Cinemania 2024

ÉVÈNEMENT
Cinéma ]

Luc Chaput

À la

rencontre

des autres

Invitée avec deux collègues par le gouvernent du Kampuchéa, une journaliste commence rapidement à avoir des doutes sur la véracité de ce que les officiels leur montrent. C’est dans cet aller-retour entre fiction et documentaire que de nombreuses rencontres se sont déroulées dans des longs métrages vus dans ce festival qui fêtait sa trentième édition.

Le cinéaste cambodgien Rithy Panh continue, après des documentaires fameux, L’Image manquante, de creuser le sillon de l’ethnocide perpétré sur ses compatriotes par les Khmers Rouges. Adaptant When The War Was Ove: Cambodia and the Khmer Rouge Revolution de l’auteure américaine Elizabeth Becker, il transforme, dans Rendez-vous avec Pol Pot, les trois protagonistes occidentaux en des francophones représentants trois points de vue sur le régime qui s’y est instauré. Le premier est un universitaire apologiste du régime et qui se targue de bonnes relations avec certains de ses dirigeants. Le photographe noir prendra de plus en plus de risques pour placer sur des photos des faits alors que Lise, correspondante de guerre, met ses interlocuteurs face à leurs contradictions. La mise en scène de Panh augmente les épisodes de contrôle par les représentants du régime jusqu’à l’enfermement des invités, réemployant des images d’archives et des décors de maquettes avec personnages qui renvoient à ces étapes du crime contre l’humanité qu’il a déjà rappelé dans ses œuvres précédentes. Grégoire Colin rend bien les déchirements internes de cet homme qui comprend trop tard que les faits sont têtus malgré un enrobage idéologique. Ce long métrage pourrait servir de point d’entrée pour certains sur cette immense catastrophe malgré son aspect un peu trop explicatif par moments.

Rendez-vous avec Pot Pol

La cartomancie du territoire

Un Montréalais entreprend un long voyage initiatique en hiver sur les routes du Québec à la rencontre d’Individus des Premières Nations. Le monologue qui sert de trame narrative à La cartomancie du territoire est envahissant, presque logorrhéique dans son incessant flot de paroles qui semble se calquer sur les kilomètres de routes qui se déroulent devant nous. Dans la version originelle théâtrale, ce texte du dramaturge et maintenant cinéaste Philippe Ducros avait sûrement une grande portée, soutenu par des images projetées en grand écran sur scène. Ici la cinématographie d’Éli Laliberté et le travail précis sur la bande son et la musique par Larsen Lupin et Florent Vollant acquièrent une telle force que des pauses plus fréquentes dans ces envolées poétiques ou statistiques permettraient aux spectateurs de comprendre et d’assimiler le discours pertinent de l’auteur. Les témoignages recueillis sont ici réinterprétés par deux acteurs autochtones Marco Collin et Sharon Fontaine Ishpatao et la mise en place de ces moments leur donne encore plus de force. C’est pourtant la présentation frontale de son parcours dans les pénitenciers par un Micmaque interprété par Charles Bender que le film trouve son sommet. L’emploi de la langue innue pour nommer le territoire et ses divers éléments confère une véracité à ses dires sur l’hier, l’aujourd’hui et le demain et qui s’apparente à celui présenté en partie dans d’autres œuvres récentes ou plus anciennes des artistes autochtones ou métis telles Kukum.

Le garçon

À partir d’une collection de photos presque anonymes achetées dans une brocante, deux cinéastes, l’un documentaire Florent Vassault et Zabou Breitman plus portée vers la fiction, décident de partir par monts et par vaux et par le biais des ressources de l’Internet à la recherche de cet enfant qui grandit dans ces clichés sous nos yeux. Le montage insère des saynètes de discussions, de préparations, de découvertes et de questionnements. Comme dans sa pièce Les Gens à partir de deux films de Raymond Depardon, la réalisatrice Breitman emploie des acteurs pour réinterpréter dans un cadre plus fictionnel les réflexions des quidams glanées par son confrère pendant ses périples caméra à la main. Cette récolte de souvenirs et d’oublis dans diverses régions de l’Hexagone redonne ainsi une histoire personnelle à cet inconnu devenu par ce moyen, protagoniste d’un long métrage historique. C’est Le garçon.

Nous avons déjà critiqué Bergers, Maria Montessori : La nouvelle femme, Niki et Le roman de Jim ; nous reviendrons lors de leurs sorties ultérieures sur, par exemple, Spectateurs et Il était une fois Michel Legrand, venant de ce festival très fourni.