Mr. Gaga
SUCCINCTEMENT
Des entrevues, des reportages et des images de ses archives personnelles illustrent la contribution artistique et l’approche pédagogique du chorégraphe israélien de réputation mondiale, Ohad Naharin.
CRITIQUE.
[ Format Numérique ]
Texte.
Élie Castiel
★★★★
Tomer Heymann est un cinéaste sensible, affectueux, tourmenté, ce qui explique probablement le côté psycho analytique de ses films, mais aussi provocateur, dans le bon sens du terme, se voulant interventionniste sur tous les sujets qui le préoccupent. Dans I Shot My Love (voir ici), le journal filmé positionne le cinéaste face à son homosexualité, totalement assumée, voire même imposée à sa famille, parti pris d’autant plus bouleversant qu’il est accompagné d’Andreas Merck, son amant non-juif, d’origine allemande, et que ça se passe en Israël où, il est vrai, est un pays accueillant pour la communauté gaie depuis quelques années, mais seulement dans les grandes villes (Jérusalem, fort probablement exclue). Nous les avions rencontrés tous les deux à Montréal. Ce fut une expérience à la fois troublante et réconciliatrice avec la vie.
D’une esthétique exigeante
Avec Mr. Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin, Heymann est arrivé à un point de maturité tel que son ADN cinématographique, composé d’éléments formels et narratifs d’une profonde rigueur, se confondant avec celui d’un des plus célèbres chorégraphes de la danse moderne d’aujourd’hui : l’israélien Ohad Naharin. L’homme, le danseur, le chorégraphe et le conjoint – il est hétéro, a eu relation qui a fini tragiquement par la mort de son épouse, Mari Kajiwara, danseuse étoile au Alvin Ailey American Dance Theater de New York. Il a ensuite épousé Eri Nakamura, danseuse au Batsheva Dance Company, qu’il dirige depuis 1990. Ils ont une fille.
Pourquoi mentionner son hétérosexualité ? Justement parce que le discours de Naharin sur la fonction organique du mâle est empreinte de sages vérités qui puisent leurs sources dans l’observation du quotidien, dans les arcanes dramatiques du service militaire, dans tout ce qui unit le masculin à la société et à l’art. Et lorsqu’il s’agit de danse, le regard devient d’autant plus impartial.
Mr. Gaga est un film sur Ohad Naharin, mais aussi une méditation sur le cinéma et sur le réel, posant un questionnement affectueux et intelligent sur le regard. Entre Tomer Heymann et Ohad Naharin, une complicité tenace, une rigueur dans le mouvement, pour l’un celui du corps, pour l’autre celui de la caméra, mais tout compte fait, une aventure collective qui s’anime devant les spectateurs comme une offrande visuelle riche en mutations.
Cet aspect biographique se juxtapose avec un sens inné de la transition aux extraits chorégraphiques, non seulement montrés, mais expliqués par Naharin comme s’il s’agissait d’une classe de maître soigneusement orchestrée, définissant le corps et ses parties tel un archéologue aguerri de l’anatomie.
On le voit le plus souvent dans des répétitions. Affable et en même temps abrupt, il expose ce mélange binaire de sensibilité israélienne qui navigue constamment, conflits guerriers obligent, entre la séduction du collectif, l’engagement personnel, un certain cynisme de survie et finalement, un rapport au monde totalement réaliste, mais dans le même temps poétisé et aggravé.
Ses étudiants-danseurs se fâchent, décident de quitter et finissent par y retourner. Oharin le sait et c’est ainsi qu’il arrive à créer des chorégraphies hallucinantes, belles, fougueuses, révoltées, sexuelles et d’une humanité prise entre l’acharnement et l’abandon, entre la dévotion portée à la discipline et le choix de créer. Des images d’archives montrent la genèse d’un homme qui ne s’apprêtait pas à une carrière de danseur. Heymann, fidèle à sa rhétorique documentaire, se fait un plaisir immense lorsqu’il montre ces bouts de home movies (films amateur) qui, pour lui, représente une des pierres angulaires de sa formation.
Mr. Gaga est un film sur Ohad Naharin, mais aussi une méditation sur le cinéma et sur le réel, posant un questionnement affectueux et intelligent sur le regard. Entre Tomer Heymann et Ohad Naharin, une complicité tenace, une rigueur dans le mouvement, pour l’un celui du corps, pour l’autre celui de la caméra, mais tout compte fait, une aventure collective qui s’anime devant les spectateurs comme une offrande visuelle riche en mutations.
On soulignera l’incident produit au cours du 50e anniversaire de l’État d’Israël lors de la présentation d’un ballet et la digne, et responsable intervention politique du danseur à l’égard de son pays. Comme ce «Mouvement Gaga», qui fait fureur en Israël, réconciliant l’individu à la culture, à l’autre et à son propre corps. C’est là un autre engagement diplomatique de la part de Naharin. Israël, c’est aussi une partie de la population qui ne croit pas aux exigences insoutenables de son gouvernement, qui pense autrement. Il serait sage et juste de le prendre en compte. Malheureusement, de nos jours et de plus en plus, le discours amalgame, même chez certains membres de la soi-disant intelligentsia, situation intenable en Palestine menée par un gouvernement israélien irresponsable et la tentation fragile et ô combien vertigineuse, glissante et mal fondée de l’antisémitisme. Il existe dans la belle langue de Molière un mot magique : nuance.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Tomer Heymann
Genre(s)
Documentaire biographique
Origine(s)
Israël / Suède
Allemagne / Pays-Bas
Année : 2016 – Durée : 1 h 40
Langue(s)
V.o. : anglais, hébreu; s.-t.f. ou s.-t.a.
Mr. Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin
Mr. Gaga: A True Story of Love and Dance
Contact @
http://www.heymannfilms.com
Classement (suggéré)
Tous publics
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ÉTOILES FILANTES
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½ [ Entre-deux-cotes ]