Antisémitismes
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 10 décembre 2021
SUCCINCTEMENT.
Édouard Drumont, Wilhelm Marr, Adolf Hitler, Robert Faurisson. De tout temps, les théories raciales ont été utilisées pour attaquer les Juifs. Cet exposé raconte l’histoire de ce que l’on appelle aujourd’hui les antisémitismes.
CRITIQUE.
★★★★
texte
Élie Castiel
La force du film, son véritable élan, réside dans son parcours, le rapport étroit, solidaire et tout autant raisonné qu’il entretient avec le discours intellectuel, non pas celui teinté du jargon académique parfois versant dans des contours métaphoriques et abscons, mais au contraire, des mots engagés, réfléchis, s’en tenant à l’Histoire de l’antisémitisme, en toute humilité, sincérité, refusant toute approche exhaustive, mais octroyant suffisamment d’arguments pour alimenter la discussion.
Alimenter, verbe faible s’il en est un ; le message (quel vilain mot par les temps qui courent) est de se construire une image nette et précise de ce « mal de tous les siècles ». La mise en scène d’Ilan Ziv, loin de prêcher en faveur d’une quelconque idéologie mal venue, demeure le témoin privilégié et de la mise à exécution d’une recherche approfondie (documents d’archives magnifiquement choisies, visite au Musée de l’Holocauste de États-Unis…). Et d’avoir recours aux propos de brillants historiens, sociologues, historiens de l’art, penseurs éloquents.
Elles et ils ont pour noms Daphné Horvilleur (essayiste et femme-rabbin), David Nirenberg, partageant le même métier d’historien de l’art avec Danièle Sansy ; un homme parmi les autres, comme Daniel Knoll, fils de la victime Mireille Knoll, assassinée atrocement par Yacine Mihoub et Alex Carrimbacus, qui en 2021, font appel suite à leur emprisonnement. Le cynisme jusqu’à son paroxysme le plus effrayant.
Quelles sont les racines de l’Antisémitisme ? Le Moyen-Âge est pointé du doigt comme le début de ce que j’appelerais non pas une forme de racisme, mais de « maladie mentale obsessionnelle ».
Si Ziv se concentre davantage sur le XXe siècle et notre nouvelle ère, c’est sans aucun doute pour éviter les pièges parfois tendus de l’Histoire, se voulant plus proche de ce que nous vivons aujourd’hui. Mais plus que tout, Antisémitismes est une pure leçon de morale, déontologique, pour que la mémoire persiste et que le phénomène se taise une fois pour toutes. Illusions perdues. Un titre porté au pluriel puisque ses formes sont multiples, complexes, déconcertantes et qu’elles se manifestent aux moments les plus inopportuns.
Sûrement, comme il le faut, le film couvre abondamment le conflit israélo-palestinien, tout en se rapportant à Theodore Herzl, idéateur d’un foyer pour les Juifs (les raisons sont évidentes) en observant de près l’antisémitisme européen, entre le discours religieux et les présomptions économiques et de dégradations culturelles propres à chaque pays.
Selon le grand sociologue Michel Wieviorka, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la question juive n’est ni dans le discours social ou politique. Indifférences. Il poursuit que c’est dans les années 70 et 80, après la Guerre des Six Jours que la gauche, autrefois pro-Israël engage son discours à la défense de la cause palestinienne.
Et c’est peut-être l’essayiste Daphné Horvilleur qui tient le propos le plus lucide pour expliquer avec une clairvoyance fulgurante la thèse antisémite, une sorte de rapport que le simple citoyen tient avec l’altérité. Cet autre qui nous ressemble, mais qui est autre. Une perspective déréglée du rapport que certains communs des mortels se partagent parfois en toute innocence.
Ziv ne condamne pas. Au contraire, Israël change, ses victoires ou quasi-exploits (comme la Guerre du Kippour) situent alors le pays dans un engagement effréné vers la colonisation de masse. Coupables ? Victimes ? Les liens qui autrefois unissaient (plus ou moins) Musulmans et Juifs dans les pays arabes sont ébranlés. L’antisémitisme croit par la force des choses un peu partout à travers le monde. Les intervenants feront état du rapprochement ou plutôt de la fine ligne de démarcation entre antisionisme et antisémitisme. Deux termes sujets à grands débats. À chacun sa perception. Mais ce qui est clair, c’est que l’État, ces dernières décennies, n’est pas le seul à promulguer l’antisémitisme, mais que le phénomène se répand dans la sphère sociale.
Un bémol sans trop d’importance : la judicieuse musique de « notre » Robert Marcel Lepage, trop omniprésente.
On entend le discours de Philippe Oriol (historien), Denis Charbit (politologue) et d’autres voix négationnistes d’un récent passé, comme celle d’un certain Édouard Drumont et ses nombreux disciples. Et c’est peut-être l’essayiste Daphné Horvilleur qui tient le propos le plus lucide pour expliquer avec une clairvoyance fulgurante la thèse antisémite, une sorte de rapport que le simple citoyen tient avec l’altérité. Cet autre qui nous ressemble, mais qui est autre. Une perspective déréglée du rapport que certains communs des mortels se partagent parfois en toute innocence.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Ilan Ziv
Idée originale
Ilan Ziv
Direction photo
Joe Barron, Laurent Chalet
Jérôme Colin, Julien Dubois
Cédric Dupire, Yoram Millo
Olivier Raffet
Montage
Joseph Bohbot
Jeremiah Hayes
Musique
Robert Marcel Lepage
Genre(s)
Documentaire social
Origine(s)
France / Canada
Israël
Année : 2020 – Durée : 2 h
Langue(s)
V.o. : français, anglais; s.-t.a.
Antisemitism
Dist. [ Contact ]
Filmoption International
Classement
Visa GÉNÉRAL
Diffusion @
Dollar Cinéma
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