Alger
P R I M E U R
Sortie
Vendredi 18 avril 2025
Un commissaire de police d’Alger enquêtant sur l’enlèvement d’une petite fille accueille de mauvaise grâce la présence d’une psychiatre dans son équipe.
Le FILM
de la semaine
CRITIQUE
Élie Castiel
★★★★
Dans
la
ville
grise
Un film inusité pour le cinéma algérien, un polar, comme dans les cinémas occidentaux – et que certains cinéastes iraniens osent faire depuis quelque temps, et avec un certain succès d’estime, car en Iran, tous les films, du moins on le suppose, sont des films d’auteur, comme on dit dans la jargon, parmi les critiques.
Il fut un temps où le cinéma de ce pays d’Afrique du Nord était le plus important de la région – des noms come Mohammed Lakhdar-Hamina, Ahmed Rachedi, Mohamed Zinet, Assia Djebar, Mohammed Chouikh et d’autres qui osaient tourner dans un nouveau pays libéré et en devenir, s’envolaient, revenaient et repartaient sans laisser de traces. Les conséquences de l’Algérie durant les « années de plomb ».
Ainsi, comme dans les romans policiers de l’écrivain Yasmina Khadra et par le personnage central de la psychiatre, le scénario et la mise en scène dans Alger auscultent les effets de la guerre civile sur l’évolution actuelle de la société algérienne.
Chakib Taleb-Bendiab a décidé que le cinéma de son pays devait sortir de l’ombre pour finalement retrouver un public qui avait fui son cinéma vernaculaire. En occidentalisant intentionnellement la narration et l’esthétique de son film, il montre non pas une ville blanche comme on s’est souvent porté à le croire, il s’agit ici d’un lieu nocturne, sombre, loin de tout effet touristique.
Et pour cause. Une sordide enquête policière en plein coeur d’Alger. Des ruelles où l’on se perd et où les vices les plus inavoués ont probablement lieu dans la noirceur. Où les meurtres les plus violents semblent choses normales à perpétrer.

Procéder selon des codes universels.
Mais un corps de police où la corruption règne. Des enjeux que nous retrouvons régulièrement dans le genre « policier » des cinémas européens et américains. Pour Taleb-Bendiab, un premier long métrage de fiction après trois courts sujets. Un pari qu’il faut absolument gagner.
Alger, un mot simplement, le nom de la ville, emblème d’un pays aux multiples bouleversements sociaux et politiques – il suffit de suivre les nouvelles de dernière heure entre ce qui se passe entre la France et l’Algérie actuellement – mais bon, cela est une autre histoire.
Dans Alger, le film, une sensibilité à fleur de peau, des personnages qui s’inscrivent dans le grand livre des interprètes du monde, car ils sont tous formidables. Ils s’expriment en arabe algérien, bien entendu, mais une langue musicale à l’humour particulier et ‘direct’, entrecoupé de mots ou phrases en français, comme si les années de colonisation française n’avaient rien à voir avec la langue. Une prise de position que semble affectionner le cinéaste, particulièrement à travers le personnage de la psychiatre (magnifique Meriem Medjkane), protagoniste très occidentalisée dans un lieu du monde où l’arabisation et le mode de vie est pluriel, pris entre l’Orient et l’Occident, comme c’est le cas d’ailleurs en Tunisie et encore plus au Maroc.
Et la fin, presque fantomatique, nocturne, montrant ce qui s’est vraiment passé (nous restons subjugués), nous fait penser à tous ces interprètes impressionnants qui rehaussent le film de sa déjà considérable singularité.
Taleb-Bendiab, serait-il ethnographe de son propre pays ? Faiseur d’images aussi fortes que révélatrices, quelqu’un qui voit le cinéma comme une sorte de mise en relief du rapport au temps, à l’espace et au monde qui nous entoure. Un cinéma qui doit se voir sur Grand Écran, pour comprendre sa complexité, mais surtout et avant tout pour le découvrir et tenter de le saisir pleinement avec un public autour de nous. D’une certaine façon, pour un partage des sensations et des vertus des images, quelles que soient leur magnitude d’absolu.
Et Alger, c’est aussi un travail impressionnant d’écriture, structuré au millimètre près, chacune des phrases prononcées, chacun des mots placés susceptible de provoquer telle ou telle situation. Un film de genre qui marque indéniablement un tournant dans le cinéma algérien, comme s’il s’agissait d’une renaissance que nous lui souhaitons.
Et la fin, presque fantomatique, nocturne, montrant ce qui s’est vraiment passé (nous restons subjugués), nous fait penser à tous ces interprètes impressionnants qui rehaussent le film de sa déjà considérable singularité.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Chakib Taleb-Bendiab
Scénario : Chakib Taleb-Bendiab. Direction photo : Ikbal Arafa. Montage : Chakib Taleb-Bendiab, Fouad Benhammou. Musique : Chakib Taleb-Bendiab, Marielle De Rocca Serra.
Genre(s)
Drame policier
Origine(s)
Algérie / France
Canada / Tunisie
Année : 2024 – Durée : 1 h 33 min
Langue(s)
V.o. : arabe, français; s.-t.f.
196 mitr (196 mètres)
Aljazayir

Chakib Taleb-Bendiab
Dist. [ Contact ] @
K-Films Amérique
[ MAD Solutions ]
Diffusion @
Cinéma Beaubien
Cineplex
Classement
Visa GÉNÉRAL
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]