« Go, Habs, Go ! » ne passe pas Go

TRIBUNE
LIBRE
Montréal, le 4 mai 2025

Sylvio Le Blanc

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le texte polémique de Sébastien Riquier intitulé Go Habs Go !, c’est du québécois ! et paru dans Le Devoir du 26 avril[1]. L’auteur s’est en outre montré généreux à l’endroit des lecteurs en écrivant de nombreux commentaires dans ledevoir.com.

L’un desdits commentaires a particulièrement attiré mon attention : « En doublage, l’art est de capturer l’essence de la langue des personnages, et cela passe souvent par l’usage d’expressions contemporaines, parfois, forcément, anglo-saxonnes. »[2]

À l’instar du doubleur d’ici, M. Riquier aurait probablement préféré le « Go »[3] québécois dans le film La Série Divergence : Allégeance à l’« Allez »[4] français dans le même film autrement titré, de même que le « dompée »[5] québécois dans L’espion qui m’a dompée au « larguée »[6] français dans L’espion qui m’a larguée.

Aurait-il de même préféré le « Black »[7] et le « clean »[8] québécois au « Noir »[9] et au « touché à rien »[10] français dans Ted 2 ? Le « single »[11] québécois au « disque »[12] français dans Respect ? Le « job »[13] québécois au « boulot »[14] français dans Le père Noël doit mourir ? Le « badge »[15] québécois au « plaque »[16] français dans À armes égales ?

Que pense-t-il de « cheerleader »[17] – un terme anglais déconseillé par l’Office québécois de la langue française (OQLF) – dans Incroyable Irène ? De « nerd »[18] dans La note parfaite 3 ? De « comics »[19] dans Turbo Kid ? De « coming out »[20] dans Avec amour, Simon ? De « road trip »[21] dans L’espace qui nous sépare ? De « fan-club »[22] dans Le destin des dangereux ? De « playlist »[23] dans Effraction ? De « selfie »[24] dans La bagarre ? De « chewing-gum »[25] dans Le monde de demain ? Ce sont tous des termes anglais déconseillés par l’OQLF.

Que dire de plus ?

Aurait-il laissé passer les anglicismes « jack »[26] (pour « cric ») dans Un justicier dans la ville, « look »[27] (pour « allure », « style ») dans Détestable moi 3, « hashtag »[28] (pour « mot-clic ») dans Combat de profs, « hit »[29] (pour « succès », « tube ») dans Le Spa à remonter dans le temps 2, « minivan »[30] (pour « minifourgonnette ») dans L’Escadron suicide : La mission, « loser »[31] (pour « perdant ») dans La note parfaite 2, « scanner »[32] (pour « numériser ») dans Paul Blart, flic du Mail 2, « streaming »[33] (pour « diffusion continue ») dans Mon espion, « coach »[34] (pour « accompagnateur », « entraîneur ») dans 10 Secondes de liberté ?

Aurait-il rejeté « boomer »[35] (Le bébé boss : Une affaire de famille), « buzz »[36] (Appel sous tension), « My God »[37] (17 ans, sérieusement ?), « hipster »[38] (Jexi), « Thanksgiving »[39] (Amis et ennemis), « poodle »[40] (Le bienfaiteur), « business »[41] (La galerie des cœurs brisés), « has been »[42] (Il était une fois à… Hollywood) et « band »[43] (Larguées) ?

Je pense personnellement que pour améliorer le français au Québec il faut suivre les recommandations de l’OQLF, où travaillent des spécialistes de la langue et à qui les Québécois et leur gouvernement devraient faire confiance. Or, les doubleurs québécois ne suivent pas les recommandations de l’OQLF. Ils répondent bêtement aux besoins de leurs « clients » qui veulent que leurs films soient vus par un maximum de Québécois. Et le gouvernement encourage cette politique suicidaire en subventionnant systématiquement tous les doublages, peu importe leur qualité.

Pour finir, de plus en plus de Québécois se font une joie de boycotter les produits américains. Et s’ils boycottaient aussi les mots « amaricains » qui contaminent notre langue ? Allez, les Québécois, faisons comme les Islandais[44] !

NOTES DE RÉFÉRENCE[1] https://www.ledevoir.com/opinion/idees/872143/go-habs-go-c-est-quebecois

  1. [2] Idem. Section « Commentaires ».
  2. [3] Pour les références, voir mon documentaire sur YouTube Le doublage québécois a redoublé : https://youtu.be/oRFylxE4Kyo. Localisation : 0:52.
  3. [4] Localisation : 0:53.
  4. [5] Localisation : 0:38.
  5. [6] Localisation : 0:43.
  6. [7] Localisation : 3:19.
  7. [8] Localisation : 3:28.
  8. [9] Localisation : 3:14.
  9. [10] Localisation : 3:25.
  10. [11] Localisation : 3:36.
  11. [12] Localisation : 3:32.
  12. [13] Localisation : 3:43.
  13. [14] Localisation : 3:39.
  14. [15] Localisation : 3:52.
  15. [16] Localisation : 3:47.
  16. [17] Localisation : 2:08.
  17. [18] Localisation : 2:13.
  18. [19] Localisation : 2:16.
  19. [20] Localisation : 2:20.
  20. [21] Localisation : 2:22.
  21. [22] Localisation : 2:25.
  22. [23] Localisation : 2:27.
  23. [24] Localisation : 2:29.
  24. [25] Localisation : 2:31.
  25. [26] Localisation : 1:38.
  26. [27] Localisation : 1:49.
  27. [28] Localisation : 1:52.
  28. [29] Localisation : 1:54.
  29. [30] Localisation : 1:56.
  30. [31] Localisation : 1:59.
  31. [32] Localisation : 2:01.
  32. [33] Localisation : 2:03.
  33. [34] Localisation : 2:05.
  34. [35] Localisation : 2:34.
  35. [36] Localisation : 2:38.
  36. [37] Localisation : 0:38.
  37. [38] Localisation : 1:01.
  38. [39] Localisation : 1:05.
  39. [40] Localisation : 1:07.
  40. [41] Localisation : 1:10.
  41. [42] Localisation : 1:11.
  42. [43] Localisation : 1:14.
  43. [44] https://www.ledevoir.com/opinion/lettres/290618/lettres-les-vikings-de-la-langue