Cannes 2025
« II »

ÉVÈNEMENT
Cinéma ]

Élie Castiel

 

Un Certain Regard

Autour de quatre films

 

Comme prévu, incursion dans le volet Un Certain Regard, des films audacieux, notamment sur le plan esthétique et narrativement innovateur. Des cinéastes qui pose un regard différent sur le monde.
En espérant que d’autres sections s’ajouteront l’an prochain.

Karavan

Caravan / Karavan (République tchèque / Slovaquie / Italie 2025) Zuzana Kirchnerová
Kirchnerová fait partie de ces cinéastes de l’intime, du vécu personnel, de cette génération de faiseurs d’images en mouvement, trentenaire ou début de la quarantaine qui ont un besoin urgent d’exposer leurs expériences de vie, ici, sorte d’exutoire à sa propre expérience de parent. Sans « s » puisque monoparentale. Pour elle, la nécessité d’échapper à un quotidien entouré de deux enfants, dont l’un handicapé. Comme dans le film, miroir d’une mise en abyme entre la mémoire et le réel filmé. L’initiative est autant déroutante que superlative sur le plan humain. Mais ce qu’on constate avec étonnement, c’est bel est bien que Caravan, titre évoquant le voyage errant à travers les lieux, n’est que le reflet surprenant et dans le même temps redoutable d’un nouveau rapport familial où le patriarcat n’a presque plus sa place dans un Occident en évolution. ★★★ ½

O Riso e a Faca

I Only Rest in the Storm / O Riso e a Faca (Portugal / France / Brésil / Roumanie 2025) Pedro Pinho
D’une part, on peut comprendre la coproduction avec le Portugal, ces pays ont toujours été porté vers ce lieu du monde où le cinéma est une activité purement intellectuelle. On n’a qu’à voir ce qu’il a produit à travers les ans. « Sergio voyage dans une métropole d’Afrique de l’Ouest ». Il est ingénieur environnemental. Jadis, pays colonisateur (il a même conquis une petite ville de la zone espagnole du Maroc, un petit endroit où j’ai vu le jour, d’où l’acquisition de quelques mots de cette langue lusitanienne – fin de l’anecdote). Aujourd’hui, si l’on se fie au regard de Pinho, qui a bien observer les maîtres modernistes de ce cinéma, continue leur œuvre en posant un regard critique, justement sur une nouvel espace colonialiste, celui-ci économique plus que territorial. La fiction, dans un long, très long métrage de près de quatre heures, contribue à adoucir le rythme, signifier ardemment le plan, inviter le plan-séquence lorsqu’il le faut, mais plus que tout, situer les personnages dans une sorte de distanciation qui les rend aussi évanescents que disponibles. Le film de Pinho est l’un de ces exemples cinématographique édifiants rares, qui s’imposent par eux-mêmes sans prêche ni sermon. Du cinéma d’une rareté éblouissante en raison principalement de son étrangeté. Il y a une sorte de désespoir et de fascination dans le personnage principal lorsqu’il doit faire face à son ambiguïté sexuelle. Comme si du coup, toutes les possibilités étaient permises. ★★★★ ½

L’inconnu de la grande arche

L’inconnu de la grande arche (France / Danemark ) Stéphane Demoustier
Au début des années 80, précisément en 1982, François Mitterrand lance un concours pour la construction d’un édifice dans l’axe du Louvre et de l’Arc de Triomphe. Par un concours de circonstances, c’est un certain Joan Otto von Spreckelsen qui finit par signer le contrat. Stéphane Demoustier, qui nous avait épaté en 2019 avec La fille au bracelet, signe un quatrième long métrage sur les rapports entre l’art et l’anonymat. Dans le rôle de von Spreckelsen, le Danois Claes Bang possède une aura de mystère, disons même de détachement qui rend la proposition aussi saisissante que portée par l’énergie calculatrice des autres personnages, notamment dans le rôle magnifiquement interprété par notre Xavier Dolan national, qui rappelle sans aucun doute un Gabriel Attal en pleine joute oratoire. Quant à Mitterrand, Michel Fau s’en tire avec tous les honneurs. En fait, cet Inconnu de la grande arche se présente comme un film bâti selon des principes liés à l’architecture. Un film de bonne foi. ★★★★

Météors

Météores (France 2025) Hubert Charuel
Idir Azougli (Daniel) domine de loin la distribution, ce qui n’empêche pas Paul Kircher (Mika) et Salif Cissé (Tony) d’être à la hauteur. De Charuel, on se souviendra de l’excellent Petit paysan. Les origines « agricoles » du cinéaste en sont pour quelque chose dans la création de protagonistes fabriqués en béton, concrets, durs, ne recevant de leçons de personne. Cette approche donne lieu à un film plus rude, grave dans son propos, mais lieu également d’une certaine tendresse qui s’échappe par-ci, par-là sans s’annoncer. Certains pourront penser que dans le rapport entre Daniel et Mika, une sorte de relation fusionnelle, quasi incestueuse et qui, à la longue, pourrait se transformer, sans vraiment le vouloir, en une histoire d’amour homosexuelle. Après tout, n’est-ce pas courant actuellement ? Mais le cinéaste invente une autre fin où la lecture en voix off d’une lettre écrite adressée à Mika nous émeut au plus profond, d’une part pour le côté romantique que dresse son charme épistolaire et pour le rejet d’une possibilité qui préfère traire son nom. ★★★★

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]