Crossing

P R I M E U R
Sortie prévue
Vendredi 2 août 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT.
Lia, professeure à la retraite, s’est promis de retrouver Tekla, sa nièce disparue depuis trop longtemps. Cette quête la mène à Istanbul, ville de tous les possibles, même les plus insoupçonnés.

 

COUP de ❤️
de la semaine

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★ ½

Istanbul

dans le

Bosphore

Un grand film, un très grand film d’une poésie aussi austère que parsemée de détails qui, dans le quotidien, passent inaperçus, comme s’ils s’envolaient d’un moment à l’autre ; tout comme l’agglomération istanbuliote peuplée d’individus fantômes composés de toutes factions sociales, politiques et sexuelles.  Comme le dit un des personnages du film, quelque chose comme « quand on arrive à Istanbul, c’est pour [mieux] disparaître… ».

Un constat que Levan Akin, cinéaste suédois de parents géorgiens, et non pas turcs, comme on aurait pu le penser, aiguise de main de maître, des séquences rudes ou, au contraire, apaisées, une façon comme une autre de pourvoir une nouvelle respiration à chacun des citoyens, le temps de reprendre leur errance perdue. Comme cette séquence dans un restaurant de la ville, d’une force dramatique inimaginable, où tragédie humaine et humour consensuel se côtoient du même coup.

La séquence d’ouverture, qu’on ne décrira pas, est d’une force mémorable, un des plus beaux plans que le cinéma n’a pas offert depuis fort longtemps, un pas en avant comme si ce qui avait précédé se perdait dans l’Histoire, n’aura jamais existé. C’est dans cette tendance d’élévation et de progression que s’élabore le reste du film. Akin a sans doute appris des grands maîtres du cinéma occidental, comme ceux aussi des noms illustres turcs, et à titre d’exemple, Nuri Bilge Ceylan. Celui qui, inspiré sans doute par Theo Angelopoulos, a construit et continue à percer dans un cinéma de la modernité. Un acte en mouvement qui reproduit les mécanismes aussi intellectuels qu’utilitaires. Le réalisme lyrique en quelque sorte.

Une solidarité à toute épreuve.

Crossing est bel et bien un produit artistique moderne. Du quarantenaire suédois, le film le plus connu ici est sans aucun doute Et puis nous danserons / And Then We Danced / Da chven vitsek’vet (2019), pour l’époque, œuvre fraîche et innovative.

Le plan fixe participe dans Crossing de cette idée d’interrompre le temps pour mieux, non pas le mesurer, mais le comprendre, saisir ses intempérances déloyales, inattendues.

Dans ce film impitoyable, il est question d’une quête un peu particulière. On parle d’un personnage transgenre comme d’une épidémie, et à mesures que les incidents surviennent, s’établissent des rapports de forces, des controverses psychologiques qui laissent tergiverser les personnages d’un bord à l’autre.

Entretemps, le bouillonnement incessant d’une capitale culturelle où les nombreux chats de rues ou de ruelles semblent être les gardiens silencieux d’un paysage qui se perd au fond du Bosphore, impassible.

[ Une ] extraordinaire longue séquence qui conclut le film en faux-semblant, animée, et filmée avec un réalisme pur, mélodramatiquement puissant, comme si le réalisateur confrontait même le cinéma, revendiquant la liberté qu’il donne en échange. Un pur acte de création.

C’est aussi un film de comédiens possédés par des rôles intransigeants. Mzia Arabuli (Lia) se jette corps et âme dans une aventure-enquête dont elle devient elle-même la source de l’investigation; un jeune compagnon, Achi – excellent Lucas Kankava dans un premier rôle à l’écran d’un réalisme percutant. Et puis Deniz Dumanli (Evrim), personnage transgenre, non pas celle à qui l’en pense, mais qui sert de point d’attache à toute cette histoire d’autant plus étrange que prémonitoire.

Comme cette extraordinaire longue séquence qui conclut le film en faux-semblant, animée, et filmée avec un réalisme pur, mélodramatiquement puissant, comme si le réalisateur confrontait même le cinéma, revendiquant la liberté qu’il donne en échange. Un pur acte de création.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Levan Akin

Scénario : Levan Akin
Direction photo : Lisabi Fridell
Montage : Levan Akin, Emma Lagrelius
Musique
[ Diverses pièces des répertoires turc et géorgien ]

Genre(s)
Drame social
Origine(s)

Suède / Danemark
France / Turquie
Géorgie
Année : 2023 – Durée : 1 h 46 min
Langue(s)
V.o. : géorgien, turc ; s.-t.f. ou s.-t.a.
Passage à Istanbul
Geçiş

Levan Akin

Dist. [ Contact ] @
Enchanté Films
[ Films We Like ]

Diffusion @
Cinéma du Musée
Cinémathèque québécoise
[ Dès le vendredi 9 août 2024 ]

Classement
Visa GÉNÉRAL

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]