Annette
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 06 août 2021
SUCCINCTEMENT.
Le couple formé de Ann et Henry accueille la naissance d’un premier enfant, Annette, une fillette qui va bouleverser leur vie.
| LE FILM
de la semaine.
| CRITIQUE.
★★★★
texte
Élie Castiel
Le film surprend, étonne, hante, désoriente et dans le même temps agace. Des sentiments contraires qui font le cinéma de Leos Carax ; à 60 piges, il demeure fidèle à une tradition qui a forgé son œuvre, éclectique puisque ses goûts visuels et narratifs sont multiples, homogènes dans leur continuité ou mieux vaut dire, la quête d’une cohésion ou encore assiduité qu’il s’est construite depuis 1984 avec le sidéral Boy Meets Girl.
Presque quatre décennies d’une carrière longue d’à peine six longs métrages, incluant le film d’ouverture au récent Festival de Cannes, Annette, gagnant du prix de Meilleur réalisateur. Comme d’autres cinéastes de sa génération et de sa stature, Carax résiste au temps, c’est-à-dire à l’âge qui ne semble pas avancer, maintenant non pas une jeunesse éternelle, mais plus encore une sensibilité et une intelligence de l’esprit qui, elles, ne se comptabilisent pas.
Et soudain, un genre auquel on ne l’associe pas, la comédie (ou drame) musicale, empreinte d’accents de nostalgie, certes, sauf que ces tonalités mélancoliques sont déconstruites au profit d’une idée, d’un concept précis, même si écorché, poursuivi par d’étranges fantômes cinématographiques auxquels il ne peut échapper, comme s’ils le poursuivaient en lui rappelant que son cinéma et une suite de petits et grands chefs-d’œuvre qui ne racontent pas le temps, mais composent « le tout » d’une vie.
Reflets insolites
dans un œil percutant
Ann et Henry s’aiment. Elle est soprano, bien talentueuse. Il est humoriste, comme nombreux aujourd’hui, un syndrome culturel qui se manifeste de plus en plus, comme si écorcher les mœurs, les us et coutumes, bref, la société était devenue une sorte de remède à nos maux. Un couple donc mal assorti, ou pour être, pour être gentil, imparfait. Ils auront une petite fille, plus proche du Pinocchio en bois, version « nez régulier » qui, inlassablement, contre toute attente… Ann et Henry ou la perfection utopique d’un couple imparfait.
Une histoire triste en chansons et en danses (ce n’est quand même pas Les parapluies de Cherbourg), en amour, ruptures, désaccords élémentaires. Mais aussi en quelque chose qui a à voir avec la direction d’acteurs, avec la relation qu’ils entretiennent avec le réalisateur et par rapport à eux-mêmes.
Marion Cotillard qui existe pour la caméra et face ou contre Adam Driver (bientôt dans le très attendu House of Gucci, de Ridley Scott), surprenante, dédiée à un art qui la situe dans des sphères que peu partagent. Et Driver, gravant les échelons de son métier en accumulant une série de petits et grands miracles qui ne s’expliquent guère car ils font partie de quelque chosé d’inné, qu’on a ou pas.
Bien entendu, comme il se doit, une mise en scène féroce, bien que calme, sereine, malgré une triste histoire d’amour. Le chœur n’est pas grec, mais composé de fragments identitaires multiples (diversités dans l’âge et le sexe des protagonistes – adultes, enfants, noirs, blancs, autres…), un rapport aux temps actuels qui ont cédé, heureusement, aux revendications sociales.
Carax aime la déchéance des cœurs, de l’âme et du corps physique comme il aime leurs contraires. Peut-on tuer ce que l’on aime ? Au nom de quoi ? De qui ? Et s’il s’agissait en fin de compte de son « cinéma », multitude de reflets inusités dans un œil incisif.
Pour les filmer, c’est aussi accepter des voix imparfaites (sauf pour le rôle de Cotillard), c’est également accepter le compromis entre la perfection et l’improvisé, quoique contrôlé. À Cannes, Annette n’a pas séduit tout le monde (bien entendu, on parle des critiques), divisant la Croisette en clans distincts. Mais ça arrive de temps en temps.
Peu importe les préjugés ou encore les encensements prodigués au film ; une chose est certaine : Leos Carax poursuit un chemin, parfois de traverse, pour souligner une œuvre accomplie. De film en film, et Annette n’est pas exempt, ses références narratives, visuelles et poétiquement désinvoltes demeurent intactes, même si parfois voilées. Carax aime la déchéance des cœurs, de l’âme et du corps physique comme il aime leurs contraires. Peut-on tuer ce que l’on aime ? Au nom de quoi ? De qui ? Et s’il s’agissait en fin de compte de son « cinéma », multitude de reflets inusités dans un œil incisif.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Leos Carax
Scénario
Russel Mael
D’après une idée
de Russel Mael et Ron Mael
Direction photo
Caroline Champetier
Montage
Nelly Quettier
Musique
Ron Mael
Russell Mael
Genre(s)
Drame musical
Origine(s)
France / Mexique
États-Unis / Suisse
Belgique / Japon
Allemagne
Année : 2021 – Durée : 2 h 20 min
Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.
Annette
Dist. [ Contact ] @
MK2 | Mile End
Classement
Pour tous
En salle(s) @
Cinéma du Parc
Cinéma Moderne
[ Avis : Horaire irrégulier ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]