in
memoriam
texte
Pascal Grenier
Le pape de
la série B
Roger Corman, pointant du doigt.
La plus grande légende du cinéma indépendant américain vient de s’éteindre. Célèbre pour ses productions à petit budget et sa capacité à avoir dénicher de nombreux talents au cours de son illustre carrière, l’honorable Roger Corman est décédé à l’âge de 98 ans. Très prolifique à ses débuts dans les années 1950, on lui doit une cinquantaine de réalisations et une carrière encore plus active derrière la caméra et à la fabrication de films. Entre 1954 et 2008, il est impliqué dans la production de près de 400 films soit à titre de producteur ou de celui de producteur exécutif. Des réalisations pour la plupart fauchées et au rabais où l’enthousiasme des artisans est souvent contagieux et ajoute à la qualité de la production, compensant pour la pauvreté technique de certaines d’entre elles.
Comme réalisateur, la carrière de Corman atteint son apogée dans les années 1960 avec notamment ses nombreuses adaptations cinématographiques des ouvrages du célèbre écrivain Edgar Allan Poe, The Mask of the Red Death – Le masque de la mort rouge étant son chef-d’œuvre du cycle Edgar Poe. Durant cette période, il aide à lancer la carrière de Jack Nicholson, Francis Ford Coppola et Peter Bogdanovich, fait de Vincent Price un monument du cinéma d’épouvante tout en donnant un second souffle à des vieilles légendes comme Boris Karloff. Une décennie fulgurante où il explore beaucoup et invente de nouveaux sous-genres tels que les films de bikers (motards) avec l’excellent The Wild Angels / Les anges sauvages, avec Peter Fonda qu’il révèle au grand public.
The Mask of the Red Death
Il fonde la New World Pictures en 1970 et contribue à sa façon à l’essor du New Hollywood dans cette décennie fort importante et créative pour le cinéma américain. Cette société était connue pour son engagement dans la production de films à petit budget, mais également pour avoir donné leur chance à de nombreux réalisateurs et acteurs émergents. C’est grâce à Corman que les Jonathan Demme, Martin Scorsese, Joe Dante, John Sayles, Ron Howard et James Cameron, pour ne nommer que les plus célèbres, émergent. Des artisans qui ont réussi à se distinguer en apprenant sur le tas et à faire leur cheminement dans l’industrie du cinéma.
New World Pictures a produit et distribué une large gamme de films, principalement des produits de série B allant des films d’horreur et de science-fiction aux films d’action, d’exploitation et aux comédies. La société a contribué à façonner le paysage cinématographique des années 1970 et 1980, et son impact sur l’industrie cinématographique indépendante est toujours ressenti aujourd’hui (les films de la société The Asylum en est un bel exemple).
En 1990, il fonde la New Concorde qui consiste essentiellement à la renaissance de New World Pictures, mais avec un accent renouvelé sur la production de films à petit budget et d’exploitation. La société a continué à produire et à distribuer une large gamme de films, y compris des films d’action, d’horreur et de science-fiction cherchant principalement à capitaliser et en calquant ses productions sur des succès de l’heure ou des remakes ou relectures de productions du passé en visant principalement le marché de la vidéo. Bien que New Concorde n’ait pas eu le même impact que New World Pictures dans les années 1970 et 1980, elle a néanmoins maintenu l’héritage de Corman en produisant des films audacieux et divertissants (comme Carnosaur) encore une fois à fort petit budget.
En somme, Roger Corman est une véritable icône dans l’histoire du cinéma indépendant et du cinéma de genre. Son influence est immense et son style de production rapide et à petit budget doublé d’une volonté à repousser les limites de la créativité cinématographique a laissé une empreinte durable sur le paysage cinématographique mondial.
The Wild Angels