Corps ouverts
@ Prospero (Salle intime)
CRITIQUE
[ Scène ]
Élie Castiel
★★★
La chair
colonisée
Coralie Lemieux-Sabourin se pose un tas de questions sur l’acte médical des transplantations d’organes ; dans son cas, elle évoque celle du foie qu’elle aurait subie à 22 ans. Si dans le privé, on suppose, ces interrogations sont de l’ordre purement médical et existentiel, ici sur scène, elles prennent une tournure presque philosophique, voir métaphorique, comme si cette intrusion dans le corps se présentait comme une invasion du privé dont on ne peut plus se débarrasser ; il ne reste donc plus que de tenter d’établir une sorte de lien affectif avec le donneur, bien entendu, décédé.
Cette intelligente proposition donne lieu à des moments dramatiques, drôles – parce que le public d’ici a toujours eu besoin d’humour même dans les plus grandes tragédies pour rire afin de tolérer mieux la tension –, des niveaux d’interprétation multiples puisque divers personnages font partie du décor. Sur scène, Sébastien Gauthier (versatile, efficace), Amélie Prévost, une excellente présence qui nivelle son jeu jusqu’à atteindre , et Geneviève Labelle, alter ego de l’autrice qui, comme par un tour de prestidigitation, réussit à rendre les mots créés aussi vulnérables que potentiellement évocateurs.

Comme une sorte d’ingénierie médicale.
Crédit : Katya Konioukhova
De l’écran, avec le documentaire Émilienne et le temps qui passe, Lemieux-Sabourin poursuit du côté de la scène avec un essai intime, trop intime même, allant jusqu’à évoquer son homosexualité – détails qui ne contribue pas du tout au thème principal, mais ces derniers temps, c’est devenu une mode autant à l’écran que dans les arts de la scène. Mais bon !
Les médicaments qu’il faut prendre après la greffe, les exercices à faire, les nombreuses sautes d’humeur, son rapport aux autres, celui à soi, à la vie. Un travail de réflexion nécessitant un effort difficile à gérer.
[ … ] les spectateurs doivent composer avec une proposition atypique qui les oblige à revoir leur notion du regard. Ce corps dont il est question, en quelque part colonisé, est étranger dans tous les cas. Et le pire, c’est qu’il s’agit d’une colonisation essentielle difficile à gérer.
Un corps de laboratoire est présenté et les deux médecin-légistes nous donne un aperçu qui, soyons honnêtes, ne nous laisse pas indifférents. Peu importe, entre « voyeurisme » involontairement scabreux et souhait de montrer la réalité telle qu’elle; les spectateurs doivent composer avec une proposition atypique qui les oblige à revoir leur notion du regard. Ce corps dont il est question, en quelque part colonisé, est étranger dans tous les cas. Et le pire, c’est qu’il s’agit d’une colonisation essentielle difficile à gérer.
Par les temps qui courent, le système de santé au Québec est largement surmené. Dans cet ordre d’idée, Corps ouverts nous paraît comme une pièce essentielle malgré les quelques légères failles d’une mise en scène un tant soit peu dispersée.

Crédit : Théâtre Prospero
FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Coralie Lemieux-Sabourin
Mise en scène
Coralie Lemieux-Sabourin ; avec la
collaboration de Mélodie Noël Rousseau
Assistance à la mise en scène
Heldy Zack Soupraya
Distribution
Sébastien Gauthier
Geneviève Labelle
Amélie Prévost
Décor : Anne-Sara Gendron
Lumière : Joëlle Leblanc
Costumes : Audreyline Lanoix
Concept-son : Agathe Dupéré
Durée
1 h 15 min
[ Sans entracte ]
Public (suggéré)
Déconseillé aux moins de 13 ans
diffusion & billets @
Prospero
Jusqu’au 15 mars 2025
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]