Festival du Nouveau
Cinéma 2023 > II

L’été dernier

texte
Pascal Grenier

 

Sujets

tabous

et

relations

humaines

 

On est déjà à mi-parcours de la 52e édition du FNC et il est à noter que la programmation, à nouveau, mise sur le meilleur du cinéma actuel. Dans cette optique, voici quelques titres qui ont retenu notre attention jusqu’à présent.

De la France, trois films se démarquent dans leur proposition sur les rapports humains touchant autant à l’amitié qu’à l’amour. Il y a tout d’abord La fille de son père d’Erwan Le Duc (Perdrix) qui raconte la délicate relation entre un jeune père et sa fille de 16 ans et sur le point de quitter le nid familial pour aller faire des études à l’étranger. Le réalisateur aborde avec doigté et humour une relation père-fille comme on en voit peu au cinéma. Une œuvre à la fois poétique longeant des avenues inhabituelles en seconde moitié quand il se transforme en road movie initiatique et sur la quête de soi. L’acteur d’origine argentine Nahuel Pérez Biscayart (120 battements par minute) offre une prestation pleine de sensibilité et de tendresse dans le rôle du père surprotecteur alors que la jeune Céleste Brunnquell (Les éblouis) se distingue par son attitude désinvolte.

Omar la fraise

Se situant principalement à Alger, la comédie dramatique franco-algérienne Omar la fraise est une bouffée d’air frais en cet automne pluvieux. Ce premier long métrage d’Élias Belkedar offre au duo Reda Kateb et Benoit Magimel de littéralement s’éclater dans le rôle de deux bandits français en cavale qui cherche à se refaire à Alger. Au menu, humour, éclats de violence, bromance et quête de l’amour à Alger et son Climat de France, cette banlieue défavorisée en déshérence. Si le film n’échappe pas à certaines conventions du genre criminel et mafieux, il n’en demeure pas moins que l’ensemble est très décalé et décomplexé, misant sur une aventure somme toute très agréable et jouissive par moments. Et il y a la découverte d’une future grande actrice en Meriem Amiar, formidable dans le rôle de superviseure d’une usine à confiserie qui en impose et se laisse difficilement courtiser par son nouveau patron (Omar al fraise/Reda Kateb).

L’été dernier

Également de l’Hexagone, L’été dernier marque un retour aux sources et en bonne forme pour Catherine Breillat. Après dix ans d’absence dus à de graves ennuis de santé, la réalisatrice de Romance collabore pour la première fois avec Pascal Bonitzer dans cette adaptation d’un remake d’un film danois (Dronningen) sorti en 2019. Réputée pour explorer des thèmes controversés et provocateurs qui touchent la sexualité, les relations interpersonnelles et le bousculement des normes sociales, Breillat renoue avec ses thèmes de prédilection dans ce drame passionnel qui relate la délicate liaison entre une avocate de 50 ans qui entame une relation incestueuse secrète avec le fils de 17 ans de son compagnon. Si elle se montre plus classique dans sa démonstration, on doit reconnaître que la réalisatrice n’a rien perdu de sa complexité et de son goût pour l’ambiguïté. Sans compromis, elle filme les corps de manière sèche (presque anti érotique) alors que son discours s’interroge sur l’amour et son pouvoir de transgression. La principale force réside dans la prestation de l’excellente Léa Drucker qui s’impose de plus en plus comme une des meilleures actrices de sa génération. Elle est ici d’une grande justesse dans le rôle de la mère qui succombe au désir de l’adolescent à l’aube d’être un adulte (Samuel Kircher, fils d’Irène Jacob à la ville).

Levante

Du Brésil, le drame Levante (qui signifie Lève-toi) de Lillah Halla raconte le passage à l’âge adulte à la rude pour une jeune joueuse de volley-ball dont l’avenir prometteur et la possibilité d’une bourse d’études au Chili sont compromis par une grossesse non voulue. Alors qu’il est illégal au Brésil, l’avortement est un sujet tabou et controversé encore aujourd’hui. Ce premier film d’une jeune réalisatrcie est surtout intéressant dans sa façon d’aborder la solidarité féministe (avec sa communauté progressiste qui comprend des joueurs trans et non binaires) intersectionnelle qui lutte avec acharnement contre le conservatisme religieux.

Il n’est pas coutume de voir un film sur le colonialisme néerlandais. C’est pourtant la proposition de la réalisatrice Ena Sendijarević (de l’intéressant Take Me Somewhere Nice) avec ce drame dont l’action se déroule en 1900 en Indonésie, où la mort d’un propriétaire néerlandais d’une plantation de sucre déclenche des événements tumultueux pour sa succession. Tourné avec un ratio 4:3,  la mise en scène est très stylisée et symétrique (comme si ce qu’on nous montre n’est qu’une partie de l’ensemble découpé) qui mise sur des couleurs vives renvoyant subtilement à l’esthétique des films de Yorgos Lanthimos. Oscillant entre le réalisme psychologique et la satire grotesque sur le cercle vicieux colonial, Sweet Dreams s’avère une proposition aussi audacieuse que singulière sur la chute des pouvoirs.

Sweet Dreams