Othello
@ TNM

 

La tragédie

d’un

homme ridicule

CRITIQUE
[ Scène ]

Élie Castiel

★★★ ½

Réparer les erreurs.
Crédit : Stéphane Bourgeois

Parfois on se demande pour qui on rédige des critiques, pour le public, les artistes… en fin de compte, pour soi-même ? Toujours est-il que mis à part les médias influents, rares sont les fois que nous avons des échos sur nos écrits. Effectivement les années 90, et la très première partie du XXIe siècle sont révolues. Sauf dans de très rares exceptions.

Pour quelle raison ce prologue ? Une idée comme ça, dont on ne traite jamais, et qui pourtant perdure depuis longtemps même si on est persuadé qu’elle se perpétuera pendant sûrement longtemps. Parfois, la plupart des critiques, sauf les institutionnalisés, sommes pris par ce démon qui occupe nos pensées.

Alors nous revenons à notre avis sur ce que nous avons vu ce soir de Première médiatique de la dernière pièce de la saison 2024-2025 du TNM – salle emblématique qui, soit dit en passant, a fait d’énormes changements dans son hall d’entrée. Encourageant.

Othello, le guerrier, l’Africain dans une Italie conquérante d’autres territoires, comme l’île de Chypre, l’amant, le mari secret (pas pour longtemps) de la douce et tendre Desdemona. Et puis la jalousie incontrôlée de Iago, qui n’a pas été nommé lieutenant, à la place de Cassio, et les autres intempéries d’ordre affectif.

Au beau milieu de ce brouhaha de rapports humains intenses, fiévreux, où l’hypocrisie (rien de nouveau chez l’Humain) et l’irrévérencieux dominent, des jeux de pouvoir, d’amours déçues, de désirs convoités, d’une humanité qui se décortique jusqu’à en perdre ses attributs les plus humanistes, comme la spiritualité, l’âme, la foi, et pas nécessairement religieuse (quoique à l’époque !).

Il y a aussi l’amour filial, vraiment sincères, l’amour matrimonial, du moment où tout va bien, ils sont intenses, mais dès que ça se complique, la jalousie masculine, disons même machiste, prend le dessus. Il faut souligner aussi la « femme », source à l’époque de toutes les inégalités – il sera d’ailleurs très souvent question « qu’elle doit constamment obéissance » à son mari. Pour les wokistes d’aujourd’hui, impensable, mais on le répète souvent, il faut se mettre dans l’esprit d’un autre temps de notre Histoire commune.

Au nom de la jalousie.
Crédit : Stéphane Bourgeois

L’adaptation de Jean Marc Dalpé s’accorde au décor imposant d’Amélie Trépanier, mais non pour le moins accueillant une certaine sensibilité – à mon humble avis, un des plus réussis de la saison, entre la tragédie antique et un soupçon d’intemporalité – mais que vient néanmoins modifier la présence inopportunes d’artistes circassiens, acrobates de surcroît, changeant presque radicalement l’esprit de l’ambiance, très bien tenue, du début.

Comme d’une intervention radicale qui expliquerait le contraste entre l’équilibre des artistes circassiens et le déséquilibre des rapports humains, plus bas sur Terre.

Comme dans la tragédie grecque dont la très grande majorité de mises en scène sont d’une simplicité inouïe, les drames, les comédies ou les tragédies de Shakespeare sont le plus souvent émises ce code traditionnel. Ces interventions, hors-pièce ne font qu’alourdir le propos, fort probablement ajoutant sensiblement à la durée du spectacle et n’apportant rien de nouveau à l’œuvre en question.

Dans l’ensemble, une harmonie de groupe, dont on retiendra haut la main la perfidie abyssale d’un Iago magnifique en la personne de Lyndz Dantiste, épatant, à qui on donnerait, malgré tout, le Bon Dieu sans confession.

Mais nous sommes prêts à oublier puisque cet Othello est interprété par un Rodley Pitt qui semble jouer avec son métier, comme si chaque parole prononcée, chaque geste véhiculé allait lui être fatal. Rien de cela, son visage passe par toutes les émotions et à la première rangée de la salle, nous sommes les témoins d’un jeu enlevant, avec ces multiples contradictions et ses hasards de nuances.

Une dignité à toute épreuve.
Crédit : Stéphane Bourgeois

Pour le rôle de Desdemona (ou Desdémone, si vous êtes traversé par l’esprit chauvin de la langue française, à laquelle nous dédions une franche tendresse), on retrouve Ariane Bellavance-Fafard, bonne tenue corporelle, interventions à travers l’espace dramatique structurées, mais un timbre de voix très haut placé, parfois sujet à quelques rares mots pas bien saisis.

Dans l’ensemble, une harmonie de groupe, dont on retiendra haut la main la perfidie abyssale d’un Iago magnifique en la personne de Lyndz Dantiste, épatant, à qui on donnerait, malgré tout, le Bon Dieu sans confession.

Une première mise en scène de Didier Lucien risquée de par son sujet, courageuse malgré quelques interrogations, et surtout soulignant l’apport indéfectible de la diversité, dont il reste encore beaucoup de travail à faire et en finir avec un certain protectionnisme qui ne mène à rien.

Fin de saison qui annonce une nouvelle programmation aussi éclatante que diversifiée. Les temps changent.

Crédit : Jean-François Gratton

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Shakespeare
Adaptation
Jean Marc Dalpé

Mise en scène
Didier Lucien

Assistance à mise en scène
Pascale D’Haese

 

Interprètes
Ariane Bellavance-Fafard, Thomas Boudreault-Côté
Jean-Marc Dalpé, Lyndz Dantiste
Norman Helms, Éric Leblanc
Valérie Le Maire, Myriam Lenfensty,
Melissa Merlo, Rodley Pitt, Steven Potvin

 

Décor Amélie Trépanier
Costumes Jacinthe Perreault
Éclairages Jean-François Labbé
Concept sonore Evan Brown
Costumes Cynthia St-Gelais
Musique &
Environnement sonore
Alain Lucien

Production
Théâtre du Trident
Théâtre du Nouveau Monde
Durée
2 h 15 min
[ Sans entracte ]
Public
Tout public
Diffusion & Billets @
TNM
Jusqu’au 31 mai 2025

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]