-ce que le temps que dure le projet.
Expressions faciales que non seulement les spectateurs aux premiers rangs peuvent bien observer, mais toute la salle, grâce l’excellent travail vidéo d’Eliot Laprise.
Et puis, les spectacteurs, littéralement complices de cette aventure de j’en-ai-marrisme telle que prodiguée par un maître de cérémonie aussi intègre que diabolique, mais tout aussi moral, à sa façon.
L’industrie de la télé, comme celle du cinéma, les cotes d’écoute pour les uns, le nombre de spectateurs pour les autres. Un monde issue du capitalisme sauvage initialement « Made in USA », là où le profit est la seule règle et, selon les circonstances, les anciennes chicanes et coups bas se transforment en nouvelles associations, le temps que ça dure.
La mise en scène de Marie-Josée Bastien participe de ce tour de force qui a à voir avec l’instinct de survie; si elle atteint un certain degré d’élégance et parfois de rébellion, il n’en demeure pas moins que ce qui compte le plus, c’est cette question de rythme, élément majeur dans toute production théâtrale qui se respecte.
Belle partition musicale de Stéphane Caron, au diapason d’un milieu assez particulier, mais surtout en harmonie avec une atmosphère urbaine de grande ville économique – New York de préférence.
La mise en scène de Marie-Josée Bastien participe de ce tour de force qui a à voir avec l’instinct de survie; si elle atteint un certain degré d’élégance et parfois de rébellion, il n’en demeure pas moins que ce qui compte le plus, c’est cette question de rythme, élément majeur dans toute production théâtrale qui se respecte.
Tout cet assemblage d’idées lumineuses contribuent à faire de cette Salle de nouvelles un des spectacles les plus excitants de la saison théâtrale québécoise de l’année.
Tous les comédiens, y compris ceux et celles dans des rôles secondaires, demeures constamment irréprochables. Y compris les spectateurs dans la salle qui, pris à l’improviste, se lancent dans cette aventure à plusieurs visages. Par moments, ça donne la chair de poule.
Mais surtout nous sortons de cette expérience, convaincus que les choses n’ont pas vraiment changé. Une chose demeure, néanmoins : avec Salle de nouvelles, Duceppe poursuit cette aventure pérenne qui fait la force de cette institution culturelle indubitablement québécoise.
P.S. : Force est de mettre en exergue la plume (posthume) de Paddy Chayevsky, plus de 40 scénarios à son actif, dont celui de son dernier film pour le grand écran, Altered States (Au-delà du réel, 1980), d’après son propre roman, et non le moindre Marty (1955), gagnant, en 1956, de plusieurs statuettes aux Oscars.
FICHE ARTISTIQUE
Texte
Lee Hall
D’après le scénario de Paddy Chayevsky
pour le film Network, de Sidney Lumet
Traduction
David Laurin
Mise en scène
Marie-Josée Bastien
Assistance à la mise en scène
Christian Caron
Interprètes
Mustapha Aramis, Sylvio Arriola
Charles-Étienne Beaulne, Emmanuel Bédard
Denis Bernard, Florence Blain Mbaye
Luc Bourgeois, Gabrielle Côté
Hughes Frenette, Eliot Laprise
Marie Michaud, Marie-Ève Pelletier
Scénographie
Marie-Renée Bourget Harvery
(assitée de Mayumi Bergeron
et Guylaine Petitclerc)
Costumes
Sébastien Dionne
Éclairages
Erwann Barnard
(assisté de Joëlle Leblanc)
Vidéo
Eliot Laprise
Intégration vidéo
Steve Montambault
Musique
Stéphane Caron
Durée
1 h 50 min
[ Sans entracte ]
Auditoire (recommandé)
Tout public
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]
Diffusion & Billets @
Duceppe
Jusqu’au 7 octobre 2023
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]