Abraham Lincoln va au théâtre

CRITIQUE.
[ Scène ]

★★★ ½

 

Par les temps qui courent, une curiosité. Une énigme théâtrale. Intentionnellement déjanté. Énigmatique. Toutes narrations ou le manque de narration dans le désordre. Tous les excès sont permis. Une pièce dans tous ses états qui se permet mille et une variations. Déséquilibre.

Univers

distinctement

parallèles

texte
Élie CASTIEL

Larry Tremblay ou l’excès dans l’écriture. Une imagination sans bornes qui, le temps de cet essai expérimental, joue avec la forme, les codes de la mise en scène, les allusions à divers sujets (La bohème de Puccini, Laurel et Hardy, Al Pacino… et qui ou quoi d’autre).

Pour les uns, débile. Pour les autres, un coup de génie. Pour mettre un peu d’ordre dans tout cela, des comédiens survoltés, totalement convaincus par la proposition. Prêts à tout pour se laisser guider par l’imaginaire de Catherine Vidal, totalement absorbé par le texte de Tremblay.

Une question de contrôle.
Crédit : Yves Renaud

Une scénographie des plus brillantes (bien que pas innovante). Le miroir sur fond de scène renvoit aux spectateurs assis au balcon. Une véritable déconstruction de la célèbre « mise en abyme », cette fois-ci théâtrale. Entre le projet et l’auditoire, une complicité qui s’établit sans peine.

En 2008, à Espace Go, ils étaient trois comédiens. Dans la version-TNM, ils sont quatre. Luc Bourgeois (Laurel, le mince), Manly Soleymanlou (Hardy, le gros), Bruno Marcil (Lincoln) et une sorte d’alter ego de lui-même, mais rendu afro-canadien, Didier Lucien – un autre Abraham L. qui se bat contre vents et marées et, faut-il l’admettre, vole la vedette en peu de temps.

Un échange totalement déconstruit.
Crédit : Yves Renaud

Entre le comique vaudeville, la farce impudique, le mélodrame burlesque, cette entreprise de déconstruction se digère assez bien ou le contraire, selon votre tempérament. Pourtant, à chaque univers créé, sa propre logique.

Qui joue Marc Killman, le metteur en scène dans la pièce? Bruno Marcil (c’est certain) ou Didier Lucien (c’est évident). Ou les deux? – dans le programme de la soirée, il n’est pas indiqué. Tremblay désorganise notre logique et nous somme d’entrer dans son univers où les apparences sont trompeuses.

Et à quelle pièce assistait Abraham Lincoln le soir de son assassinat? : Our American Cousin, en français, Lord Dundreary : Notre cousin d’Amérique, de Tom Taylor.

Pour ne pas répéter le cliché : une pièce exigeante. Mais au-delà de cet adjectif, sans doute aussi qu’une métaphore politique, un regard sur la vacuité des institutions, des valeurs sociales et des projets individuels.

Une impressionnante maturité dans la proposition, mais sciemment bercée par le jeu du risque, à la fois casse-gueule et pourtant si créatif si on ose s’y aventurer.

ÉQUIPE DE CRÉATION
Texte
Larry Tremblay

Mise en scène
Catherine Vidal

Assistance à la mise en scène
Alexandra Sutto

Interprète(s)
Luc bourgeois (Laurel)
Mani Soleymanlou (Hardy)

Bruno Marcil (Abraham Lincoln)
Didier Lucien (autre Abraham Lincoln)

Décor
Geneviève Lizotte

Costumes
Julie Charland

Éclairages
Étienne Boucher
Vidéo
Thomas Payette (Mirari Studio)

Durée
1 h 50 min

[ Sans entracte ]

 

Diffusion & Billets
@ TNM

Jusqu’au 08 avril 2023

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]