Une fête d’enfants
@ TNM

CRITIQUE
[ Scène ]
Élie Castiel

★★★ ½

Un

imaginable

saut dans

le vide

 

Une possible cassure.
Crédit : Yves Renaud

Le tout nouveau texte de Michel Marc Bouchard, comme d’habitude, est empreint de touches subtiles et du coup, emportées, quasi vicieuses, presque hors de l’espace-temps, si bien qu’il se déploie dans un réel raconté. Récit plus apte à la lecture qu’à la transposition scénique. Après tout, il s’agit d’une fête d’enfants qu’on ne verra jamais ; elle sera illustrée par bribes de confessions de part et d’autre.

Ce qui constitue la mise en scène, n’ayons pas peur de le dire, miraculeuse, de Florent Siaud, qui sauve quasiment les meubles. La scénographie de Romain Fabre où domine le gris-blanc ou quelque chose comme ça participe de ce jeu entre la divulgation du beau et son incarnation presque virtuelle.

Jeu de rôles entre la forme et le fond qui se propage dans une mise en scène, encore une fois, animée par l’esprit de la création. Tout d’abord, une série de trois monologues, l’un après l’autre, celui de Claire, suivi de ceux de David et de Nicolas, chacun son tour. Et pour faire « scène », quelques champs/contrechamps.

Que disent-t’ils dans leur(s) confession(s) à demi-teintes, du coup parsemée(s) du récit d’un couple homoparental en difficulté à cause d’un incident (indécent) dans, justement, cette fête d’anniversaire d’enfants ?

La rumeur vient d’un personnage qu’on ne verra jamais, ancien amant de l’un d’eux, jaloux, bien sûr, revanchard. Thème classique. David est toujours sur le vif dans son homosexualité assumée, celle du cruising sans doute et des opportunités qu’on ne peut pas refuser. Nicolas vit une homosexualité hétéronormative où les deux orientations sexuelles se juxtaposent avec difficulté.

Un trio quasi infernal.
Crédit : Yves Renaud

Et si du coup, semble dire Bouchard, l’homoparentalité devenait, comme par instinct, homonormative ? Un terme de plus dans la dynamique actuelle des rapports de genre.

À l’heure où se rédige ce texte, Trump dirige de nouveau l’État voisin et parmi les décrets signés, il ne considère que deux entités définies, l’Homme et la Femme ; rien dans le chapitre de l’orientation sexuelle – il y a quand même cela de gagné.

Sur ce point, la proposition de Bouchard (nous sommes chanceux de vivre ici, ne nous plaignons pas) ne serait pas donc valide chez notre proche limitrophe. Mais tout ça est une autre histoire.

Comment comprendre ce texte, en apparence, d’une simplicité complice, et pourtant semée d’embûches intellectuelles ? Nous comprendrons tout cela par le biais du décor où ces immenses panneaux brutalistes s’abaissent, disparaissent, changent de place et se muent dans les personnages comme s’il les prenaient en leur possession.

Une fête d’enfants et, jusqu’ici, la pièce la plus ambiguë de Michel Marc Bouchard ; nul doute qu’il est tout à fait prêt à assumer la controverse, ne retenant que cette force qui ne cesse de l’habiter, celle de la création.

Ensemble, avec Florent Siaud et un groupe de comédiens et d’une comédienne impeccables, l’auteur éclectique nous donne envie de faire un saut dans le vide dans le domaine de ce qu’on pourrait étiqueté comme nouveau théâtre expérimental.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
texte
Michel Marc Bouchard
mise en scène
Florent Siaud
assistance à la mise en scène
Adèle Saint-Amand

distribution
François Arnaud
Sylvie Drapeau
Iannicko N’Doua

décor Romain Fabre
costumes Julie Charland
éclairages Nicolas Descôteaux
musique Vincent Legault

Crédit
Jean-François Gratton

Durée
1 h 15 min
[ Sans entracte ]

Public (suggéré)
Déconseillé aux moins de 13 ans

diffusion & billets @
TNM
Jusqu’au 08 février 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★
Bon. ★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]