En attendant Œdipe
CRITIQUE.
[ Scène ]
★★★★★
texte
Élie Castiel
Aucune frime malvenue, nulle prétention. À la limite, un magnifique court d’improvisation. Comme si à chaque représentation, le spectacle ne serait pas pareil au précédent. Au contraire, une proposition émanant candidement de l’esprit, par hasard, quasi accidentellement, comme si, par un concours de circonstances, on se retrouvait sur scène pour raconter une minime partie de ce que l’on appris par ci, par là, de la vie, de la famille, de tout ce qui constitue nos expériences.
Un sens inouï de l’observation et un intérêt pour l’intellect. C’est ce que l’on retient de François Blouin, qui excelle dans tout ce qui l’intéresse et l’anime.
Magistral
La victime privilégiée de cet artiste singulier : Œdipe, « celui par qui le scandale arrive », le maudit des Dieux, l’incestueux par mauvais sort, l’aveuglé (par hasard, par contrition antique, par inadvertance, autant de ?); et Jocaste, épouse de son propre fils, celle dont on a peu parlé dans les écrits sur la Grèce antique, pour des raisons que François Blouin cultive et nous fait découvrir.
Par son interprétation chaotique, perverse, amoureuse de la scène, hésitant, puis altier, vieil homme et cavalier seul contre les Grands de l’Olympe. Une allure de clown urbain sortant de nulle part, entre un Ubu du grand savoir et les clochards illuminés des grandes villes. Jeune homme intentionnellement vieilli pour la circonstance, et ça lui va comme un gant.
Épris de cinéma… Star Wars, Pasolini, Bergman et vers la fin, indiciblement, Angelopoulos, cinéaste du non-vu, de l’expression par la raison et l’image fixe.
Conceptuel? Dans un sens, mais dans une forme éclatée, humaine, trop humaine, apportant à l’absurde ses lettres de noblesse, lui octroyant une sorte de légitimité que peut-être seul le spectacle en solo peut se le permettre. Car si on se casse la gueule, on n’a personne d’autre à blâmer. Ce n’est certes pas le cas de François Blouin.
Pour le signataire de ces lignes, une surprise de taille, la découverte (honnêtement, je n’en savais rien, c’est sincère) d’un de mes étudiants de cinéma grec d’il y a quelques années, pour ne pas dire « plusieurs » années.
Le rapport entre l’expérience pédagogique et le résultat sur scène, tel que vécu lors du spectacle est un choc émotionnel, une surprise des plus éclatantes.
La mise en scène est justement de l’anti-réalisation scénique. Puisque contre toute attente, Blouin établit dès le départ, un étrange jeu de correspondances, de parallèles, de rapports et liens intimes entre lui et les spectateurs. Il méduse le moment, s’empare d’un présent immédiat multiplié, démystifie l’art d’interprétation, force la collaboration d’une petite (minime) partie du public qui, lui, émerveillé, se conduit comme un enfant discipliné à qui on offrait un bonbon comme récompense.
Et en dernier lieu, un masque sur le visage, un masque du tragique Grec, aube de la civilisation occidentale à qui il appartient d’établir les règles. D’étranges moments de grâce gestuelle où le corps s’anime, se décompose, renaît de ses origines.
Seul sur scène, prisonnier d’un décor de pacotille, comme ces colonnes brisées à moitié, comme si elles étaient frauduleusement prises d’un Acropole qui mérite quelques réaffections ou d’une quelconque boutique pour touristes.
Conceptuel? Dans un sens, mais dans une forme éclatée, humaine, trop humaine, apportant à l’absurde ses lettres de noblesse, lui octroyant une sorte de légitimité que peut-être seul le spectacle en solo peut se le permettre. Car si on se casse la gueule, on n’a personne d’autre à blâmer. Ce n’est certes pas le cas de François Blouin.
Ludique. Exceptionnel.
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte / Adaptation
Mise en scène / Interprétation
François Blouin
[ D’après Œdipe roi de Sophocle ]
Scénographie & Accessoires
Romain Fabre
Lumières & Régie
Mathieu Poirier
Décors
Guillaume Lord
Costumes
François Blouin
Valérie-Jeanne Mathieu
Maquillages
Véronique St-Germain
Souliers
Sarah Belleux
Technique
Andy Calamatas
Production
L’Agora / Cie de création
La Chapelle / Scènes Contemporaines
Durée
1 h 10 environ
[ sans entracte ]
Diffusion @
La Chapelle
Jusqu’au 22 mars 2022
[ Horaire selon la journée ]
ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]