Nelligan

< CRITIQUE >
SCÈNE

★★★★ ½

Texte : Élie Castiel

Tout ici n’est que beauté, désespoir,
désordre imaginaire et volupté

Montée il y a trente ans, l’opéra de chambre des deux piliers culturels nationaux autant qu’universels que sont Michel Tremblay André Gagnon, revit une nouvelle jeunesse; car la poésie n’est pas seulement nécessaire par les temps qui courent, mais essentielle. Chez Nelligan, Rimbaud, Verlaine, sans doute des touches de Baudelaire ont influencé son écriture.

Deux étapes qui se chevauchent et en même temps s’entrecroisent dans l’œuvre du duo Tremblay/Gagnon : la réalisation d’un rêve fou, la vie troublée de famille, l’existence de bohème et l’asile où la mise en scène élégante et dramatique permet une finale majestueuse.

L’homosexualité de Nelligan n’est pas confirmée, ni dans les écrits officiels, ni dans l’opéra romantique – Frileusement peut-être dans cette adaptation théâtrale qui tente d’échapper à la question. Pas de femmes au sens romantique dans la vie du poète, mais un amour profond de l’écriture. Qu’importe la vérité. Ou peut-être pas, puisque l’orientation sexuelle peut souvent influencer la création. Le rejet, le secret, l’intime, la transgression sont autant de composantes qui permettent sans doute à faire vibrer l’imaginaire.

Dans sa version de chambre proposée aujourd’hui par le TNM, on éprouve, dans Nelligan, la délicatesse d’une caresse douce-amère qui ressemble à un acte délibéré de pure résistance intellectuelle. Même s’il faut, pour cela, donner sa vie, sans guère de regrets.

L’œuvre de Tremblay est une réflexion sur l’univers de l’intimiste, particulièrement sur l’indicible dans l’art de la création. Comme le montre adroitement la mise en scène de Normand Chouinard, plus rien n’existe entre le réel et le côté abstrait de la création. Un simple pupitre, des feuilles de papier et une plume pour exprimer le désarroi, l’impulsion d’écrire, rendre compte d’une vision du monde, penser le poétique comme exutoire au vide de l’existence.

De par son jeu, Dominique Côté, brillant autant dans le chant que dans son jeu, confirme jusqu’à quel point l’aède en question appartient à un monde à part, un espace entre le terrestre et le spirituel, un lieu où les frontières ne sont point lisibles; au contraire, quelque chose qui appartient au privé, à ce que l’on ne montre à personne. Exister dans son propre monde.

Kathleen Fortin, Dominique Côté et Frayne McCarthy (Crédit photo : Yves Renaud)

Kathleen Fortin (Émilie Hudon, mère de Nelligan) est simplement formidable. Bourgeoise digne, mère aimante, cachant sa tristesse, mais en fusion avec cet instinct maternel qui ne peut être brisé. La comédienne possède une présence ahurissante. La distribution, dans l’ensemble, se démarque par cette prise en possession de l’époque évoquée, comme si on assistait à un film. D’ailleurs, il est permis de constater jusqu’à quel point Denis Chouinard évoque un certain cinéma de Visconti. Dans certains détails, autant dans le jeu que dans le choix des accessoires, les ressemblances sont frappantes. Digne mention pour l’ensemble des musiciennes

Dans sa version de chambre proposée aujourd’hui par le TNM, on éprouve, dans Nelligan, la délicatesse d’une caresse douce-amère qui ressemble à un acte délibéré de pure résistance intellectuelle. Même s’il faut, pour cela, donner sa vie, sans guère de regrets.

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Livret
Michel Tremblay

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Musique
André Gagnon

Arrangements musicaux
Anthony Rosankovic

Direction musicale
Esther Gonthier

Mise en scène
Normand Chouinard

Assistance à la mise en scène
Geneviève Lagacé

Décors
Jean Bard

Costumes
Suzanne Harel

Éclairages
Claude Accolas

Distribution
Marc Hervieux, Dominique Côté
Nadine Brière, Kathleen Fortin
Noëlla Huet, Laetitia Isambert
Jérémie L’Espérance, Jean Maheux
Frayne McCarthy, Cécile Muhire
Jean-François Poulin, Isabeau Proulx Lemire
Linda Sorgini, Léa Weibrenner Lebeau
Musiciennes
Carla Antoun, Rosalie Asselin
Esther Gonthier, Marie-Eve Scarforne

Production
Théâtre du Nouveau Monde

Durée
2 h 30 m
[ Incl. 1 entracte ]

Représentations @
TNM
Jusqu’au 16 février 2020

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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