Armageddon Time

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 04 novembre 2022

 

SUCCINCTEMENT.
L’histoire très personnelle du passage à l’âge adulte d’un garçon du Queens dans les années 80, de la force de la famille et de la quête générationnelle du rêve américain.

Le FILM
de la semaine.

Je

me

souviens

d’une

certaine

Amérique

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Au milieu des années 1980, le quartier de
Queens à New York est sous l’hégémonie
du promoteur immobilier Fred Trump,
père de Donald Trump, le futur président
des États-Unis. Un adolescent étudie au
lycée de Kew-Forest School dont le père
Trump siège au conseil d’administration
de l’école et dont Donald Trump est un
ancien élève.

Une Amérique bizarre, fabriqué au rythme de la décennie, insolite, interdite, où les fondements du racisme ordinaire sont exprimés, quoique subrepticement, même au cours de ces années 1980. Mais surtout portait intime, peinture sociale, rapport étroit entre un jeune adolescent et son grand-père (comme toujours, très solide Anthony Hopkins), partie très importante dans le film puisque fondatrice de ce rêve américain. Une fresque amoureuse de son époque, avec tous ses débordements, qui touche, justement par la distanciation que procure un James Gray atteint par son sujet.

Si la plupart des adhérents de la critique établie se sont mis d’accord pour encenser Ad Astra / Vers les étoiles (2019), la science-fiction esthétique de James Gray, peut-on retenir Little Odessa (1994), son brillant premier long métrage comme sa meilleure contribution, œuvre personnelle, mais surtout un portrait new-yorkais d’une certaine judaïcité peu montrée au cinéma. L’exil des Juifs de l’ex-URSS étant vue comme une sorte de « sortie d’Égypte » moderne sans les accents bibliques. À force d’habitude, ils ont apporté en terre d’Amérique cette distance envers les écueils hérités du communisme, mais teintés, pour certains, d’une tentative de reconversion à la religion de leurs ancêtres. Thème complexe que Gray reprend dans Armageddon Time, au titre quoique  belliqueux, mais ne fait-il pas (très indirectement) référence à l’ancien Testament, à la défaite de Josias, roi des Hébreux du royaume de Juda, vaincu et tué à Megiddo (en hébreu, Armageddon se dit « Ar’Mgiddo ») par le pharaon Nékao II? Mais ne nous perdons pas dans présomptions philosophiques.

Une famille comme les autres.

Il opte pourtant pour une vision pseudo-apocalyptique de l’antisémitisme dans la décennie 80 telle que vécue « passivement » par la famille Graff (alter ego des Gray) et une partie substantielle de la communauté juive de Queens, à New York. Mais dans le même temps, un portrait où les forces de l’hostilité ne les empêchent pas de progresser à l’intérieur des communautés de l’exil. L’antisémitisme est donc vu, à contrecourant, comme une seconde nature à laquelle il faut s’habituer, même si au cours des décennies qui vont suivre, et dû en très grande partie à l’émergence de l’État d’Israël depuis 1948, des groupes de résistance, quand même puissants, se forment un peu partout.

Dans cette école secondaire (lycée), la Kew-Forest School que fréquente Paul Graff (Banks Repeta conservant le sarcasme de sa génération, tout en bonifiant sa bonne conduite parfois détournée au sein de sa famille), surpasse l’hostilité de certains élèves envers leurs camarades juifs est plutôt vue comme un modèle d’éducation familiale. Idem pour ce qu’ils ressentent aussi pour Jonny Davis (excellent Jaylin Davis, quasiment volant la vedette), l’élève racisé de l’école.

Une camaraderie candide, sans préjugés.

Mais le plus important, sans qu’il le montre directement, James Gray, en changeant son prénom et nom d’adolescent dans le film, crée ce personnage qui va le conduire vers cette aventure cinématographique qui, de The Yards (Trahison) à aujourd’hui, en passant par The Immigrant (L’immigrante) et l’éclectique The Lost City of Z (La cité perdue de Z) constitue une des têtes pensantes des plus imposantes du cinéma américain contemporain.

Dans l’intimité du foyer, c’est là où tout se passe. Un mode de vie dénué de ces rituels conservés depuis la nuit des temps, un respect quand même envers ceux qui tiennent à les conserver, expliquant cet amour envers les aînés, fidèles à une certaine affinité juive dont le recours aux traditions sociales et familiales est le plus important, cette ode aussi à la rébellion, aux remises en question, à la lutte – bientôt Jimmy Carter terminera son mandat et sera remplacé par un acteur de série B, Ronald Reagan, qui oppose les membres de la famille Graff.

Le choix des couleurs, automnales, expriment cette nostalgie et sans doute mélancolie voulues, celle d’un monde qui va changer, disparaître et qui dirige la deuxième moitié du XXe siècle vers sa conclusion, avec tout ce qu’elle a produit jusqu’à présent, les doutes, la perte des valeurs, l’égocentrisme altier, les multiples turpitudes. Le directeur photo franco-iranien Darius Khondji filme avec acuité ces particularités chromatiques, inscrites également chez les personnages.

Un scénario où le dialogue tient une place importante, là où le senti peut blesser, où la pugnacité offre parfois des one-liners, ces bons mots vite dits qui veulent tout dire (ou rien).

Mais le plus important, sans qu’il le montre directement, James Gray, en changeant son prénom et nom d’adolescent dans le film, crée ce personnage qui va le conduire vers cette aventure cinématographique qui, de The Yards (Trahison) à aujourd’hui, en passant par The Immigrant (L’immigrante) et l’éclectique The Lost City of Z (La cité perdue de Z) constitue une des têtes pensantes des plus imposantes du cinéma américain contemporain.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
James Gray

Scénario
James Gray

Images
Darius Khondji

Montage
Scott Morris

Musique
Christopher Spelman

James Gray, cinéaste.
Parler de soi ouvertement.

Genre(s)
Drame

Origine(s)
États-Unis

Brésil

Année : 2022
Durée : 1 h 55 min

Langue(s)
V.o. : anglais / Version française

Le temps de l’Armageddon

Dist. [ Contact ] @
Universal Pictures

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cineplex

[ Salles VIP : Interdit aux moins de 18 ans ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]