Oscars 2025
Courts métrages II

ÉVÈNEMENT
[ Animation ]

Luc Chaput

Croquis fouillés

d’aspects

de notre humanité

Tout d’abord, aucun film nord-américain ne fait partie cette année des cinq prétendants à cette statuette. Les habituels Disney et ONF sont remplacés entre autres par trois coproductions européennes présentées par le distributeur français Miyu.

Luc Chaput

Beurk ! (Yuck!)
Dans un village-camping estival français, des enfants jouent et, se promenant, observent les comportements des adultes et adolescents. La démonstration d’affection que constitue un baiser sur la bouche par un couple provoque l’onomatopée qui constitue le titre. L’animation en 2D est fraîche et lumineuse et les voix enfantines bien choisies rajoutent au plaisir de ce conte d’apprentissage. Loïc Espuche introduit une touche colorée spécifique pour amener cette découverte compliquée de l’autre. ★★★

Beautiful Men (Schöne Männer)
Trois frères néerlandophones se rendent à Istanbul pour un court séjour. Un imbroglio dans des réservations crée des tensions dans la fratrie. L’animation en volume place ses marionnettes bien individualisées par leur dégaine dans des quartiers semblables à celles de nombreuses villes. Le réalisateur belge Nicolas Keppens associe le temps d’une séquence la dense vapeur d’un hammam et le brouillard tenace de cette métropole maritime. Des morceaux de ce portrait doux-amer de cinquantenaires cherchant dans le tourisme médical une panacée à l’amélioration de leurs allures s’incrustent dans nos mémoires. ★★★ ½

In the Shadow of the Cypress (Dar saaye sarv)
Dans une palette privilégiant diverses teintes de brun et de beige, un homme âgé et sa fille adolescente vivent isolés sur une plage. Des accès de fureur perturbent le quotidien de ce capitaine de vaisseau frappé du stress post-traumatique. Des décharges électriques de migraines strient son visage et des courtes séquences dans le noir symbolisent son désarroi. L’échouage d’une baleine avec sa masse bleu foncé conduit la jeune femme à prendre de nombreuses initiatives qui balisent deux chenaux vers une conclusion nimbée d’un sacrifice assumé. Dans ce qui apparaît comme une suite quasi logique au long métrage La Sirène de Sepideh Farsi sur le siège d’Abadan pendant la guerre Iran-Irak, les deux cinéastes iraniens Hossein Molayemi et Shirin Sohani, par la beauté picturale de leurs dessins, amènent un prenant plaidoyer sans dialogues sur l’interrelation des êtres sur notre planète bleue. ★★★★

Magic Candies
Un survol de la mégalopole et capitale du Japon nous conduit dans un parc dans lequel un garçon joue seul aux billes. Dans un petit commerce vicinal, le propriétaire lui signale que le sac qu’il veut acheter contient des bonbons magiques. Intrigué, l’enfant à la bouille ronde sympathique se les procure et entend les pensées de choses et d’êtres vivant dans son appartement. L’adaptation luxuriante en images de synthèse du livre pour enfants du Coréen Heena Baek par le cinéaste Daisuke Nishio introduit des morceaux de caractères typographiques virevoltant pour amener ce Dong-Dong à apprécier de mieux en mieux ce qui le relie à son petit univers et au temps qui passe. ★★★

Wander to Wonder
Utilisant un changement de cadres régulier pour marquer le passage du temps, la réalisatrice néerlandaise Nina Gantz mélange des prises de vue réelles avec acteurs et des animations en volume dans un décor surchargé pour rendre compte d’une émission britannique pour enfants des années 80 qui donne son titre à ce court. Le décès du concepteur et animateur entraîne des conséquences sur les trois personnages minuscules qui étaient ses complices et ses aides dans ce produit télévisuel tourné en vase clos. Cette immersion dérangeante à certains égards dans un petit fief frappé par la décrépitude a remporté récemment l’Annie de la branche Hollywood de l’ASIFA. ★★★★

 

AUSSI …
2 documentaires
en
prise de vue réelle

Incident
Par une journée ensoleillée, un piéton noir est abattu par la police à Chicago le 14 juillet 2018. Ayant colligé avec l’aide d’organismes de défenses des droits humains d’innombrables documents visuels et auditifs de plusieurs sortes, le réalisateur américain Bill Morrison, originaire de ce quartier et auteur du remarquable documentaire Dawson City: Frozen Time, présente une chronologie serrée de ces éléments à premier abord disparates venant d’appareils qui accumulent continuellement des instants de nos quotidiens. Le contexte légal et procédurier qui configure les interventions policières dans cet état américain est typographié à l’écran et inséré dans un montage sans narration ni musique et en écrans divisés de ces captations en plans larges ou plus serrés des dernières minutes de l’existence du barbier Harith Augustus et des réactions de l’appareil policier puis judiciaire devant ce qu’il faut appeler une bavure.
★★★★ ½

The Only Girl in the Orchestra
Une dame âgée quitte son appartement à Manhattan et prend sa retraite. Orin O’Brien est devenu en 1966 la première musicienne membre de plein droit de la Philharmonique de New York. Fille d’acteurs naguère célèbres George O’Brien (Sunrise) et Marguerite Churchill, elle a trouvé dans la contrebasse un instrument qu’elle a beaucoup pratiqué, joué et enseigné. Son sens de l’humour, son allant et son entregent sont mis de l’avant dans ce portrait tardif par sa nièce Molly O’Brien qui devient un monument nécessaire à ces artistes qui, dans un ensemble petit ou grand, apportent leurs contributions à l’harmonie du monde
. ★★★ ½