Cannes 2025
« I »
ÉVÈNEMENT
[ Cinéma ]
Élie Castiel
Sur la
Semaine
et la
Quinzaine
À défaut de se faire Cannes en présentiel (coûts du transport, d’hébergement et surtout de malbouffe), nous avons reçu des liens d’attachées de presse bienveillantes œuvrant pour des distributeurs et/ou maisons de production. Nous espérons que cette collaboration continuera pour les années à venir. En tout et pour tout, nous n’avons eu droit qu’à huit longs métrages répartis en trois sections, voir les deux premières en titre d’article, disposant de quatre titres, et quatre autres dans la section Un Certain Regard, dont il sera question dans un prochain article.
Force est de souligner qu’il ne s’agit pas de critiques en bonne et due forme, mais de réflexions sur la place des films vus dans un évènement comme Cannes. Nous suivrons l’ordre alphabétique, par titre de films.
A Useful Ghost / Pee Chai Dai Ka (Thaïlande / France / Singapour / Allemagne 2025 – Ratchapoom Boonbunchachoke)
Le Thaïlandais Boonbunchachoke aurait-il suivi les traces de son compatriote, un certain Apichatpong Weerasethakul, son aîné, de qui il prend des influences esthétiques comme l’irréel qui s’immisce dans le vécu, et peut-être même une certaine distanciation entre les personnages et le récit, lui aussi subordonné au codes de la modernité. En fait, ce nouveau maître à penser du nouveau cinéma thaï vire plus du côté d’une post-modernité qui réfléchit encore sur la façon d’allier les images en mouvement avec ce qui se passe tant du côté culturel, toutes disciplines confondues, que social ou encore politique. À l’ultra-esthète Weerasethakul, suit un Boonbunchachoke plus aéré, soutenant par-là même une idée sur le cinéma qui pourrait plaire à un plus grand nombre, sans pour cela pervertir son intellectualisme enivrant. Il est beau de voir que ce cinéaste prend un soin particulier à observer les mœurs vernaculaires de ses concitoyens, qu’il présente, selon les classes sociales bien définies, comme des prédateurs ou des dépossédés. ★★★★

A Useful Ghost
Des preuves d’amour (France 2025 – Alice Douard)
Un autre premier long métrage merveilleusement abouti. Céline attend l’arrivée de son premier enfant. Dans trois mois, c’est Nadia, sa femme, qui donnera naissance à leur fille. Sous le regard de ses amis, de sa mère, et aux yeux de la loi, elle cherche sa place et surtout sa légitimité dans une France encore sous le joug du conservatisme, malgré les apparence. Pour Douard, un premier long métrage né, comme on dit, sur la bonne étoile, puisque programmé à Cannes, encore et toujours l’évènement cinématographique annuel par excellence, même si… Un couple lesbien, comme tous les autres couples quelle que soit l’orientation sexuelle. Quelques remarques parfois sexistes de la part des ami(es) ou connaissances hétéros. C’est dans l’ordre des choses malgré tous les acquis. Sur ce point, sans toutefois tracer à gros traits, la jeune réalisatrice fait état du statut actuel dans l’Hexagone de la situation de la communauté LGBTQ, à l’interne comme à l’externe. L’une veut, l’autre pas (ou n’est pas vraiment certaine) d’enfant. On ne vous tiendra pas au courant de ce qui se passera. Il y a assez de critiques qui en font mention, des rabat-joie comme il en arrive dans le meilleur des mondes possibles. Un couple de comédiennes triées sur le volet, comme si la proposition de la cinéaste leur tenait à cœur. Le couple au féminin, en tout, dépasse celui masculin de plus en plus, pour la simple raison que trop écarté dans un proche passé et qui se redéfinissent, probablement dû au mouvement, né en Amérique #MeToo. Plus que s’extérioriser, il assume non pas sa différence, mais tout simplement son vécu. ★★★ ½

Des preuves d’amour
Planètes / Dandelion’s Odyssey (France / Belgique 2025 – Momoko Seto)
Un film sans dialogue de la Franco-Nippone Momoko Seto, dont le scénario est coécrit par Alain Layrac. Un travail d’écriture d’autant plus courageux qu’il s’agit de mettre en scène des pissenlits aquatiques, le quatuor Dendelion, Baraban, Léonto et Taraxa, « quatre akènes de pissenlit rescapés d’une succession d’explosions nucléaires qui détruisent la Terre ». À travers leurs aventures que célèbre merveilleusement bien la camé d’Élie Levé, on assiste en un peu plus de 70 minutes à des images somptueuses qui, en écran IMAX paraîtraient encore plus puissantes. Il est difficile parfois de suivre ce film, en quelque sorte d’aventures, entre ces créatures marines, en fin de compte se retrouvant dans une finale somptueuse que seules les images en mouvement peuvent créer, au contraire de la vraie vie terrestre. Dans un certain sens, un message socio-politique d’une profonde sagesse. ★★★ ½

Planètes
Quinzaine des cinéastes
Le regard indicible

Militantropos
Militantropos (France – Ukraine – Autriche 2025)
Ils se sont mis à trois, deux femmes, Yelizaveta SMITH et Alina Gorlova, et Simon Mozgovyi pour parler de l’Ukraine et de sa tragédie qui continue encore grâce aux efforts perfides d’un certain Poutine. La musique de Peter Kutin, la caméra de Viacheslav Tsvietkov, Khrystyna Lizogub et Denis Melnyk, sans oublier le montage signé par les cinéastes participent de cet effort particulier à rendre l’indicible exprimable en images. L’esthétique particulière se sent dès le début, d’où ces images en plans fixes qui ressemblent plus à des plans pris par des reporters de presse qui auraient toute la liberté du monde pour rapporter tout ce qui leur passe par l’esprit. Cette relation muette mais ô combien libératrice devient comme une exercice de combat qui rejoint les vraies forces dans les différents fronts. Car tout bien considéré, ce qui se passe en Ukraine, c’est une guerre non-annoncée, préméditée nul doute par une Russie nostalgique de l’ère soviétique et qui du coup, renvoit cette partie du monde, fébrile de joindre l’UE, dans un souhait, certes difficile à atteindre, mais face aussi à une Europe qui n’a aucune envie, malgré ses nobles intentions, de se diriger vers un troisième conflit mondial. En attendant, Militantropos, deux mots, « militaire » (pour guerre) et « antropos » (du grec, être humain » dans toute leur complexité, leur émoi, leurs paradoxes et plus que tout, le courage devant l’adversité et, soyons honnêtes, malheureusement presque la totale indifférence d’une partie du monde. ★★★★
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]