Des sportives s’entrainent sur un terrain de foot dans des conditions difficiles en vue de la conquête d’un titre et d’une gloire peut-être éphémère. Les coréalisateurs vénézuéliens Edwin Corona Ramos, Jennifer Socorro et David Alonso suivent leur équipe nationale féminine U-17 (moins de 17 ans) en préparation de la coupe du monde féminine de la FIFA en Jordanie en 2016. La cinématographie de David Alonso alterne les plans de groupe, les visions d’ensemble de régions, villes, stades et quartiers pour illustrer le travail de groupe et individuel d’une équipe d’un pays où ce sport était il y a peu de temps réservé à la gent masculine.Suite
Il y a trois ans à peine, certains films sortis en 2017 : The Girl with All the Gifts, de Colm McCarthy, ou It Comes at Night, de Trey Edward Shults, ou encore l’éblouissant film de zombies signé par Colin Miniha, It Stains the Sands Red [ou Bloody Sand, 2016], ces films méritent bien d’être définis comme des films « d’anticipation ». Beaucoup de spectateurs les ont vus, mais nul de signale aujourd’hui la valeur prémonitoire des scénarii (étudiés par moi-même dans un ouvrage, Déconstruire au cinéma : chapitres « Une pandémie sacralisée », p. 51-86, et « L’ennemi qui nous désire », p. 87-102). Il est vrai que la leçon de ces films concerne aussi l’absence de distance critique, si répandue, à laquelle nous condamnent le ou les systèmes qui limitent notre liberté. Quoi qu’il en soit, il est surtout question dans ces films de pandémies, fatales à la vie sociale, et dont les responsables, ou simplement les agents-vecteurs, sont de jeunes enfants ; pas seulement dans les deux premiers films ; dans It Stains the Sand Red, le zombie érotisé partage maints traits communs avec le très jeune fils de l’héroïne.Suite
SUCCINCTEMENT Se sentant étranger dans son propre pays, Aris, un Grec, lutte pour sa survie en tant qu’individu et citoyen.
HORS-CHAMP
texte Élie Castiel
★★★½
Nous avons pensé le plus grand bien de Lines (Grammés), 2017, un essai vitriolique sur la tragédie d’un pays laissé à l’abandon et ne favorisant que les quelques nantis, des prototypes de dictateurs qui n’ont rien à cirer du peuple.
Même engagement dans Exile (Exoría), 2019, mais contrairement à Lines, avec une nette légèreté de ton qui, au fond, cache la tragédie (impossible de l’éviter dans la psyché des artistes grecs) du propos. Ici, Vassilis Mazomemos joue à cache-cache avec le spectateur, le conduisant dans des univers qui souvent frôlent le grand-guignolesque, le sérieux, le dramatique, l’incompréhensible, lui administrant parfois des doses d’humour camp que certains se plairont à savourer. L’homoérotisme est très présent. Une des scènes montre l’anti-héros (une sorte de « Guerrier spartiate » ou encore de Robinson Crusoé jules-vernien – on constatera que Verne admirait Daniel Defoe), nu, nous faisant dos. Sorte d’hommage aux statues grecques de la période hellénique que le comédien Stefanos Kakavoulis arbore avec le plus grand soin au détail.
Expatriation en la demeure
C’est d’ailleurs vers cet esprit de retour à une ère élégiaque que le cinéaste semble se diriger dans ce film sur l’exil physique et intérieur. Il y a d’ailleurs un parti pris totalement assumé dans la mise en scène. Éclairée, diurne (à l’opposé de Lines, grise, nocturne, sombre), menée sous un soleil de plomb ou de lieux internes où la lumière ne cache aucun élément, ne laissant rien au hasard. Pourrait-on parler de revendication de la part de Mazomenos? Revendication à sa propre Histoire, la réappropriation de l’Ancienne civilisation, un combat mené contre une contemporanéité politique plutôt désordonné – et peut-être, et je dis bien peut-être, à l’égard d’une orthodoxie chrétienne qui a tout changé au nom d’un monothéisme autocratique.
L’homoérotisme est très présent. Une des scènes montre l’anti-héros (une sorte de « Guerrier spartiate » ou encore de Robinson Crusoé jules-vernien – on constatera que Verne admirait Daniel Defoe), nu, nous faisant dos. Sorte d’hommage aux statues grecques de la période hellénique que le comédien Stefanos Kakavoulis arbore avec le plus grand soin au détail.
Si Lines était divisé en sept tableaux de durées approximativement égales, Exile suit le parcours d’un homme à travers les divers étapes de sa randonnée identitaire. La majeure partie du film est en anglais, avec des dialogues en arabe (farsi?) et quelques phrases en grec. Les nouveaux arrivants ont apporté leurs cultures et leurs coutumes (sans oublier leurs religions). Se sont-ils adaptés à une Grèce incapable d’assumer des réfugiés – crise économique oblige? Ce constat n’est pas très clair dans Exile, le cinéaste préférant s’en remettre à des idées vagues sur la question. Se veut-il rassurant, prudent ou n’ose simplement pas se lancer dans des diatribes?
Encore une fois, comme nous l’avions exprimé dans notre critique de Lines, Vassilis Mazomenos lutte de l’intérieur, mène un combat à plein poumon par le biais d’un cinéma hors-mainstream, là où la métaphore l’emporte sur le prêt-à-porter, quitte à déboussoler le spectateur, à l’indigner. D’où une intentionnelle et flagrante direction d’acteurs, laissés à eux-mêmes. L’improvisation est fréquente, comme s’il s’agissait d’un Happening théâtral mené par une équipe en délire. Délire de la scène (ici, des lieux), des possibilités qu’elle donne aux comédiens, transgression dans les mouvements, sexualité débridée (même si, sur ce point, d’autres cinématographies nationales vont quand même un peu plus loin) et plus que tout, une liberté aguerrie.
Belle collaboration entre une équipe artistique vachement inspirée : l’image de Fotis Nitsis occupe adéquatement la circonférence des espaces, même si le plan fixe domine et le dispositif de la caméra voyage peu ou pas du tout; le montage de Kostas Tataroglou permet à ce fourre-tout d’exprimer sa totale indépendance; quant à la direction artistique de Dimitra Panagiotopoulou, elle agence entre les tons pastel, le spectacle de foire et une nette prédilection pour l’absurde à la Ionesco. Les tonalités musicales de Mihalis Nivolianitis et d’Alexandros Christaras (idem dans Lines) procurent à l’ensemble une atmosphère de dépaysement, d’éloignement, voire même d’isolement.
Moins réussi que Lines, soyons honnêtes, mais tout aussi opportun.