Arida Zona
Analyse iconologique de
Il était une fois dans l’Ouest
« Ce qui a été cru par tous,
et toujours et partout,
à toutes les chances d’être faux. »
Paul Valery, Tel Quel [1]
À propos de Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West), il n’est peut-être pas de question qui ait été débattue plus souvent que celle de l’authenticité. Mais celle-ci en sous-tend une autre, celle de la périodisation et la localisation diégétique, et il n’en est pas d’autre qui soit plus urgente à résoudre pour l’analyse iconologique, tant il est vrai que le contexte géo-historique du récit, mesure en quelque sorte le niveau d’authenticité documentaire du film. C’est à l’intérieur de la première séquence que nous retrouverons les principaux indices relatifs au contexte géo-historique d’Il était une fois dans l’Ouest, quoique ce débat déborde largement la séquence d’ouverture.
texte
Mario Patry
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Un moment de pause entre le réalisateur et sa muse.
Cette fameuse question de la localisation et de la périodisation diégétique a fourvoyé presqu’à l’unanimité (à peu près également) l’ensemble des critiques, des historiens et des théoriciens qui l’ont abordé. Seul, Franco Ferrini, (avec Christopher Frayling à sa suite) eut l’audace – avec le scénario original à l’appui – de soutenir avec assurance que l’action se déroule en Arizona[2], mais sans pousser plus loin l’analyse. Par exemple, ni l’un ni l’autre de ces auteurs imminents, ne semblent faire le lien entre localisation et périodisation. Pour ma part, j’ai pris un plaisir évident à élucider cette question en apparence « aride », bénéficiant ici de mon intérêt pour l’Histoire des États-Unis (sans être un spécialiste) et des faits de la culture matérielle. J’ai procédé pourtant simplement en recourant à des moyens d’investigation traditionnels qui sont inhérent à l’analyse filmique : c’est-à-dire, recension limitée aux accessoires « jouant » et identifiables, et localisation d’indices par arrêt sur l’image. De plus, j’étaye mon propos avec des assertions de Sergio Leone lui-même, afin de dissiper toute équivoque.
South by South West
« La fermeture de la frontière américaine fut, au XIXe siècle, l’ultime expression de l’expansion du monde occidental vers l’Ouest », nous disait André Delage dans son cours consacré à la naissance du monde médiéval en 1983 à l’Université Laval. À l’opposé de la geste coloniale espagnole et française, où la Conquête précéda la colonisation[3], dans l’Amérique anglo-saxonne, la colonisation (en un peuplement continu vers l’Ouest), précéda la Conquête, laquelle ne commença vraiment qu’au XIXe siècle à l’époque de la Révolution technique des transports (bateau à auges sur le Mississipi, chemins de fer, télégraphe morse, etc.). Et alors que le conquistador était avide d’or, le colon anglo-saxon était avide de terres à défricher.
Après avoir abordé le thème picaresque de la chasse aux trésors, dans Le bon, la brute et le truand (Il buono, il brutto, il cattivo) dans le contexte confus engendré par la guerre civile – le scénario se résume ici à un deus ex machina qui éloigne ou rapproche les personnages de leur butin selon un dosage savant – Leone aborde cette fois-ci de plein front un autre grand thème épique du western américain ; celui de la construction des transcontinentaux, assurant la liaison d’un grand pays. En adoptant le thème de la fermeture de la frontière devant l’expansion du réseau ferroviaire dans le contexte de l’essor du « capitalisme sauvage », Leone privilégie un thème cher à l’historiographie américaine (celle du gilded age[4]) plutôt que le mythe triomphaliste véhiculé par le western américain, celui de la conquête de l’Ouest par la voie ferrée
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Charles Bronson en avant-plan
Ce thème du recul de l’Ouest « à bout de souffle », primitif et sauvage devant la progression du capitalisme (tout aussi sauvage) apparaissait en filigrane dans Et pour quelques dollars de plus (Per qualque dollaro in più), ou le prophète (Joseph Egger) fustigeait les compagnies de chemin de fer pour avoir détruit son environnement immédiat et ruiné la carrière du colonel Douglas Mortimer, film à partir duquel Leone s’est soucié pour la première fois de s’assurer une base documentaire pour ses fables[5]. Car, malgré le caractère fabuleux et totalement fictif de Il était une fois dans l’Ouest [6] – Ignacio Ramonet parle de « simulacre »[7], le lectorat gagnera à se rappeler que, pour Leone, la fable est toujours soutenue par une base documentaire rigoureuse et solide.
Il s’en explique lui-même par une sorte de « syndrome du néo-réalisme »[8]. D’où le soin qu’il met lui-même à maculer de poussières les vêtements de ses acteurs[9]. Ce qui, dans ce cas précis, représente « l’envers de l’exaspération Hollywoodienne », du glamour, qui montrait des personnages toujours propres et rasés de près[10]. «D’abord, c’est un souci de réalisme. Si vous contemplez les photographies de cette époque, vous y verrez des individus dont l’apparence est bien pire que celle de mes personnages. Mais ce n’est pas un effet de style. C’est une volonté documentaire. Et elle m’est nécessaire pour bien raconter mes fables. Je dois partir de la réalité. (…) C’est ma conception. Elle découle sans doute de ma formation. J’ai débuté à l’époque du néo-réalisme. J’aime ce qui est vrai quand il y a aussi le filtre de l’imagination, du mythe, du mystère et de la poésie. Mais il faut qu’à la base tous les détails soient justes. Jamais inventés! Ainsi, les longs manteaux dans Il était une fois dans l’Ouest, ce sont les authentiques cache-poussières de l’époque »[11].
[12]Le réalisateur est lui-même convaincu que c’est justement ce côté documentaire qui fait le succès de ses fables et qu’il lui faut tout mêler afin que le public ne sache jamais où commence le clin d’œil et où finit la réalité. Après tout, n’y a-t-il pas une part documentaire dans toute fiction comme il y a toujours de la fiction dans un documentaire ? En tout cas, cette fois-ci, Sergio Leone disposa de tout le temps nécessaire pour s’appliquer à les confondre. « (…) j’avais mis deux ans à préparer Il était une fois dans l’Ouest. J’ai parcouru une grande quantité d’archives dans les bibliothèques américaines (…) Comme disait Howard Hawks, on ne peut fabriquer un bon western qu’avec de la vraie poussière et des acteurs qui savent réellement se battre et monter à cheval ! Ce n’est pas facile : le western est même la chose la plus difficile au monde ! Vous n’avez pas tellement d’éléments et de possibilités à votre disposition. Il faut les exploiter très bien mais c’est le genre où l’on a tellement fait et refait que créer des nuances d’originalité n’est pas une opération simpliste ! Pour Il était une fois dans l’Ouest, j’avais choisi les véritables archétypes du western américain (…). Je les avais placé dans un contexte épique, celui du premier boom économique qui allait faire disparaître la grande époque romantique de l’Ouest. Cette fois, également, mon film se situe à une époque déterminante de l’histoire américaine »[13].
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Jack Elam
Ainsi, puisque la diégèse du film est entièrement occupée par le thème de la mort de l’Ouest, on doit, en toute logique, s’attendre à ce que bon nombre de références s’y rattachent, dans la mesure où la base documentaire assurant le fonctionnement de la fiction, prend ici – si l’on en croit Leone – une dimension assez importante, sinon inattendue. Et comme on va le voir, la valeur de ce contexte dans Il était une fois dans l’Ouest, est nettement plus importante par sa fonction que par le détail de ses accessoires ou de ses décors[14].
Par exemple, l’indication de la fréquence plutôt que celle de l’horaire des trains est très significative, selon moi. Ce premier indice surgit dès le deuxième plan du film, à seulement six secondes du début de la projection, alors que la caméra recule avec une lenteur excessive, depuis un gros plan serré d’une ardoise noire jusqu’à cadrer le chef de gare (Antonio Palombi) – dont la main entre d’abord en amorce – en plan rapproché taille. L’ardoise porte l’en-tête suivant : DELAYS: TO FLAGSTONE/FROM FLAGSTONE, peinte en lettres blanches et dessous duquel les chiffres 4 h et 2 h sont tracés d’une écriture fine et ferme. Si l’on dit que Cattle Corner[15] (Leupp Corner) est situé à quatre heures de Flagstone (Flagstaff) pour l’aller, et seulement à deux heures pour le retour[16], on rend compte d’une réalité plus riche en faisant allusion aux soixante-quinze kilomètres qui les séparent[17]! Réalité plus riche parce qu’elle englobe tout d’un coup, toute une civilisation vécue ; elle signifie autant la vitesse des locomotives à vapeur fonctionnant au charbon et au bois d’une époque, que le moment où se déroule l’action – avant 1885, date de l’uniformisation des fuseaux horaires[18] – et désigne Flagstone comme terminus de la ligne du tronçon occidental de Santa Fe… En effet, un train passe à chaque quatre heures en direction de Flagstone, alors qu’il met seulement deux heures pour en revenir, soit le temps d’un aller et retour!
L’univers matériel de la « trilogie des dollars » était celui de la « reconstruction » ou de la guerre civile. Dans Il était une fois dans l’Ouest, Leone abandonne le Sud-Ouest de la frontière texane ou du Nouveau-Mexique pour le « Far-West » proprement dit, qui n’est rien d’autre qu’une ligne imaginaire marquant le progrès vers l’Ouest[19], la zone non encore colonisée du grand désert américain. Et dans la mesure où le thème de la fermeture de la frontière recouvre un thème historiographique, il me semble pertinent d’en préciser le cadre. L’action se déroule donc sur la frange de la colonisation de l’Ouest américain, où se confonds la civilisation et la sauvagerie.
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Claudia Cardinale
Le débat critique
Depuis la sortie de Il était une fois dans l’Ouest, de nombreux critiques, et parmi ceux-ci, Sylvie Pierre, dans un brillant article[20], ont salué le dernier western de Sergio Leone comme « un film dont le souci de précision historique est très grand ». Et ce fut une belle occasion pour beaucoup de s’engager dans un débat stérile sur la légitimité du western italien, genre allogène s’il en est un, d’emblée voué aux gémonies. Et malgré toutes ses précautions, Gilles Cèbe n’évita pas le piège à son tour. « Mais qu’on ne s’y trompe pas, nous prévient-il, souci de détail ne signifie pas pour autant souci d’authenticité. Le détail n’est là que pour donner le change, pour conforter le spectateur dans sa rêverie enfantine. Aussi le spécialiste aura-t-il beau jeu de remarquer que dans Il était une fois dans l’Ouest (dont l’action se situe au plus tard au début des années 1870), on utilise des colts 73 qui ne furent pas d’usage avant 1876 »[21].
L’auteur cite explicitement Christopher Frayling, ce que fit également Robert Cumbow. « À première vue, Il était une fois dans l’Ouest semble présenter une vision plus authentique de l’Ouest que celle plus fantaisiste de la trilogie des dollars. Bâtisses, costumes, conversations et relations des personnages semblent cette fois une réplique étudiée et soignée de la vie réelle de l’Ouest américain»[22].
Or, je soupçonne Gilles Cèbe et Frayling d’avoir consulté une source commune : « Notes sur l’authenticité» dans Image et son, nº 258[23]. Jacques Zimmer réunit dans son appartement de la banlieue parisienne, sept « fanatiques », « dingues » du western, qui ne badinent pas avec le genre américain par excellence. Parmi cette mystérieuse confrérie de collectionneurs, tous plus férus en balistique qu’en Histoire de l’art, Miller (c’est son pseudonyme) remarque avec assurance un léger anachronisme dans Il était une fois dans l’Ouest, qui l’a fort irrité. « (…) Ils ont fait la jonction en 1869, si j’ai bonne mémoire, or, tout le long du film, on les voit avec des colts 73 »[24].
La présence de ce fameux colt Walker 1873 dans Il était une fois dans l’Ouest fit sensation. D’usage civil et militaire, cette arme connut une diffusion massive et fut maintes fois copiée par les marchands de jouets, au point, où Gian Lhassa interpréta ce retour au « révolver clinquant et tape-à-l’œil, comme une façon de réaméricaniser (…) ce qui aurait dû, selon lui, garder ses vertus originales »[25]. Oui, Miller a certes bonne mémoire, mais Cèbe et Frayling n’ont peut-être pas fait preuve de discernement en se limitant à cette seule expertise. Dan, pour sa part, remarque avec plus de perspicacité et de clairvoyance que « c’est une construction de chemin de fer. Ce n’est pas la jonction avec le tire-fond en or (…) »[26]
Car voilà… Il n’y a pas eu qu’un seul transcontinental aux États-Unis durant la conquête de l’Ouest, mais il y en eu au moins cinq, et cela pour le seul XIXe siècle![27] Enfin, cette fixation sur l’authenticité a conduit Pamela Falkenberg à la limite du dérisoire lorsqu’elle constate avec candeur que Il était une fois dans l’Ouest est moins une reconstitution du passé que la représentation d’un genre[28], ce par quoi on ne peut s’empêcher de répondre qu’en paraphrasant Maxe Tessier à propos de Roma, le Fellini[29]. Il était une fois dans l’Ouest est l’histoire de la mort de l’Ouest vue à travers un ensemble de souvenirs cinéphiliques, de notations qui peuvent effleurer l’esprit à quiconque se propose une représentation de cette société (américaine) composite et contradictoire. À qui s’obstinerait à juger la valeur du film sur la qualité ou la justesse des détails, il faut opposer qu’il s’agit là d’une représentation. Et la multiplicité des intrigues secondaires, des gestes interrompus, des personnages apparemment inutiles qui tissent la trame de Il était une fois dans l’Ouest, prouvent à l’évidence que a) la représentation n’épuise pas le « réel » ; b) que la représentation, choisissant, grossissant, déformant, éclaire le « réel ».
Et elle compacte la troupe des critiques et des historiens du cinéma à souscrire sous ce préjugé. Il y a d’abord le très respectable American Film Institute qui offre la garantie de son autorité, pour situer l’action de Once upon a time in the West (très approximativement) dans l’Ouest au cours des années 1870[30]. Même Oreste De Fornari, le premier et très brillant historien du maître de l’aventure, n’a pas échappé complètement à ce piège : « Leone raconte aussi l’épopée du premier chemin de fer transcontinental »[31]. Comment l’en blâmer ; il n’a fait que reprendre l’opinion véhiculée par les critiques lors de la sortie du film[32]. Pour moi, cette méprise peut s’expliquer en partie par la foi aveugle dans la restriction de l’univers iconographique du cinéma commercial qui serait « fondé sur le réemploi d’un nombre peu considérable de sites, de paysages, de vues d’intérieur (…) »[33].
Ce préjugé commun me semble formulé inconsciemment par René Lucquiaud lorsqu’il écrit : « Et cette ligne de chemin de fer qui avance inexorablement, traverse par traverse, vers l’horizon du Pacifique, nous la connaissons bien ; c’est celle qui vit rouler les locomotives haletantes du Cheval de fer et du Pacific Express »[34]. La présentation que propose Ginette Charest lors de la programmation de Il était une fois dans l’Ouest dans le cadre d’un programme de nuit est encore plus éloquente. « Incroyable époque que celle des pionniers et des hors-la-loi, des pistoleros désinvoltes et des techniciens du Pacific Express (c’est moi qui souligne), contraints de forcer le passage armes à la main, en buttes aux attaques incessantes des indiens et des bandits de grands chemins »[35].
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Charles Bronson
Danny Peary, de son côté, se livre à un curieux calcul : « Il se pourrait que « l’Homme sans nom » et « l’Homme à l’harmonica » soit le même personnage, spécialement du fait que le nombre d’années que Charles Bronson a en plus que Clint Eastwood serait le nombre exact d’années écoulées entre la Guerre civile dans Le bon, la brute et le truand, du chemin de fer dans Il était une dans l’Ouest»[36].
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Henry Fonda
Même l’excellent Michel Ciment fit un rapprochement tout aussi futile et présomptueux : « Il est significatif que Leone ait choisi comme cadre de ses derniers films deux événements contemporains l’un de l’autre, l’échec d’un grand rêve et la réussite de l’autre »[37]. Ciment se fourvoie de deux manières. D’abord en rapprochant la Guerre Civile (1861-1865) qui servit de toile de fond au film Le bon, la brute et le truand, à la jonction de l’Union et du Central Pacific (1862-1869) dans laquelle il situe (implicitement) l’action d’Il était une fois dans l’Ouest, ensuite parce que la construction du chemin de fer n’a pas dans ce dernier film, une connotation de réussite puisqu’il signifie, au contraire, la mort d’un Ouest « à bout de souffle », comme nous allons le voir dans la seconde partie de cet article.
AVIS AUX LECTEURS
À l’occasion de la ressortie du chef d’œuvre du western européen, Il était une fois dans l’Ouest, 55 ans après le début de sa carrière parisienne, soit le 27 août 1969 , nous suggérons aux lecteurs mon article consacré à l’analyse iconologique de cette oeuvre maîtresse de Sergio Leone. Surtout qu’il s’agit ici de la version restaurée de la copie que Leone avait confié à son ami Martin Scorsese, qui possède une grande valeur documentaire et patrimoniale, puisqu’elle contient, entre autres attraits, les 12 plans supplémentaires du générique d’ouverture, la scène 46 avec le seul échange entre l’Homme à l’harmonica (Charles Bronson) et Morton (Gabriele Ferzetti), puis le générique final qui est plus long que celui de la version américaine. Et puis, la version cinéma est bien plus riche et bénéfique que celle du DVD ou Blu-ray, car Leone avait prévu un triple traitement de la pellicule 35 mm, avec des marrons et des ocres pour l’essentiel du film, un traitement sépia pour les scènes de la construction du chemin de fer, et enfin, surprise… pleines couleurs pour la séquence de la pendaison sous le campanile dans Monument Valley, ainsi que les flashs back ! Donc, la version film en salles vaut vraiment le déplacement. Et je souhaite vivement que la publication de cet article en deux parties encouragera un distributeur québécois ou canadien de présenter cette version restaurée dans la métropole du Québec également, pour le bénéfice de nos cinéphiles. À noter que le mixage est entièrement différent dans cette version italienne. Donc, en salles à partir du 12 février 2025, à Paris. Bon film à nos amis français!
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
- Paris, Gallimard, 1941, Collection Folio Essais, 17 mars 2006, p. 113.
- Pour Franco Ferrini, cette localisation est implicite lorsqu’il note que Cattle Corner est devenu ensuite Little Corner (il s’agit en fait de Leupp Corner),
Bianco e Nero, vol. 32, nº 9/10, p. 19. De son côté, Frayling note que «Monument Valley est à une heure de boghei de Flagstone (ou plutôt Flagstaff), Arizona (…)». In Spaghetti Westerns, Cowboys and Europeans: from Karl May to Sergio Leone, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1981, p. 189. « Le décor est L’Arizona, durant le boom ferroviaire (…) », Ibid., p. 198. ↑ - « Arciniegas, contradictions et unité de l’Amérique », cité par Pierre Chaunu dans Histoire de l’Amérique Latine, Paris, PUF, 1949, p. 22. ↑
- The Gilded Age désigne les décennies qui suivirent la Guerre de Sécession ; l’expression « âge doré » fut empruntée du roman de Marck Twain et Charles Dudley Warren, publié en 1873. C’est une épithète donnée par les intellectuels de l’époque pour définir le cynisme, la grossièreté de l’ère nouvelle, la corruption, le culte outrancier des valeurs matérielles qui accompagnent cette période. Un préjugé favorable aux industriels, entretenu par les théories économiques et sociales (laisser faire et l’évangile du Darwinisme social de Herbert Spencer) justifiait la libre concurrence et l’individualisme le plus brutal. Sur le plan culturel, c’est une période des plus stériles, frustres et vulgaires, caractérisées par le matérialisme outrancier et sordide. Le mauvais goût ne pouvait aller plus loin. On retrouve les mêmes excès dans le costume avec ses tournures, ses rembourrages et ses corsets. Sur le plan moral, le laxisme cohabitait avec la pudibonderie victorienne. CF : Carl N. Degler et al., Histoire des États-Unis : La pratique de la démocratie. 1973, Scott, traduit de l’anglais par Michel Deutsch, Paris, Economia, 1980, pp. 360-361 et 370. ↑
- Pour être plus juste, il faudrait dire que ce fut la première fois qu’il en eu les ressources. La faiblesse du budget de Pour une poignée de dollars ne lui permit pas de se rendre à la Western Costumes, Intervista a Sergio Leone, par Massimo Moscati, Western all’Italiana, Milan, Pan Editrice, septembre-octobre 1978, p. 51. ↑
- Dans les contes de fées, « Il était une fois… » place les éléments narrés hors de toute actualité et prévient toute assimilation réaliste. Irène Bussière, in Le récit fantastique, Paris, Larousse, 1974, p. 32, cité par Gilles Cèbe dans Écran 78, 15 décembre, nº 75, p. 40, note (26) et dans son livre sur Sergio Leone, Paris, Henri Veyrier, 1984. p. 77, note 106. ↑
- «Seules les apparences rappelaient les westerns américains : pour le reste, il s’agissait de pur « simulacre ». Ignacio Ramonet, Le chewing-gum des yeux, Paris, Éditions Alain Moreau, 1980, p. 112. Cf : Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, Paris, Éditions Galilée, Collection Débats, 236 pp. Du latin simulacrum, représentations figurées, statue. ↑
- Noël Simsolo, Conversations avec Sergio Leone, Paris, Stock, Collection Cinéma, 1987, p. 107. ↑
- Noël Simsolo, Zoom, nº 12, 1972, p. 111. ↑
- Ibid., p. 106. ↑
- Conversations avec Sergio Leone, op. cit ., pp. 92-93. ↑
- Ibid. p. 97. ↑
- Propos recueillis à Rome par Gérard Neves dans Ciné-Revue, vol. 12, nº 36, 2 septembre 1982, p. 14. ↑
- Vide Infra, Cf, le détail des billets de chemins de fer à la fin de la seconde partie de l’article, plan 103. ↑
- Ce toponyme fictif est inscrit en grosses lettres rouges sur le réservoir d’eau, au début de la seconde scène du film. ↑
- Cf. André Leroi-Gourhan in Le geste et la parole, la mémoire et les rythmes, Paris, Albin Michel, 1964, p. 142. ↑
- C’est un peu comme si l’on disait que Québec (port maritime) était au XVIIIe siècle, situé à quatre jours de Montréal (port fluvial). En faisant allusion à la fois au mode de transport utilisé pour les parcourir et au niveau du développement technico-économique d’une civilisation donnée – la locomotion hippomobile et la navigation à voile –, ainsi que la direction du parcours (en aval) puisque le trajet inverse (en amont) prenait deux semaines! ↑
- Avant cette date, il existait plus de 125 heures différentes sur le territoire américain! C’est justement la construction des transcontinentaux qui rendit nécessaire l’uniformisation des horaires à partir du méridien Greenwich. L’avènement du chemin de fer généralisa l’usage des montres et horloges, et marque donc la première intégration de vastes couches sociales à la rigidité du temps. ↑
- Cf. Mariane Debouzy, Le capitalisme sauvage aux États-Unis : 1860/1900, Paris, Seuil, 1972, p. 27, note 1. ↑
- Sylvie Pierre, « Clio Veille » in Les Cahiers du Cinéma, nº 218, mars 1970, p . 53. Il s’agit, selon moi, du meilleur article consacré à ce film de Leone dans les trois langues principales. ↑
- Gilles Cèbe, Sergio Leone, Paris, Henri Veyrier, 1984, p 64. ↑
- «(…) Empthasis on Details should not be confused with authenticity of details». Frayling. Op. cit. p. 171. Cité par Robert Cumbow, Once upon a time : The films of Sergio Leone, New Jersey, Metuchen, p. 63. ↑
- Image et son, nº 258, 1972, pp 8-9. ↑
- Ibid., p. 63. C’est moi qui traduis. ↑
- Pour une poignée de thèmes, dans la Collection « Seuls au monde dans le Western Italien », Mariembourg, Grand Angle, 1983, p. 89. ↑
- «Le tire-fond en or», La cérémonie commémorant la jonction ferroviaire, qui eut lieu le 10 mai 1969 (sic!) à Promontory Point, entre le Central Pacific et l’Union Pacific, (…)». Ibid., p. 10, note 1. Il faut lire bien entendu le 10 mai 1869… ↑
- Outre la première et la plus connue de ces jonctions que nous venons de citer, qui réunit Saint-Louis avec San Francisco, et qui fit l’objet de grandes reconstitutions hollywoodiennes – Iron Horse (Le cheval de fer) de John Ford, 1924, Central Pacific (Pacific express), DeMille, 1939, How the West Was Won (La Conquête de l’Ouest), Hathaway et al, 1962 ; il y eut aussi la Southern Pacific, qui réunit les villes de San Antonio et de Los Angeles en 1876; la Northern Pacific (Duluth et Puget Sond) en 1883 ; l’Atlantic & Pacific (Santa Fe et Los Angeles) en 1885 – qui nous concerne ici –, et enfin, la Greath Northern complétée en 1893! Ce développement fut si prodigieux (les 120 000 milles de 1882 représentaient plus de la moitié du réseau ferroviaire mondial) qu’on désigne aussi cette période de l’Histoire américaine par «l’âge du rail». ↑
- Pamela Falkenberg, Rewriting «Classic Hollywood Cinema» (…), The University of Iowa, décembre 1983, p. ? ↑
- Écran 72, nº 6, p. ? ↑
- « In the West during 1870’s (…) », American Institute : Catalog of Motion Pictures, FG Features Films 1961-1970, Bower, 1976, LF 34, pp. 797-798. ↑
- « Anche Leone raconta l’epopee della prima ferrovie transcontinentali », Oreste Di Fornari, Tutti, i film di Sergio Leone, Milan, Ubulibri, 1984, p. 75. ↑
- Fernando Di Giammatteo, in Bianco e Nero, vol. 30, nº 1-2, p. 214. ↑
- Pierre Sorlin, Sociologie du Cinéma, Paris, Aubier, 1977, p. 214. Voir aussi Leroi Gourhan, op. cit., p. 297. Mais Il était une fois dans l’Ouest, ce n’est pas du cinéma « commercial » mais populaire. ↑
- In Jeune Cinéma, nº 143, janvier 1970, p. 28. ↑
- Ginette Charest, in TV Hebdo, vol. 16, nº 35, édition québécoise du 27 mars au 2 avril 1976, p.15A. ↑
- Danny Peary, Cult movies, vol. 2., New York, Delta, 1981, réédité en 1989, p. 236. Article consacré à Il était une fois dans l’Ouest. ↑
- Michel Ciment, in Positif, nº 110, 1969, p. 60. ↑