Apatrides
P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 20 août 2021
SUCCINCTEMENT.
En République dominicaine, depuis 2013, la citoyenneté de quelque 200 000 Dominicains d’ascendance haïtienne a été révoquée par décision de la cour constitutionnelle, créant ainsi un peuple apatride.
| Le Film
de la semaine.
| CRITIQUE.
★★★★
texte
Élie Castiel
Sans lieu ni loi
Présents dans un territoire précis, mais sans être dans leur plénitude, pourtant nés là et en principe, intégrés, assumant leur identité nationale sans reconnaissance aucune des insulaires, parlant la langue de la majorité; dans ce cas, l’espagnol, comme on le parle un peu à Cuba, territoire pas si éloigné. Un film-choc, notamment dû à son propos : le racisme. Rien de neuf dans la planète-cinéma, mais entre les mains de Michèle Stephenson, un cri de cœur, une thèse à défendre, non pas démonstrative, mais baignée par l’émotion que peuvent procurer des images conceptuelles, celle que peut créer le cinéma, par les paroles simples qui peuvent émaner d’un personnage-clé, des mots interventionnistes, éclairés, allant droit au but, ne reculant devant rien pour délégitimer l’injustice sociale et, par défaut, ou mieux dit, extension, la parole politique.
Québécoise, sherbrookoise, originaire de Haïti. Cinéaste engagée, moralement responsable. Lieu de tournage d’Apatrides : la République dominicaine avec, comme mission, de montrer dans sa délirante agonie puisque justement sourde, le racisme d’une grande partie de la population locale envers les Haïtiens, pourtant solidement citoyens, mais à quel prix?
Il n’est pas surprenant que le film ait reçu, en 2020, le Prix spécial du jury à Hot Docs, l’équivalent torontois des RIDM (Rencontres internationales du documentaire de Montréal). Récompense qui mérite d’être soulignée. Non seulement pour ce qu’elle représente, mais pour alerter, mette en contexte.
En 2013, les instances gouvernementales dominicaines décident de retirer la citoyenneté à toutes les personnes issues de parents haïtiens, les plaçant ainsi dans une situation d’apatrides, d’étrangers. Décision cruelle, déshumanisante, totalement absurde.
Et qui oblige une parenthèse. Ce qu’on note depuis l’avènement de la mondialisation, c’est bel et bien de constater la progression des racismes, des ultranationalismes, des différentes formes de xénophobie et d’outrages envers les diversités ethniques, culturelles, sexuelles sans compter, bien sûr, de nouvelles formes de misogynie. Même si au fond, tous ces ismes nocifs se perdent dans la nuit des temps.
Et puis le film de Stephenson. Somme toute, Apatrides, c’est surtout un regard posé sur le quotidien, sur les communs des mortels, sur une République dominicaine dominée par ses démons internes. En grande partie métisse, la population a toujours eu un grand mal, voire même insupportable, à accepter, à assumer, à tenir pour acquis la partie « noire » de sa physicalité; en des termes métaphysiques, de son ADN social et politique. Plus proche de nous, quelque chose qui rappelle les mouvements comme #Black Lives Matter, où la mouvance racialiste blanche de nos voisins du Sud a été, finalement, rattrapée par les médias sociaux, les voix autrefois éteintes, parfois, il faut l’admettre, avec des effets pervers car la révolte n’a pas d’école; elle se manifeste instinctivement.
Lorsque le cinéma procède par mouvement subtiles, qu’il s’agisse de déclarations, certes revendicatrices, mais tout autant conciliantes, force est de souligner que la thèse proposée arrive à rejoindre le moins incrédule des spectateurs.
Le film de Michèle Stephenson est conceptuelle. Jusqu’où peut-on se laisser séduire par ses parallèles d’images, des juxtapositions bien senties, des inserts frôlant le poétique, des images bien travaillées. Le brut est agressif. La vérité peut ressembler à des atteintes asphyxiantes à nos émotions. Lorsque le cinéma procède par mouvement subtiles, qu’il s’agisse de déclarations, certes revendicatrices, mais tout autant conciliantes, force est de souligner que la thèse proposée arrive à rejoindre le moins incrédule des spectateurs.
Incontournable, essentiel, actuel. Humaniste comme il le faut dans les temps présents.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Michèle Stephenson
Scénario
Michèle Stephenson
Direction photo
Conrad Louis Charles
Montage
Sophie Farkas Bolla
Musique
Ben Fox
Genre(s)
Documentaire
Origine(s)
Canada / États-Unis
République dominicaine
Année : 2020 – Durée : 1 h 36 min
Langue(s)
V.o. : espagnol; s.-t.f. ou s.-t.a.
Stateless
Apátrida
Dist. [ Contact ] @
ONF
Classement
Tous publics
En salle(s) @
Cinéma du Musée
Cinéma du Parc
ÉTOILES FILANTES
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½ [ Entre-deux-cotes ]