Ainadamar
CRITIQUE.
[ Opéra ]
★★★★
texte
Élie CASTIEL
Entre
réalisme sobre
et
lyrisme percutant
Marguerita Xirgu, une des actrices préférées de Federico Garcia Lorca, une muse spirituelle qui inspire son écriture, sa pensée, sa façon de voir le monde. Quelque temps avant le déclenchement de la guerre civile espagnole, en 1936, elle s’exile en Amérique Latine.
Aujourd’hui, le compositeur argentin Osvaldo Golijov (de mère roumaine et de père ukrainien) s’est-il inspiré de ses racines étrangères pour mettre en musique un opéra sur les liens intellectuels entre la comédienne et l’écrivain? Ou peut-être bien que poussé par la force d’écriture de David Henry Hwang. Une question de convergence.
Toujours est-il que musicalement, Aidanamar (tiré de l’arabe : la fontaine des larmes), la première incursion-opéra de Golijov se démarque par cet amalgame de sonorités classiques et de pièces flamenco (musique et chants). Quelque chose inscrit dans l’ADN national d’un pays qui, malgré les quelques dissensions dans l’idéologie politique (même au sein d’une même famille), conserve inconsciemment des élans culturels communs, notamment en termes d’héritage musicale.
Œuvre hybride que Aidanamar, évoquant parfois le riche passé arabo-andalou d’une Espagne plurielle où les trois religions monothéistes s’assemblent et se ressemblent dans leur cause commune : la conviviensa.
Ce n’est peut-être pas trop évident dans l’œuvre en question, mais à force de réfléchir à ses origines (comme c’est le cas de l’auteur de ces lignes), ces particularités ne peuvent s’empêcher de transparaître.
Le chœur, totalement féminin, renvoit à deux aspects bien précis : celui important des femmes dans la guerre civile (on doit se rappeler de la célèbre Pasionaria) et en quelque sorte, l’homosexualité (à peine effleurée ici) de Lorca, une particularité qui lui permet accès à la créativité et en même temps, malgré le danger, le pousse à demeurer en Espagne – n’avait-il pas une prédilection pour les Gitans? Entre désir caché et danger imminent, le poète préfère le risque.
La mise en scène de Brian Staufenbiel, entre celle bien codée de l’opéra traditionnel et la zarzuela ne cesse de se chevaucher au cours de ses 80 minutes que dure le spectacle. Chant, zapateado et musiques hybrides se conjuguent au même temps, s’incrustent aux personnages et donnent à cette finale, d’une force dramatique inégalée, puissante, toute la culture d’une Espagne, certes catholique, mais libérée malgré tout du dogme fondamentaliste.
Le chœur, totalement féminin, renvoit à deux aspects bien précis : celui important des femmes dans la guerre civile (on doit se rappeler de la célèbre Pasionaria) et en quelque sorte, l’homosexualité (à peine effleurée ici) de Lorca…
En somme, la durée est importante dans Aidanamar. Son court trajet renvoit à son propre sujet : pouvait-t-on vraiment s’étendre largement sur une idée, une pensée, quelque chose qui traverse notre esprit, comme ça? C’est ce qui a sans doute prédisposé David Henry Hwang a composer le libretto d’une œuvre, dans un sens, figée dans le temps.
Voyez bien ce qu’il se passe aujourd’hui dans la planète.
FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
AIDANAMAR
Compositeur
Osvaldo Golijov
Livret
David Henry Hwang
Cheffe d’orchestre
Nicole Paiement
[ Orchestre symphonique de Montréal
& Chœur de l’Opéra de Montréal ]
Mise en scène
Brian Staufenbiel
Distribution
Emily Dorn (Margarita Xirgu)
Luigi Schifano (Federico Garcia Lorca)
Alfredo Tejada (Ramón Ruiz Alonso)
Alain Coulombe (José Tripaldi)
Jaime Sandoval (Torero)
Geoffrey Schellenberg (Maestro)
Décors
Brian Staufenbiel
Pierre Massoud
Costumes
Dominique Guindon
Éclairages
Claude Accolas
Vidéo
David Murakami
Chorégraphie
Rocio Vadillo
Production
Opéra de Montréal
Durée
1 h 20 min
[ Sans entracte ]
Diffusion @
Place des Arts
[ Théâtre Maisonneuve ]
Représentations
Jusqu’au 26 mars 2023
19 h 30
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen.★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]