Rencontres internationales du
documentaire de Montréal 2023

ÉVÈNEMENT
| Festival |

 

Des communautés

texte
Luc Chaput

Dans les Alpes suisses, un homme, accompagné de son fils, sur un petit pont, ouvre un sac et jette dans les flots les cendres de son épouse. Il dit espérer que son esprit continuera son périple vers la Mer du Nord et deviendra finalement un nuage au-dessus du Canada. Nous sommes dans le canton d’Appenzell, une des nombreuses communautés représentées dans cette 26e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal.

Le réalisateur canado-suisse Peter Mettler, dans While The Green Grass Grows, inscrit cette relation dans le temps qui passe et la nature changeante. Des images de synthèse côtoient des vues de ruisseaux qui se forment à l’intérieur des glaciers qui fondent. Une rencontre avec un ami villageois, lors d’une exploration d’une ancienne mine, permet de rappeler la carrière d’artiste audiovisuel du cinéaste. L’amour constant qui unissait ses parents Julie et Freddy compose la trame vivifiante de ce film en plusieurs parties.

L’hommage à ses géniteurs est soutenu par un emploi judicieux d’archives anciennes et récentes et d’entrevues à Toronto et à Zurich qui interagissent avec des rencontres d’autres types glanées de-ci, de-là. Ce long métrage a gagné avec raison le Grand Prix de la compétition canadienne après avoir gagné le Prix du jury au récent festival Visions du Réel. J’ai déjà rendu compte sur ce site de Knit’s Island, grand gagnant du volet international à ces RIDM puisqu’il y avait remporté plusieurs prix à ce festival suisse.

Crowrä

Ilda, une autochtone brésilienne, se rend de son entité administrative Kraholandia dans l’état de Tocantins pour participer à Brasilia à une assemblée des peuples premiers qui y réaffirment leurs droits et contestent les politiques de Bolsonaro, alors encore président. Crowrã (The Flower of Buriti) est aussi un prénom transmissible dans cette communauté des Kraho. Les cinéastes João Salaviza et Renée Nader Messora ont construit une œuvre hybride alliant documentaire et fiction pour raconter, en association avec certains membres de quatre villages de la région, divers événements montrant l’introduction de la modernité chez ce peuple. Des drones et téléphones cellulaires permettent ainsi de combattre l’intimidation des agriculteurs voisins et de poursuivre les braconniers kidnappeurs de jeunes perroquets vendus au loin comme animaux si exotiques. La photographie rend évidente la luxuriance de cette forêt amazonienne.

While the Green Grass Grows

Une longue séquence tournée en 16 mm reconstitue un massacre des années 40 qui a éliminé la population d’un de ces villages. Cette transmission de l’histoire et des valeurs d’une population en évolution rapide et risquée a remporté le prix d’Ensemble à la section Un certain regard à Cannes et devient donc après The Dead and the Others (Chuva é Cantoria na Aldeia dos Mortos), un autre volet de l’implication anthropologique de cinéastes de ce pays qui continuent d’une autre manière l’impulsion donnée par Vincent Carelli dans le court sujet Vídeo nas Aldeias (Vidéo dans les villages) à la création de vidéos par ces peuples premiers.

Comme lors du dernier Festival de la Ville de Québec, un film sur la crise du logement a remporté le Prix du public, dans ce cas-ci, Éviction de Mathilde Capone. Nous reviendrons au cours de l’année qui vient et déjà ailleurs cette semaine sur d’autres films tels La Garde blanche (La guardia blanca) de Julien Élie qui, comme la version restaurée pour son 40e anniversaire de La turlute des années dures de Richard Boutet et Pascal Gélinas, ont fait les belles soirées de cette manifestation.