Compagnie Philippe Saire
@ Danse Danse (PdA)

CRITIQUE
[ Danse ]
Élie Castiel

 

★★★ ½

 

Hocus Pocus

La toile

d’araignée

Comme un rapport au monde.
Crédit : Phlipppe Weissbrodt

Un titre éloquent, Hocus Pocus, qui veut dire quelque chose comme magie et définit une trajectoire bien définie, un procédé de mise en situation qui relève de l’envoûtement et plus encore, de gravité. Notamment lorsque le décor, une sorte d’écran noir ou deux néons blancs, supérieur et inférieur, servent de toile théâtrale pour la mise en œuvre d’une gestuelle de la perte et de la restitution, celle-ci comme la nette conviction que l’Humain peut réhabiliter le deuil ou carrément sortir l’autre des ténèbres.

Si dans la première partie, les membres (jambes, bras, mains…) évoquent les photographies d’un Man Ray en plein délire, surréaliste, évoquant le corps dans chacune de ses parties, quitte à les faire apparaître comme des entités individuelles (puisqu’elles le sont) capables de toute expression sans les accessoires qui les unit, la suite, elle, enrichit le récit d’une, disons-le de nouveau, perte de totalité.

La pièce est présentée comme un spectacle « famille ». Mais à voir de plus près, chacun peut en tirer ses propres conclusions. Fraternité, amitié virile, bromance, romance entre deux êtres masculins pris entre ciel, terre et eaux ? Quelque chose d’irrationnellement rationnel dans le concept du Suisse Philippe Saire, né en Algérie, lieu qui a dû ancrer en lui une certaine influence dans le domaine de la sensualité. Elle est partout. Qu’ajouter d’autres, c’est une caractéristique maghrébine.

Parvenir à l’harmonie.
Crédit : Philippe Pache

Les corps se rapprochent, ont une peur inouïe de la séparation, convaincus que l’approche humaine est nécessaire au bon fonctionnement du monde. L’anatomie sépare l’âme de la charpente, mais par un certain détournement biologique sans doute, on assiste à la réunification de ces deux éléments comme pour mieux signifier l’expérience humaine.

Tout est ici au service des « retrouvailles », de cette envie d’échapper à la solitude.
Ce qui est magique dans Hocus Pocus, c’est bien ce désir de parvenir à une conquête de son statut sur Terre.

[ … ] les deux interprètes, parfaits, Philippe Chosson et Pep Garrigues sont costauds, virils, beaux, agiles, complètement conquis par une expérience qui les dépasse de loin, et c’est sans doute pour cette raison qu’ils se donnent entièrement.

Le concept scénique n’est pas vraiment approprié, mais « c’est fait exprès » comme on dit dans le langage courant. Il y a là, chez Philippe Saire, une force qui le pousse à manipuler intellectuellement le spectateur, conscient du bien-fondé de sa perception des choses. C’est un spectacle complexe, inusité, qui sort hors des sentiers battus, qui ne dure que le temps nécessaire à un retour à la normale.

Et les deux interprètes, parfaits, Philippe Chosson et Pep Garrigues sont costauds, virils, beaux, agiles, complètement conquis par une expérience qui les dépasse de loin, et c’est sans doute pour cette raison qu’ils se donnent entièrement.

Le monde, comme une toile d’araignée géante, d’où il faut constamment se soustraire.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Concept & chorégraphie
Philippe Saire
Chorégraphie en collaboration avec les danseurs
Philippe Chosson, Mickaël Henrotay-Delaunay.
Danseurs
Philippe Chosson, Pep Garrigues

Réalisation dispositif : Léo Piccirelli.
Création sonore : Stéphane Vecchione

Direction technique : Cristobal Rossier
Régisseur à la tournée : Louis Riondel
Construction : Cédric Berthoud
Musique : Peer Gynt, d’Edvard Grieg

Durée
55 min
(sans entracte)
Diffusion & Billets @
Place des Arts
(Cinquième Salle)
Jusqu’au 26 avril 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]