Broken Spectre
@ Centre PHI
ÉVÈNEMENT
[ Installation ]
Regards du photographe Richard Mosse sur les changements de paradigme en Amazonie.
CRITIQUE
Luc Chaput
★★★ ½
Eldorado
dévasté
Des conquistadors s’enfonçant dans la jungle à la recherche d’une cité dorée, des planteurs devenant richissimes par la récolte du caoutchouc naturel, le cinéma a présenté de multiples fois cette Amazonie dont l’image scientifique s’est depuis beaucoup modifiée dans cette époque de crises climatiques devenant un poumon de la terre fourmillant d’une biodiversité incroyable.
Le photographe irlandais Richard Mosse, déjà reconnu pour ses installations (The Enclave, 2013), s’est rendu avec une équipe réduite à plusieurs reprises au Brésil et en Équateur pour documenter les changements rapides qui s’opèrent dans ce vaste territoire transfrontalier par l’exploitation plus industrielle et même débridée des ressources. Broken Spectre, présenté au Centre Phi sur quatre canaux totalisant vingt mètres, est une immersion visuelle et auditive dans cet univers vulnérable.
Des plans pris de drones ou en hélicoptères et utilisant la pellicule Kodak Aerochrome transforment les forêts ou les arbres isolés dans des rouges, des roses ou d’autres teintes qui rendent patent le gouffre entre cette verdure polychrome et les espaces voisins dénudés à la suite de brûlis. Le noir et blanc très contrasté se retrouve dans les passages au ras du sol, de cavaliers rassemblant des troupes de zébus, de chercheurs d‘or usant du mercure et de bûcherons trucidant des grands arbres. L’éloquente cinématographie de Trevor Tweeten nous enveloppe, trouvant le détail significatif avant de prendre un pas de recul qui permet des associations qu’il crée par son montage avec les flots d’images venant des autres écrans. La bande-son du compositeur Ben Frost triture les cris d’animaux, amplifie les bruits des arbres qui tombent plaçant tout d’un coup un silence qui devient alors assourdissant.
Installation vidéo sur un Eldorado dévasté et presque au point de rupture qui devrait permettre à plusieurs, peut-on l’espérer, de mieux comprendre certains effets de la mondialisation sur notre planète bleue.
Cette vidéo de soixante-douze minutes trouve son point culminant dans la longue diatribe d’Adneia, une Yanomani implorant l’aide des autorités contre les incursions criminelles dans son territoire ancestral1. Installation vidéo sur un Eldorado dévasté et presque au point de rupture qui devrait permettre à plusieurs, peut-on l’espérer, de mieux comprendre certains effets de la mondialisation sur notre planète bleue.
1 Des individus de ces populations autochtones sont également auteurs de vidéos disponibles sur Internet entre autres grâce à l’organisation de Vincent Carelli : Video nas Aldeias (Vidéos dans les villages).
Jusqu’au 3 juillet 2024